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Gauche, droite, ou les illusions
de la géométrie politique

mis en ligne le 21 octobre 2007

La liberté d’expression permet à chacun de dire ce qu’il entend dire. Elle permet aussi au plus fort de parler plus fort, et ainsi de masquer sous couvert de « démocratie » une forme sophistiquée de propagande. Si cette dernière peut se révéler efficace, c’est dans la mesure où les politiciens partagent avec un certain nombre de politologues et un nombre certain de journalistes une vision commune et réductrice de la politique qui nous est donnée par voie de presse pour une « information objective ». Le traitement récent d’une étude concluant à la « stabilité des rapports de force en Suisse » fournit un exemple paradigmatique d’une telle propagande politique.

Une double page de publicité dans le quotidien suisse Le Temps coûte très exactement 24’900 francs à ses annonceurs. Si l’UDC, parti politique très à droite, avait voulu recourir à ce moyen pour faire bonne figure auprès du lectorat, il aurait donc dû débourser cette somme. Dans l’édition du 12 octobre 2007, il n’a pas eu à le faire, puisque ce sont des politologues et des journalistes qui s’en sont chargés en toute gratuité. Bien sûr, puisque nous n’avons pas affaire à un journal d’opinion, cela a été présenté non pas comme une défense de la droite politique, mais comme une information objective et même scientifique.

Que nous apprend cette étude ? Pour obtenir une réponse, il suffit en fait de lire les deux pages que le quotidien romand consacre à l’enquête, car l’article qui en présente les résultats est signé des noms mêmes des deux universitaires, Michael Hermann et Bruno Jeitziner. Privilège rare dans une page rédactionnelle, et qui en dit long sur le peu de distance critique que le journal entend prendre face aux conclusions de cette recherche qui sont pourtant lourdes d’enjeux sociaux et politiques. C’est donc la voix de l’expertise qui parle, et qui nous explique « l’étonnante stabilité des rapports de force au parlement fédéral ». Le titre de l’article nous renseigne plus précisément sur la méthode qui a pu mener à ce constat : « Le bilan des 1500 votes intervenus au Conseil national ne traduit pas de renforcement de l’UDC ». C’est en effet sur la base de l’analyse de tous les votes nominaux effectués par tous les députés durant la dernière législature, soit quatre ans, qu’il devrait être possible de démontrer que l’équilibre des forces n’a pas enregistré un déplacement significatif depuis la précédente législature. Ce faisant, les chercheurs entendent rompre avec la représentation (postulée commune) selon laquelle l’arrivée au gouvernement du ministre UDC Blocher se serait accompagnée d’un glissement à droite de la politique fédérale.

C’est là que le bât blesse : alors que l’enquête se borne à analyser les écarts relatifs entre la manière dont chaque député répond aux questions qui lui sont posées, et que rien n’a été dit sur la manière dont ces questions ont été posées, l’un de ses auteurs prétend pourtant avoir pris en compte « le spectre complet des lignes de développement politique ». C’est là une conception bien naïve des rapports de pouvoir qui se trouvent ainsi réduits à des querelles politiciennes. Il y aura en effet toujours des députés qui répondront oui et d’autres qui répondront non à une question donnée, avec une polarisation plus ou moins forte entre les réponses des uns et des autres, et ceci quelle que soit la question posée. Le jeu des stratégies et des alliances suivant sa propre dynamique centripète, il n’est alors pas du tout surprenant de constater que l’équilibre se trouve maintenu plus ou moins à l’identique. Ce que pensent avoir démontré les chercheurs n’est en réalité qu’un pur effet de structure, car ils ont omis de prendre en compte une règle centrale du jeu politique, à savoir que si des députés acceptent de débattre d’une question, c’est qu’ils reconnaissent de facto la légitimité de cette question. Ce sur quoi l’enquête fait l’impasse, c’est précisément sur la question de savoir qui a construit ces questions comme légitimes, ou autrement dit qui impose les termes du débat, la nature des questions auxquelles il convient de répondre et celles qui ne doivent pas être posées. C’est là un enjeu fondamental des rapports de force politiques qui n’a pas du tout été pris en considération par les deux chercheurs manifestement plus intéressés à démontrer le règne de l’équilibre qu’à faire preuve de l’honnêteté scientifique qui est de mise lorsque l’on prend pour objet de recherche la politique.

