Le 16 juillet au matin, nous quittons Eyasi pour plus de 6 heures de pistes. Il faut tout d'abord rejoindre la route asphaltée qui mène d'Arusha au cratère du N'gorongoro et là
ce sont déjà 2 heures de piste éprouvantes parmi la poussière soulevée par le peu de véhicules que nous croisons: des vélos anglais sortis de nulle part poussés par des cyclistes sortis de nulle part.
Je croise une magnifique vipère heurtante (Bitis arietans), très jaune et malheureusement fraîchement tuée sur la piste. Nous nous faisons secouer car la piste est passablement ravinée.
La montée vers l'entrée de la Ngorongoro Conservation Area en devient un soulagement et notre esprit ainsi que nos muscles peuvent6 se décontracter, surtout à l'approche des forêts d'altitude et
du vert tendre et chatoyant qui s'en émane. Nous devons nous arrêter à l'entrée du parc pour les autorisations et taxes nécessaires. La fenêtre du Landcruiser que je surveille est restée ouverte, une bande de
babouins en profite pour pointer leurs nez; l'un d'eux grimpe sur la voiture, je le fais fuir à grands coups de poing sur la carrosserie et vociférations abondantes car il s'apprêtait à pénétrer dans le véhicule et aurait certainement chapardé un peu de matériel photo, c'est si rigolo...
En haut du cratère, la vue est splendide, si vous y arrivez en vie, ce qui a été notre cas... les véhicules (de la grosse jeep au camion) que nous croisons roulent comme des malades et prennent des risques, dans un site protégé, pour
arriver ... quelques minutes plus rapidement, mais où ? Enfin, le spectacle depuis le haut du cratère, vers 2700 mètres vaut vraiment la peine: vous voyez l'immensité de la caldera, qui fait 20 km par 60 et au mileu se trouve
le lac Magadi. Nous restons peu de temps et entamons la descente vers le Serengeti et Ndutu où nous arriverons vers 20h. Durant cette longue descente vers les grandes plaines masaïs, nous apercevons
des troupeaux de zèbres (Equus quagga boehmi), des gazelles de Grant et de Thomson et enfin notre première hyène (Crocuta crocuta), remontant seule la plaine...
L'arrivée à Ndutu Lodge se fait donc de nuit, un peu de vin d'Afrique du sud comme apéritif en guise de réconfort, sur une terrasse signe la fin d'une journée passée sur les pistes. Le cri des hyènes et
le rugissement du lion au lointain (300 mètres) parfait ce tableau que je n'aurais de cesse de contempler. Toute la magie de l'Afrique est là, tous ces cris, ces chants, ces bruits qui n'existent que là bas lorsque la nuit tombe.
Rien que pour cet instant, sur une terrasse, cela valait les 12 heures de voyage pour venir depuis la Suisse... mais la nuit équatoriale tombe tôt, les hommes la suivent car ils se lèvent tôt aussi, car la lumière matinale est la meilleure jusque vers midi et le fauves sont en fin de chasse le martin.
Ndutu se situe aux confins de la Ngorongoro Conservation Area et du parc du Serengeti dans son extrémité sud.
Le lendemain matin 17 juillet, après un bon petit déjeuner continental à tendance anglo saxonne et après avoir admiré les inséparables (Agapornis fisheri)
caqueter bruyamment et plein d'autres oiseaux tous plus colorés les uns que les autres, nous partons en piste à la recherche des lions. Notre chauffeur tente tant bien que mal de suivre les traces sur la pistes. Nos premières
observations intéressantes sont celles de plusieurs serpentaires ou oiseaux secrétaires (secretary bird) (Sagittarius serpentarius), falconiforme spécialisé dans la chasse aux serpents. Ses immenses pattes sont adaptées
à ce type de chasse: il est haut perché, ne risque pas la morsure, assène des coups jusqu'à ce que le serpent soit inerte puis le gobe sans le dépecer et ce, quelque soit sa taille. Il se nourrit également
nourrit également de rongeurs et d'insectes. Cet oiseaux vit en couple formés pour la vie et occupe un territoire de 20 à 150 km2.
