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SWAPS nº 6

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Note de lecture

La méthadone et ses effets secondaires

par Maurice Nègre

De nombreuses études rapportent la persistance de symptômes chez des patients traités par méthadone. En dépit des similitudes observées concernant la prévalence de ces symptômes, il n'est pas toujours possible de les attribuer directement à la méthadone ou à la posologie journalière. Différents facteurs sont évoqués :psycho-sociaux, pharmacologique et endocrinien.

Les auteurs (1) partent du constat que les patients, présentant des symptômes de manque intense, représentent un échantillon important de la population des patients sous méthadone.
L'étude en question se propose de déterminer si le groupe des patients présentant des symptômes de manque (ceux rapportant que la dose " ne tient pas ") et le groupe des patients ne présentant pas ces symptômes différent par la présentation d'autres symptômes et présentent des caractéristiques permettant de les identifier.
La première phase de l'étude détermine la prévalence des symptômes survenus au cours des 6 derniers mois, tandis que la deuxième phase étudie la présentation des symptômes au cours de l'intervalle de 24 heures séparant une prise de la prise suivante.

Méthode

Les sujets participant à l'étude étaient inclus dans le programme Sud Australien de substitution par la méthadone.

Dans la première phase : 114 étaient recrutés dans différents centres. Il leur était précisé que les informations fournies resteraient anonymes et confidentielles, que l'enquêteur était indépendant et que leur décision de participer à l'étude n'interférerait en rien avec leur programme de traitement. Tous étaient volontaires.
Le recueil des données s'effectuait sur place et nécessitait environ 5 minutes.

Dans la deuxième phase : 51 étaient recrutés selon des modalités identiques aux précédents. Les participants devaient remplir à domicile un questionnaire et le retourner au centre en échange de 20 $.

Les données collectées portaient sur certaines caractéristiques générales, la consommation des drogues, les symptômes chroniques préexistants à leur traitement par la méthadone.

Dans la première phase, une liste (MSC version I) (2) de 21 symptômes (Cf annexe 1) a été établie en reprenant la plupart des symptômes rapportés dans la littérature. Une échelle de 5 niveaux de JAMAIS à TOUJOURS a été utilisée pour mesurer la fréquence des symptômes spécifiques survenus au cours des 6 mois précédents.
Par la suite, pour les analyses statistiques, les réponses ont été regroupées en deux catégories, selon que les symptômes survenaient quelquefois ou de façon fréquente ou permanente.

Dans la deuxième phase, la liste a été modifiée (MSC version II), ainsi que l'échelle des réponses en vue de noter l'intensité des symptômes plutôt que leur fréquence.
De plus, l'utilisation de l'échelle MBG
(3) a permis de mesurer l'effet des opiacés.
Les deux échelles ont été étudiées immédiatement avant la prise journalière de méthadone, puis toutes les deux heures pendant 12 heures, puis avant la prise suivante de méthadone.

Résultat


Phase 1

les 114 patients sont un échantillon représentatif de la population australienne du programme de maintenance par la méthadone dont les caractéristiques sont:

L'étude consiste à comparer le groupe de ces 34 % de patients qui se plaignent fréquemment ou en permanence, au groupe des patients qui n'ont pas de problème.

Il apparaît qu'il n'y a pas de différence significative entre les deux groupes en ce qui concerne le sexe, l'âge, l'utilisation d'autres drogues, la durée d'inclusion dans le traitement et la dose journalière.

En revanche, le groupe qui " ne tient pas " la méthadone présente les différences significatives suivantes : la dose exprimée en mg/kg est supérieure, un plus grand nombre de symptômes sont allégués, tous les symptômes du manque sont plus fréquents, un seul effet opioïde direct : bouche sèche (le plus fréquent), 4 symptômes mixtes sont plus fréquents (hyper-sudation, réduction de la libido, trouble de la pensée, confusion).


Phase 2

les 51 patients présentent les caractéristiques suivantes :

A partir des échelles utilisées : il est démontré que la plupart des symptômes liés aux effets opioïdes ont une intensité maximale deux heures après la prise de méthadone. Ceux-ci décroissent, selon des cinétiques et des niveaux de variations différents.

Certains symptômes sont cependant relativement stables (constipation, sécheresse de la bouche) en intensité

En ce qui concerne les symptômes de manque, leur intensité est maximale immédiatement avant la prise, diminuent deux heures après la prise, et augmentent progressivement jusqu'à la prise suivante.

Enfin, les symptômes liés au manque et ceux liés aux effets opioïdes suivent des courbes inverses dans le temps.

L'étude compose un groupe de patients qui ressentent des symptômes de manque pendant la période précédant chaque prise de méthadone (la dose " ne tient pas "), à un groupe de patients qui ne ressentent pas de tels troubles.


Les effectifs des deux groupes sont comparables.