Les conclusions tirées de l’enquête sont d’autant plus grossières que les chercheurs semblent avoir parfaitement identifié les limites inhérentes à leur démarche : « Néanmoins, ces chiffres ne révèlent pas à quel point l’ensemble de la configuration politique pourrait avoir glissé à droite ». Mais cette prudence n’est que passagère. Sans avoir pris la peine de procéder à une analyse politique, tout en réduisant les enjeux parlementaires à une série de calculs mathématiques, les chercheurs se croient autorisés à conclure sans peur de la contradiction : « L’UDC a certes augmenté son nombre de sièges de 29 à 55 mandats depuis 1995. Toutefois, au parlement, elle ne parvient pas à s’imposer plus souvent qu’au début de son ascension ». Et ils vont même plus loin dans leur interprétation : « Malgré des changements considérables dans la répartition des sièges, les rapports de force en Suisse n’ont guère évolué ». Pour quiconque considère que les mots et leur usage sont importants – et c’est ce qu’on enseigne à l’université – ce glissement sémantique de « Le parlement » à « La Suisse », loin de constituer un simple abus de langage, relève tout bonnement de l’imposture intellectuelle. Et c’est précisément cette imposture qui va être prolongée par le journaliste sous la forme la plus parfaite de la propagande politique, comme on le verra plus loin.

Mais avant de poursuivre, et pour bien comprendre à quel type de supercherie nous avons affaire, recourons pour un instant à une métaphore. Tout le monde sait que pour qu’il y ait une droite, il faut une gauche, et vice-versa. Voilà pour la géométrie. Qu’en est-il de la politique ? Imaginons que le parlement est une table rectangulaire autour de laquelle sont réunies un certain nombre de personnes débattant d’un certain nombre d’idées. A une extrémité de la table se trouve le président de séance. A sa droite se trouve les personnes défendant les idées réputées plutôt de droite ; à sa gauche celles défendant des idées réputées plutôt de gauche. La position respective de chacune de ces personnes autour de la table peut varier quelque peu en fonction des idées défendues et de leur évolution dans le temps, avec de temps à autres des rocades. Cela n’empêche qu’il y aura toujours des personnes assises à gauche, et d’autres à droite par rapport à un centre symbolisé par le président. Ce sont les lois de la géométrie qui le veulent. Imaginons à présent que cette table (le parlement donc) se trouve dans le wagon d’un train qui circule sur une voie de chemin de fer. Ce wagon est équipé de fenêtres qui sont obstruées par des rideaux de velours, si bien que les personnes qui s’y trouvent, toutes occupées à leurs délibérations, n’ont guère le temps ni le loisir d’admirer le paysage, pas davantage qu’elles ne savent où se situe le train. Si on se place maintenant du point de vue du troupeau de vaches qui observe patiemment le train qui passe, la géométrie de la situation change radicalement : s’il est bien difficile de deviner ce qui se passe à l’intérieur du train, il devient toutefois manifeste à leurs yeux que celui-ci se déplace sur la droite. Pour les vaches en question, les notions de géométrie qui prévalent dans le wagon se trouvent dès lors considérablement relativisées du fait de la vitesse à laquelle le train leur semble filer vers la droite. Mais tout le problème est justement que, dans le même champ mais de l’autre côté de la voie de chemin de fer, se trouve un troupeau de moutons qui, pour sa part, voit le même train filer exactement dans l’autre direction : sur la gauche. Entre les deux points de vue, il est rationnellement impossible de trancher, puisque chacun est vrai selon la position d’où est formulé le jugement. Cela ne suffit pourtant pas à arrêter une petite meute de putois bien déterminés à trancher une fois pour toute dans ce problème épineux. Pour ce faire, c’est à l’intérieur même du wagon qu’ils vont mener leur investigation, munis pour cela d’un outil fort sophistiqué : un mètre-dérouleur. Après quatre ans passés dans le wagon, et après avoir méticuleusement calculé les distances qui séparent chacune des personnes attablées dans chacune des configurations observées, ils arrivent à cette conclusion : imperturbable, le train est resté au centre du champ. Certes, ni les vaches ni les moutons ne sont satisfaites de cette conclusion, mais les putois, loin de s’embarrasser de cette querelle périphérique, n’en sont pas moins fiers d’avoir inventé un troisième point de vue : celui de l’objectivité parfaite et surplombante. Pendant ce temps, la géométrie du champ, elle, n’a jamais été calculée.