Non loin du serpentaire ce sont quelques phacochères qui fouillent le sol. Je suis étonné par l'importante présence de rapaces: aigles ravisseurs (Aquila rapax), aigle des steppes (Aquila nipalensis), faucons élanions (Elanius caeruleus) en bande d'une vingtaine d'individus parfois, fauconnets d'Afrique (Polihierax semitorquatus),
des buses, aigles batteleurs (Terathopius ecaudatus) etc. n'en finissent plus de s'envoler, se poser, survoler,
planer. C'est en revenant au lodge vers midi que je compris la raison de ce
rassemblement de rapaces: des millions de souris ou rats diurnes du genre
(Arvicanthis). Il y en avait partout autour du Lodge, pas farouches du tout. Et en étant plus attentifs l'après midi, j'en aperçus constamment.
Revenons toutefois à ce début de matinée qui, après les serpentaires et les phacochères (faisons des vers sans en avoir l'air), nous découvrîmes au détour d'une butte un couple de guépards (Acinonyx jubatus).
Quel spectacle intense, se prélassant lentement, se posant, s'étirant, repartant, scrutant l'horizon, ils nous ont ignoré totalement. Si j'avais été seul, je les aurais suivi toute la journée, tant que c'était possible.
Par contre et malgré la présence de traces, toujours pas de lions en vue.
De retour pour la sempiternelle obligation du repas de midi, j'inspecte les
alentours du Lodge pour y découvrir plein de caméléons à cape (Chamaeleo dilepis), plusieurs agames à cou noir ou à tête bleue
(Acanthocerus atricollis), quelques oiseaux spréos, un nouveau psammophis, une chauve-souris mégaderme évoluant en plein jour, un souimanga (oiseau mouche)
disparaissant aussi vite qu'il était apparu.
La chaleur, même si nous sommes à plus de 1000 mètres, se fait sentir. Je profite pour photographier les centaines de rongeurs nous filant entre les jambes. L'après midi nous nous égarons un peu dans l'immensité des plaines du Serengeti
et nous croyons voir quelques énormes rochers qui s'avèreront être un petit groupe d'éléphants. Une bonne surprise nous attends: un otocyon (Otocyon megalotis) se laisse approcher, il est juste à l'entrée de son terrier.
Un chacal à chabraque ne demande pas son reste et fuit. Au travers de la piste, je dois crier pour que notre chauffeur ne roule pas sur une tortue léopard, (Geochelone pardalis). Là sur quelques buissons, une vingtaine
de jolis faucons élanions blancs s'envolent pour se poser sur l'arbre plus loin. Quelques outardes Kori ou à ventre noir s'échappent entre herbes hautes et poussière, notre véhicule et chauffeur peinant à ne pas
nous accidenter dans les trous de phacochères agrandis par les hyènes, les "avantages" de la conduite hors piste, à éviter.
Le 18 juillet après être passé dans la partie principale du Serengeti par la porte de Naabi Hill (où l'on peut
observer et photographier le superbe agame Mwuanza (Agama mwanzae), nous passons la nuit au camp d'Ikoma, de l'autre côté du Parc par manque de chambre disponibles. Ce camp est rudimentaire mais fort sympathique, j'y découvre avec notre guide le plaisir du Gin tonique à l'écoute des cris des hyènes.
Le lendemain matin, après nous avoir perdu plusieurs fois parmi les Kopjes
(massifs rocailleux imposants et dominant la plaine sur lesquels vivent des
léopards, des lions car c'est un excellent point de vue) du parc de Serengeti, après avoir failli rester ensablé dans le lit d'un rivière, nous avons enfin été récompensé par la découverte de nos premiers lions, ou plutôt lionnes, qui faisaient
la sieste dans le lit d'une rivière à sec. Plus loin, la rivière Mara nous accueille avec quelques crocodiles, des varans du Nil farouches, des grues couronnées par couple, des piscines à hippopotames
dégageant une odeur nauséabonde (en saison sèche la rivière Mara n'a pas de débit, les hippos sont donc concentrés dans des bras de rivière où les déjections ne sont pas évacuées...).
En plus d'avoir été perdu à plusieurs reprises par notre guide "Mr I'm lost"... nous avons été harcelés par les mouches tsé-tsé et,
au contraire de 1969, je n'avais pas de caméléons sous la main pour leur faire
la chasse dans la voiture. Nous avons encore vu succinctement des élans du cap (Taurotragus oryx) qui fuyaient au loin, quelques vautours à tête blanche (Trigonoceps occipitalis).
Au bord des points d'eau de la rivière Mara, il a été encore possible de voir le peu fréquent Tantale ibis, un seul héron Goliath (Ardea goliath), le plus grand du monde avec 1,50 mètre de hauteur.
Nous quitterons le Serengeti le 20 au matin pour nous rendre sur l'île Lukuba, à 40 minutes de bateau en face de la petite vile de Musoma...