Grande-Fin
Un mois pour traverser et comprendre les États-Unis. Un mois pour retracer la vie d’un père. Il s’avère que la seconde gageure est bien plus aisée que la première. Car la vie de cet homme, Daniel, disparu du jour au lendemain, n’est qu’une suite étale de jours sans événements, dans le désir permanent du week-end et la hantise du lundi. Travailleur modeste à l’Imprimerie d’un quotidien, c’est justement sur son propre quotidien que ce père n’a plus prise, et depuis longtemps. Raison pour laquelle, sans doute, il a choisi la fuite, la disparition, une quinzaine d’années avant le début du récit.
Son fils Jérôme mène l’enquête sur ce père qui, au retour de pénibles journées de travail, sur la route du petit village suisse romand de Grande-Fin, écoutait systématiquement Bruce Springsteen. Fasciné par la culture du spectacle, frelatée et artificielle, qui transpirait de ce continent, Daniel faisait résonner en boucle dans l’habitacle de la Seat l’éternel album Nebraska. Y avait-il quiconque d’autre que Bruce Springsteen pour transcrire sa réalité de « working poor » dans l’un des pays les plus riches du monde ? Pour le faire rêver d’ailleurs, d’indépendance et de liberté ? Est-ce donc de l’autre côté de l’Atlantique, dans les grands espaces vides (ou remplis seulement d’espoir), que ce père est parti, sans plus jamais donner de nouvelles, laissant derrière lui sa famille, son travail (dont il venait d’être licencié), son existence si limitée ?