C’est ici que prend fin la métaphore. Sa fonction n’a d’autre but que de mettre en évidence le degré d’autisme qui caractérise les politologues et les journalistes qui pensent pouvoir nous renseigner sur l’état des rapports de force d’une société donnée en limitant leur analyse aux querelles de partis qui opposent un nombre très réduit de ses membres entre les quatre murs d’un parlement. Ayant les yeux rivés sur le monde politico-politicien, ils finissent ainsi par réduire la société et par restreindre le choix des possibles à ce qu’ils y observent. Confondant les enjeux de la représentation politique avec une représentativité parfaite, ils peuvent ainsi faire l’économie d’une réflexion intelligente sur la société et l’ensemble des luttes qui la traversent. Et comme au royaume des aveugles, les borgnes sont rois, c’est l’éditorialiste du Temps qui va nous expliquer ce qu’il faut vraiment retenir de l’enquête menée par les deux universitaires, enquête qui, il faut le souligner, a été mandatée par deux journaux alémaniques, ce qui en passant prouve qu’on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même. A la une du journal, le lecteur soucieux de ce qui se passe dans son pays peut être rassuré à la lecture de ce gros titre : « La Suisse “blochérisée” ? Les votes au parlement disent le contraire ». Et juste en dessous : « Politique : Une étude met en évidence la stabilité des rapports de force ». Mais pour entrer dans le vif du sujet, pour bien comprendre le message et être vraiment très rassurés, lisons Bernard Wuthrich, éditorialiste bienheureux et malodorant qui ose ce titre : « Le centre gagnant ».

« Les élections de 2003 ont propulsé l’UDC au premier rang des partis nationaux et ont permis à son leader d’entrer au gouvernement. Qu’en a-t-il résulté ? Une politique plus à droite que par le passé ? Un blocage du système ? Que nenni. Hormis les durcissements des lois sur l’asile, les étrangers et l’assurance invalidité – trois domaines caractérisés par des abus dénoncés en premier par l’UDC – les décisions prises par le parlement et le peuple ne portent pas la marque du parti national conservateur. »