Il n'apparaît aucune différence significative entre les deux groupes en ce qui concerne le sexe, l'âge, l'abus de drogues associé, la durée d'inclusion dans le traitement.
En revanche, le groupe dont la dose " ne tient pas " présente les caractéristiques suivantes:

Les analyses statistiques ont de plus montré que ces différences ne pouvaient être rapportées à la dose journalière ou à la dose exprimée en mg/kg.

Discussion

Les résultats de la phase 1 suggèrent que d'autres facteurs, probablement de nature pharmacocinétique, jouent un rôle dans la survenue des symptômes.

Il apparaît probable que la concentration plasmatique de méthadone est un paramètre important et que, peut-être, existe un seuil plasmatique en deçà duquel les symptômes de manque vont apparaître.

Plusieurs raisons peuvent expliquer une faible concentration plasmatique :

L'attitude standard, pour répondre aux patients qui déclarent " ne pas tenir " la dose, consiste à augmenter la posologie. Certains auteurs préconisent de diviser la dose en deux prises quotidiennes.
Les auteurs mentionnent les limites de leur étude comme essentiellement liées à noter l'évaluation des symptômes et de leur intensité, rapportées par les patients sans évaluation extérieure.
Comme autre faiblesse, il faut bien sûr signaler le nombre réduit de patients. En revanche, il apparaît intéressant de rapporter des signes cliniques faciles à identifier lors de l'interrogatoire, surtout, quand ces signes cliniques pré-existent à l'inclusion sous traitement.
Nous retiendrons l'intérêt de la bouche sèche et de la constipation retrouvées de manière très significative chez les patients "non tenus" à la méthadone.

Dans notre expérience, avec une file active de 130 patients à la méthadone, nous avons quelques patients qui divisent la posologie quotidienne en deux prises. Ils allèguent ressentir des signes de manque s'ils ne prennent qu'une prise par jour.
Dans ces conditions, bien entendu, la possibilité de doser la méthadone sanguine serait fort utile. Certains de nos patients présentent des phases d'euphorie, suivies d'apathies, ou d'excitation psychomotrice. Chez ces derniers, on ne retrouvera pas de courbe en plateau mais au contraire une courbe en cloche, avec certes, montée rapide mais aussi décroissance rapide. Les patients traités par des médicaments inducteurs enzymatiques pourraient aussi bénéficier d'un dosage plasmatique.

Il existe de nombreux travaux vantant l'importance d'un dosage de méthadone, en particulier, ceux du Dr Shinderman de Chicago et du Dr Deglon de la Fondation Phénix de Genève produisent déjà des chiffres concernant la concentration plasmatique de méthadone nécessaire pour maintenir une stabilité du sujet. Le chiffre de 400 nanogrammes/ml est retenu :

On parle aussi de dosage de méthadone adéquat comme étant celui qui maintient un taux supérieur à 400 nanogrammes durant 24 heures.
Le dosage inadéquat est celui qui entraîne une méthadonémie inférieure à 400 nanogrammes ne permettant pas de stabiliser le patient et qui favoriserait chez lui la poursuite d'usage illicite d'opiacés.
Il existerait des patients génétiquement prédéterminés aux cytochromes trop actifs qui métaboliseraient rapidement la méthadone. Pour ces derniers, le fait d'augmenter la dose et, ou, de la diviser en deux prises matin et soir, permettrait d'équilibrer la méthadonémie.

On ne peut s'empêcher toutefois de supposer que les signes du manque peuvent s'inscrire dans une autre dimension que celle du métabolisme de la méthadone à savoir la dimension psychologique..
Les dosages plasmatiques restent bien évidemment précieux pour le soin physique des toxicomanes. Nul n'est censé ignorer que les conduites toxicomaniaques et les dépendances psychologiques sont les plus difficiles à prendre en charge et que nous voyons souvent en clinique des signes de manque faire retour alors que le patient était stabilisé avec une posologie bien adaptée jusqu'alors.


(1) Kyle R. Dyer, Jason M. White, Pattern of symptom complaints in methadone maintenance patients, Addiction, novembre 1997, pp 1445-1455.

(2) MSC : Methadone Symptoms Checklist.

(3) MBG : Morphine Benzedrine Group scale.


21 SYMPTOMES RAPPORTES

Symptômes rapportés

%

Effets liés à l'usage d'opiacés :

Constipation

68

Sécheresse de la bouche

65

Démangeaisons de la peau

26

Démangeaisons du nez

18

Règles irrégulières

49 (n = 49)

Effets dûs au manque d'opiacés :

Insomnie

43

Douleurs musculaires

43

Douleurs articulaires et osseuses

36

Nausées

35

Ne tient pas

53

Autres effets :

Sudation excessive

85

Lethargie

67

Baisse de la libido

64

Problèmes dentaires

49

Appétit accru

40

Problèmes sexuels

33

Difficultés de concentration

33

Confusion mentale

28

Vertiges

20

Rétention urinaire

18

Vomissements

14