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Hendaye - Banyuls, la grande traversée, par Gérard Filoche.

4e partie : Mérens - Banyuls
50 - Le Ras de la Carança, 1831 m - Jujols, 960 m
Extraits du livre.

Dénivelé + 395 m. Dénivelé – 1023 m. 12 km.

L'autre surprise du jour

Lac ...Le jour se lève lentement, je le devine au travers de la lumière diaphane que laisse filtrer la toile. Un rapide coup d'œil à ma montre sans aiguilles, verdict : 7 h 15. Ce petit déjeuner est aussi sobre que notre repas d'hier, il va falloir faire avec nos provisions. Nous retournons donc ensuite à notre tente, plions tout ce qui se plie, rangeons tout ce qui se range. La tente est mise à sécher sur la clôture du refuge, les larmes de l'aube disparaîtront avec les rayons bienfaisants d'un soleil généreux, les duvets et matelas disposés devant la remise. Les sacs sont quasiment prêts, reste l'eau…Pour l'eau des gourdes, la source officielle la plus proche nous permet un remplissage frais, généreux, et que j'espère potable, par un fin filet au bout d'un petit tuyau noir. Afin d'éviter tous risques, je dépose dans chaque gourde un cachet purifiant, on ne sait jamais, prudence, prudence. Il est 9 h, il est grand temps de partir surtout que nous sommes les derniers…

…L'étape d'aujourd'hui ne comporte pas de col de différentes catégories, pas de longueur interminable, ni de passages de névés, non, rien de tout cela, juste une descente pittoresque vers la vallée et une remontée vers notre village du soir. A ce point du parcours, j'ai longuement hésité sur la façon de continuer notre périple. Le GR 10 continue en deux courtes étapes vers le Canigou ou Vernet-les-Bains. Connaissant la région, je souhaite faire découvrir à mes amis un autre itinéraire beaucoup plus original de l'autre côté de la vallée du Têt, du nom de la rivière située au bas des gorges de la Carança. Il nous permet de découvrir d'autres parcours, vallées et villages éloignés des sentiers battus. Cela nous prendra deux jours de plus, mais qu'importe, cette région riche d'un patrimoine inestimable est faite pour être appréciée. Donc, demandez le programme pour les jours à venir, demandez....

Voilà, voilà :

- La descente typique des gorges de la Carança, faite de ponts de singe et de passerelles acrobatiques au-dessus du torrent.

- Un court trajet par le train jaune, jusqu'à la gare de Joncet.

- Une petit dénivelé positif vers Jujols, petit village de caractère.

En principe, j'ai bien dit en principe, l'étape de marche d'aujourd'hui est relativement courte, entre 4 h 30 et 5 h. Jujols, notre hébergement de ce soir est bien éloigné par rapport au refuge de la Carança. Alors, j'ai prévu plusieurs possibilités pour y parvenir en fonction de la météo, de la fatigue ou d'autres paramètres encore inconnus…

…La journée suivante nous conduira par un superbe chemin en balcon, jusqu'à Villefranche de Conflent. Nous y resterons deux nuits. Pourquoi ? Principalement pour un jour de repos qui nous permettra de parcourir la vallée du Capcir avec le train jaune et de découvrir le four solaire d'Odeillo vers Font Romeu. Le jour suivant, par un autre magnifique sentier, nous atteindrons Vernet-les-Bains, après un détour pour la visite de l'Abbaye de saint Martin du Canigou. J'ai prévenu mes amis, ne cherchez pas de balisage blanc et rouge, rien de rien jusqu'après Vernet, vers le Canigou. J'ai plusieurs cartes tirées de différentes brochures et pour le coup, il faudra être vigilant aux marques tantôt jaunes, jaunes - rouges, rouges - jaunes. J'ai surtout ma carte au 25/1000 des années 90, oui, celle du siècle dernier ! Surprise, surprise...

…Les gorges de la Carança : un court répit et nous voilà au premier pont de singe. Oh, ce n'est pas une traversée de funambule avec un petit fil d'acier sous les chaussons, mais celle de la rivière qui gronde de plus belle tel un fauve affamé ! Cette fois, la technique est toute autre. Recommandations essentielles : ne pas sauter sur le pont, ne pas courir, et surtout, une seule personne à la fois. L'accès s’effectue par quelques marches beaucoup moins rigides, car l'ensemble de l'ouvrage est souple et tenu par des câbles d'acier fixés assez loin sur la rive.

Vous êtes en haut, face à l'autre versant, les yeux fixés sur ces plaques de métal qui semblent onduler à l'avance. Une quinzaine de mètres séparent les deux rives, allez, courage que diable !!! Le premier pas donne l'impression que l'on va s'enfoncer dans une terre boueuse. C'est le pas le plus important, car il impulse un effet de ressort pour la suite. Un pas trop fort et vous risquez d'être déséquilibrés, donc, c'est sur une douzaine d'œufs frais qu'il faut démarrer. Heureusement les câbles latéraux vous permettent de garder un équilibre même instable ! La suite n'est qu'une impression d'une marche sur un gros ressort qui ondule au gré de vos pas…

…Bref, ce n'est pas le tout, tout le monde sait désormais que l'église vue tout à l'heure était bien celle de Jujols ! Bonjour, les quolibets. Il va bien falloir y parvenir et pour cela, je vais faire appel à mes cartes avec ses chemins pointillés en noir, mon flair et un bon sens de l'orientation, il ne s'agit pas de nous égarer dans cette vaste contrée, formée de multiples vallons. Que vais-je trouver sur ma route ? Marchons, marchons... Pratiquement 400 m de dénivelé, comptons 1 h, 1 h 20. Il est 17 h 00. Nous ne serons pas au gîte avant 18 h 15…

…Jusque là, le terrain correspond à la carte. Ma vraie seule inquiétude réside dans ce fameux petit chemin à peine marqué sur la carte qui permet de rattraper la route de Jujols par l'ouest en passant à travers un bois et un ravin. Si ce chemin n'existait pas ou était impraticable, c'est moi qui serais mal... Nous y voilà donc à ce fameux petit chemin pointillé noir. Eh bien oui, cher lecteur, il existe bel et bien ! Auriez-vous été peinés qu'une autre issue nous arrivât ?...

…Jujols, village entièrement restauré dans le style régional, son église romane, ses petites ruelles, sa situation privilégiée face au géant Canigou : bref, un bonheur de retrouver son charme, depuis mon dernier passage du siècle dernier. Il n'est pas loin de 18 h 30…

…Un très désagréable frisson me parcours l'échine. Me voilà bien, pas de dîner pour un groupe d'affamés ! J'ai l'impression qu'il va falloir que je me déme.....brouille pour assurer les repas. J'aurais dû me renseigner avant et m'assurer de l'ouverture, mais, en cette période de vacances, je ne m'inquiétais pas, à tort. Pas d'autre commerçant dans ce tout petit village. Je lui fais part de mon inquiétude à notre hôte, et demande s'il peut éventuellement me dépanner de quelques provisions. Nous avons bien celles de nos sacs, mais un repas plus consistant ne nuirait point à notre santé, bien au contraire... En bref, faire preuve d'imagination avec les moyens du bord…Il est 22 h, lorsque l'extinction des feux intervient sur une journée fertile en émotions. Derrière la fenêtre, le Canigou s'apprête à se draper de son costume de nuit sous un ciel où les étoiles s'allument une à une.

S'ensuit un bâaaaillement irrépressible prélude à un sommeil réparateur.




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