Conservateur ? Mais que s’agit-il de conserver au juste ? On ne peut conserver que ce qui existe déjà : ce n’est pas une loi géométrique, mais une nécessité logique. Qu’est-ce donc que l’UDC pourrait ainsi chercher à conserver, sinon ce qu’elle a déjà obtenu ? Et qu’a-t-elle obtenu ? En 1995, ce parti qui n’était pas conservateur mais d’extrême-droite a fait voter des « mesures de contrainte » très controversées à l’égard des requérants d’asile. Puis, ces mesures n’ont cessé de se renforcer, toujours sous la pression de l’UDC, aboutissant en 2004 à une nouvelle loi sur l’asile dénoncée comme raciste et, tout récemment, au vote par le parlement fédéral de l’usage de pistolets à électrochocs pour convaincre les requérants déboutés de bien vouloir quitter ce pays. Ce qui est curieux, c’est que cette évolution coïncide assez fidèlement avec celle de la dénomination de l’UDC par les journalistes qui, d’un parti d’extrême-droite, finissent aujourd’hui par y voir un parti conservateur. Sous couvert d’objectivité, se pourrait-il qu’ils soient en fait du côté des moutons ? Non pas que l’éditorialiste en question ne veuille pas voir ce qui se passe dans son pays, mais en se débarrassant de la triple question des étrangers, des requérants d’asile et des invalides de manière lapidaire, il laisse entendre que ce qui peut leur arriver dans le contexte actuel est au pire le dommage collatéral d’une politique centriste, c’est-à-dire pas grand-chose. Et c’est grâce à une « étude scientifique » qu’il se croît autorisé à l’écrire. A-t-on seulement pensé à demander aux quelques centaines de milliers de personnes concernées si elles pensent aussi que nous ne sommes pas face à une « politique plus à droite que par le passé » et si elles concluent également à la « stabilité des rapports de force » ? Quant à la dénonciation de conventions collectives par le patronat, la mise en œuvre par certains cantons de l’impôt dégressif, le vote simultané par le parlement fédéral d’une exonération fiscale sur les bénéfices des entreprises et d’un refus d’entrée en matière sur une exonération des bénéficiaires de l’aide sociale ; tout cela pourrait-il apparaître à certains comme autant de signes d’un virage à droite de la politique suisse ? Eh bien détrompez-vous braves gens, ce ne sont là que des illusions gauchistes qui vous conduisent à oublier que la politique, la seule qui soit digne d’intérêt, est celle qui se trame dans les couloirs feutrés du parlement fédéral. Et si vous êtes malgré tout rongés par un scepticisme malsain, Le Temps a prévu pour vous une page entière présentant en détails les résultats de l’étude grâce à des graphiques et des tableaux en couleur qui n’ont d’autre fonction que d’en imposer au lecteur profane, comme jadis le latin de la messe. Depuis leur chaire, ces politologues et journalistes, incapables de détourner le regard des querelles partisanes et persuadés que c’est là, et là seulement, que se joue la démocratie, ne proposent en réalité rien d’autre que la transposition de petits calculs électoraux en petits calculs savants.

Revenons un instant à l’éditorial de Monseigneur Wuthrich. Le diable se cachant souvent dans les détails, c’est entre deux tirets cadratins que nous allons le trouver à l’intérieur de l’extrait cité plus haut : « trois domaines caractérisés par des abus dénoncés en premier par l’UDC ». La formulation ne laisse pas de place au doute : ce qui caractérise les étrangers, les requérants d’asile et les bénéficiaires de l’assurance invalidité, ce sont les abus, et les abus seulement, puisqu’aucune autre caractéristique ne leur est ici attribuée. « Les abus » sont ainsi la question politique, fondée en réalité, dont il convient de débattre, et c’est l’UDC qui y a vu le plus clair en dénonçant en premier ces abus. Cette manière de légitimer les questions telles qu’elles sont posées à chaque fois par celui qui parle le plus fort conduit donc à faire l’impasse sur toutes les autres questions laissées dans l’ombre et dont il est tacitement exclu de débattre. Cette collaboration prendra forme dans des discours du type : « L’UDC a osé mettre le doigt sur les vrais problèmes, nommer un chat un chat, même si les mesures qu’elle propose sont parfois contestables » ; ou : « Le Front National pose les bonnes questions mais y apporte les mauvaises réponses ». En renonçant à questionner les termes du débat, on en arrive nécessairement à une forclusion du champ du politique et à une ratification de la loi du plus fort, mécanisme masqué par l’illusion d’une symétrie dans le débat politique que s’appliquent savamment à entretenir bon nombre de politologues et journalistes. La droite a-t-elle dit que les étrangers ne s’intègrent pas suffisamment ? Peu importe que pour nous en convaincre elle suscite systématiquement la haine de « l’étranger » dans la population et s’applique ingénieusement à mettre en oeuvre des politiques criminogènes. Tenter de poser le débat dans des termes nouveaux et de gauche serait d’un coût électoral trop élevé pour une gauche qui, soucieuse de ne pas verser dans « l’angélisme », va s’empresser de proposer ses réponses à un problème de l’intégration sur lequel on n’a décidément plus le droit de fermer les yeux. C’est ainsi que l’on aboutit à un « contrat d’intégration » qui repousse encore un peu plus loin l’illusion de la symétrie entre les parties au « contrat », ouvrant par là même la voie à de nouvelles mesures de rétorsion contre ceux qu’on ne manquera pas de montrer du doigt pour avoir rompu le contrat. Et d’ailleurs, qui décrétera que le contrat a été rompu ?

