Interview avec un poilu qui a lutté pour la France dans la Grande Guerre

 

 

Bonjour M. Muenier. Je suis très heureux que j’ai finalement trouvé un poilu avec qui je peux parler des champs de bataille de la Grande Guerre.

Vous avez raison que c’est très important de savoir qui s’est passé aux champs de bataille les plus terrible du monde.   Voilà. Pour commencer :Comme quoi est-ce que vous avez servi dans la bateille de Verdun ?   J’étais un simple soldat qui était stationné dans les tranchées à Verdun.    

Qu’est-ce qu’était votre travail là dedans et qu’est ce que vous avez éprouvé ?  

On n’avait rien à faire parce que tous les temps les obus tombaient sur nos tranchées ou trous. L’ objectif c’etait de survivre à la situation. Il nous arrivait de rejeter avec le bout de la baionette les morceaux de cadavres qui quelque fois  nous recouvraient après qu’un obus était tombé tout près. Verdun, c’etait l’enfer, ça ne se raconte pas, ça se vit. On ne cherchait qu’une seule chose, c’était vivre comme on peut et échapper à cette humidité croissante qui, par les froids qui commencaient, devaient impossible à supporter. C’était la prèmiere fois que j’ai vu des hommes de quarante ans pleurer comme des enfants. Certains voulaient mourir.  

La chose le plus terrible chose que vous avez experimenté ? On était dans les tranchées, le déluge de fer s'accentue, d’une minute à l’autre. Les arbres sont fauchés, la terre vole de toutes parts. Une âcre fumée prend à la gorge. A chaque rafale qui passe, le corps se resserre, les nerfs se contractent, et la respiration se fait plus courte, plus saccadée… A côté de moi, le lieutenant Fleury se lève : "Bourdillat me dit-il, je vais voir ce qui se passe ; j'ai tellement les nerfs à bout que je préfère remuer. "C'est d'une imprudence inouïe !… "Ne quittez pas votre trou, mon lieutenant, lui dis-je, les obus nous rasent de si près que c'est folie. " "Tant pis, me répond-il, je préfère marcher un peu…" Il est à peine sur le rebord de la tranchée qu'un éclat d'obus lui arrache la tête… Je regarde stupidement le morceau de mâchoire inférieure qui reste seul attaché au corps, tandis que son cou béant déverse dans la tranchée un mélange de sang, de moelle… C'est quelque chose d'affreux…  

Une autre fois, nous sommes dans une longue tranchée, pleine de morts ; une odeur affreuse monte de l'immense charnier. Soudain, le barrage boche se déclenche. Je vois des camarades, les yeux agrandis par l'épouvante, regarder vers le ciel, frappés de stupeur : Je regarde à mon tour, et je vois, retombant d'au moins 20 mètres, une pauvre chose inerte, bras et jambes ballantes, comme un pantin sans articulations qu'on aurait jeté d'un avion, d'un ballon. C'est un camarade qui a été soulevé comme une plume par le déplacement d'air d'un obus.  Quelques minutes plus tard, un obus éclate si près de moi que je vois très nettement une boule de feu. Par miracle, je ne suis que légèrement blessé, et je vais dans un petit gourbi, à flanc de ravin pour y attendre la relève. Je partage l'étroit abri avec un autre blessé. Tout à coup, un tir de barrage éclate tout près et un obus tombe juste au-dessus de nous, nous ensevelissant. Alors pour nous, le bombardement devient lointain, lointain… je me rends compte du tragique de la situation ; si personne ne vient à notre secours, nous sommes perdus. Le malheureux qui partage ma tombe est étouffé par la terre ; trois fois de suite, je l'entends faire rronn, rronn, rronn, puis c'est tout ; je devine qu'il est mort ; il n'a pas souffert longtemps.
De tous mes efforts, j'essaie de me soulever, mais trois mètres de terre nous retiennent prisonniers ; par une habitude heureuse que j'avais toujours au front, j'ai toujours sur la tête mon casque avec jugulaire au menton ; la visière avant retient la terre et l'empêche de m'obstruer la bouche. La tête rabattue sur la poitrine, respirant à peine, je garde néanmoins toute ma lucidité. Je me rends parfaitement compte que tout sera bientôt fini ; alors, comme un film de cinéma, toutes sortes de souvenirs se présentent à ma mémoire, mais surtout, je pense à ma mère, à la peine qui sera la sienne lorsqu'elle saura tout ; puis j'entrevois mon père et mon frère décédés que je vais revoir, mes frères et ma sœur qui pleureront aussi à cause de moi ; alors, avec calme, avec toute ma connaissance, du plus profond de mon cœur, je fais mon acte de contrition, demandant à Dieu d'abréger au plus tôt mon martyre ; puis, des minutes s'écoulent, qui n'étaient peut-être que des secondes, mais qui m'ont paru des heures interminables. Je sens que ma tête bourdonne ; des bruits de cloches semblent sonner très fort, puis plus rien. De nouveau, je reprends connaissance, et à ce moment, je me souviens m'être fait cette réflexion : "Ce n'est pas si dur de mourir…"
Combien de temps suis-je resté ici ? c'est flou, mais assez longtemps, au moins 25 minutes, je l'ai su après. Au déclenchement du barrage, tous les camarades se sont sauvés ; quand cela s'est calmé, ils reviennent. C'est alors que le sergent Sèle s'inquiète de moi. Sèle est un camarade qui a fait notre admiration pendant les journées de Verdun par son courage et son sang-froid. "Où est Marybrasse ?" demande-t-il. C'est alors qu'il s'aperçoit de l'éboulement ; il m'appelle : "Marybrasse, Marybrasse, es-tu là ? " Comme dans un rêve, je l'entends vaguement et ne puis répondre. Persuadé que je suis dessous, il ordonne à quelques hommes de piocher rapidement. J'entends des coups lointains qui se rapprochent ; je me dis : "Ils n'arriveront pas jusqu'à moi…" Enfin, j'entends plus distinctement les coups, j'entends même que l'on parle. Sèle dit à ses hommes : "Attention maintenant. "Je sens une main sur mon casque : "J'en tiens un ! "s'écrie Sèle, et alors, de ses mains, il me dégage vivement la tête.
Comment dire ce que j'ai ressenti à ce moment ? Retrouver la vie au moment où je croyais bien la perdre, sentir l'air pur de la nuit… Tout cela m'a ranimé, je me sens sauvé, je pleure de joie. Je remercie mon sauveur, nous nous embrassons. "

C’est très emouvant d’entendre le récit de vos expériences. Pour conclure je vous demande finalement : Qu’ est-ce que vous avez appris de la bateille de Verdun où est-ce que vous pouvez nous donner des conseils pour la vie d’aujourd’hui en regardant les crises du monde ?

Sûrement. La bateille de Verdun, c’était le pire que je n’aie jamais vu. Ce dontj’ai fait l’expérience, c’est impossible à expliquer aux gens d’aujourd’hui. Je peux seulment donner le conseil à tous les gens qui n’ont jamais participé à une guerrre de s’engager pour la paix. La paix c’est la chose la plus importante dans le monde. Il faut notre engagement. Sinon une telle catastrophe va de nouveau arriver.

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