Cette performativité du langage dominant, qui n’est possible que grâce à la collaboration d’une opposition qui cesse aussitôt d’en être une, n’a théoriquement et pratiquement aucune limite. Pour ne pas trop colorer politiquement notre propos et éviter d’atteindre le point Godwin par la référence un peu hâtive à un passé sombre, considérons cette situation fictive : Un parti politique réputé exagérément de droite et qui déteste tout particulièrement les Appenzellois propose au parlement le regroupement de ces derniers dans un grand camp de concentration. Comme la haine des Appenzellois est un sentiment très répandu parmi les Helvètes et qu’il faut bien ménager son fonds de commerce électoral, les partis autrefois réputés pro-appenzellois en appellent à la tolérance et proposent en lieu et place du regroupement le port obligatoire par les Appenzellois d’une cloche jaune au cou. La mesure rencontre aussitôt l’enthousiasme d’une large frange de la population, et est adoptée simultanément avec une autre mesure autorisant l’ouverture des travaux de construction du camp. Pendant la durée des travaux, de nouvelles mesures entrent en vigueur, comme notamment la détection par analyse d’ADN des citoyens dont l’origine appenzelloise reste douteuse. L’adoption de cette mesure n’est toutefois pas allée sans susciter de vifs débats au parlement sur la question de savoir si l’existence d’un seul ancêtre appenzellois est suffisante pour trancher la question, ou s’il convient de relever ce nombre à deux, voire à quatre comme le défendent les gauchistes réputés les plus acharnés. Quant aux angéliques qui refusent l’entrée en matière sur ces questions, il y a plusieurs années qu’ils n’ont plus droit de cité au parlement, une partie considérable d’entre eux s’étant d’ailleurs vu interdire par une loi ad hoc de manifester dans la rue pour cause de trouble de l’ordre public. Les mêmes trublions se voient en outre régulièrement montrés du doigt par la quasi-totalité des journalistes qui y voient une menace pour une démocratie qu’ils entendent pour leur part défendre avec fermeté. Et pour bien montrer que de telles inquiétudes ne sont pas fondées, les mêmes journalistes recourent fréquemment à l’expertise d’universitaires qui, chiffres à l’appui, vont démontrer « l’étonnante stabilité des rapports de force au parlement », découverte qui sera aussitôt interprétée comme une « victoire du centre ».

En appliquant rigoureusement la même méthode que celle utilisée par Jeitziner-le-politologue et Hermann-le-géographe, et en tirant de l’étude qui en résulte exactement les mêmes conclusions politiques que celles de Wuthrich-l’éditorialiste, on aboutira, quel que soit l’état du monde, à cette même leçon de citoyenneté : « le centre gagnant ». Les illusions de la géométrie politique servent ainsi une forme très particulière de propagande que l’on pourrait désigner comme propagande centriste, et qui en constitue sans doute la forme la plus aboutie à ce jour. Loin d’être mise au service d’un parti spécifique, elle défend le statu quo de l’ordre établi et, en masquant les rapports de force réels qui sont au principe de son établissement, donne l’illusion d’un effet de balancier grâce auquel la société finirait toujours par retrouver son nécessaire équilibre, son juste milieux. Les bienfaits de la démocratie procédurale pourront alors être vantés indéfiniment tout en servant les intérêts du plus fort. Selon cette logique, « défendre la démocratie » peut revenir à peu de choses près à soutenir la barbarie. Sous la rubrique « Eclairages » d’un quotidien éclairé peut alors se cacher le plus parfait obscurantisme qui a toutes les parures de la science.

Christian Schiess