Sentinelle des Rangiers

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Sentinelle des Rangiers
Le Fritz
Photographie du monument entre 1970 et 1980.
Présentation
Type
Statue
Style
Sculpteur
Matériau
Construction
Entre 1922 et 1924
Inauguration
Démolition
Commanditaire
Société jurassienne de Développement
Hauteur
4.5 mètres
Patrimonialité
Inventaire des monuments historiques protégés
(1925-1990)
État de conservation
Vestige
Localisation
Pays
Canton
Drapeau du canton de Berne Berne (1924-1979)
Drapeau du canton du Jura Jura (depuis 1979)
District
Commune
Région historique
Coordonnées
Carte

La sentinelle des Rangiers, surnommée le Fritz, était une statue de Charles L'Eplattenier, érigée à quelques centaines de mètres en contrebas du col des Rangiers le [1] pour commémorer le dixième anniversaire de la mobilisation de l'armée suisse lors de la première Guerre mondiale. Elle fut la cible des séparatistes jurassiens entre le 3 septembre 1962 et le 10 août 1989, date de sa démolition.

Localisation[modifier | modifier le code]

La statue était située à la bifurcation des routes reliant le col des Rangiers à la Caquerelle. Elle se situait en Ajoie, dans le district de Porrentruy, sur le territoire de la commune d'Asuel (aujourd'hui rattachée à la commune de La Baroche) alors dans le canton de Berne (actuellement, le canton du Jura)[1].

Nom[modifier | modifier le code]

La statue tient son nom du fait qu'elle symbolisait la garde aux frontières de l'armée suisse pendant la Première Guerre mondiale sous la forme d'un fantassin baïonnette au canon faisant face aux belligérants[2].

Le schako que porte la statue donne à la Sentinelle l’air d’un soldat prussien (d’où son surnom « le Fritz »)[2].

Histoire[modifier | modifier le code]

Première guerre mondiale[modifier | modifier le code]

De l'automne 1914 au , le front qui courait depuis la mer du Nord s'était stabilisé à hauteur de Bonfol. La Confédération suisse, soucieuse de faire respecter sa neutralité et d'empêcher l'un ou l'autre belligérant de tourner le front en passant par le pays d'Ajoie, y concentra pendant plus de quatre ans des troupes qui édifièrent des retranchements de campagne.

Monument national[modifier | modifier le code]

Le 9 novembre 1919, la Société jurassienne de Développement décida d'élever un monument, en l'honneur des soldats mobilisés, au col des Rangiers[3]. Le monument est commandé au sculpteur et peintre neuchâtelois Charles L'Eplattenier (1874-1946). Il s'agira d'une statue représentant la garde suisse. Le monument est payé grâce à une souscription nationale[3].

Le monument est alors taillé dans un bloc erratique, offert par Jean Gabus et provenant des forêts de Cudret, à Corcelles-Cormondrèche (NE); au début de l'année 1922, l'aliénation d'un bloc erratique suscite quelques réticences de la part de la Commission cantonale des monuments historiques qui se rallie toutefois à l'accord du géologue Emile Argand[4],[5]. L'uniforme du soldat, bien que reproduisant fidèlement la tenue règlementaire suisse, ressemblait à celui des unités de maintien de l'ordre allemandes en particulier par le shako en cuir, d'où son surnom. La statue tire plus vraisemblablement son nom du jeune Fritz Kempf qui servit de modèle[6]. La statue est amenée au col des Rangiers, par train, depuis la Chaux-de-Fonds (NE) et placée le 17 août 1924.

La statue est inaugurée le , afin de commémorer le dixième anniversaire de la mobilisation de l'armée suisse lors de la première Guerre mondiale, en présence du général suisse Ulrich Wille[4].

La Sentinelle des Rangiers en 1934

Dans les années qui suivent, sa renommée attire de nombreux visiteurs. Elle devient une icône nationale pendant la mobilisation de l’Armée suisse lors de la seconde Guerre mondiale.

Vandalismes des séparatistes jurassiens[modifier | modifier le code]

Dans les années 1960, les séparatistes jurassiens interprétèrent ce monument comme « le symbole de la mainmise du canton de Berne, germanophone et protestant, sur les populations jurassiennes, majoritairement francophones et catholiques ». De plus, en plein scandale d'une possible place d'armes dans les Franches-Montagnes, un monument célébrant la guerre parut comme une position militariste de la part du gouvernement fédéral[4].

Le , le monument est vandalisé une première fois par le Front de libération jurassien. Celui-ci y peint un écusson jurassien ainsi que le sigle « FLJ »[7]. Le , lors de la commémoration des 25 ans de la mobilisation de l'armée suisse lors de la seconde Guerre mondiale et des 50 ans de la première Guerre mondiale, environ 7 000 séparatistes jurassiens interrompent la cérémonie[8]. Le conseiller fédéral Paul Chaudet, ministre de l’armée, et Virgile Moine, membre du gouvernement bernois, furent malmenés par la foule, et la cérémonie tourna court.

Plusieurs barbouillages ont lieu sur la statue, notamment en 1971.

Après le plébiscite jurassien, le monument passe dans le canton du Jura dès le .

Dans la nuit du 31 mai au , la Sentinelle est renversée et incendiée par le Groupe Bélier[3]. Le Groupe Bélier revendique alors, à la place de la statue, « un monument symbolique de la victoire du et du combat pour la réunification ». Le monument original est finalement remis à sa place le 27 juin.

Le , la Sentinelle est à nouveau renversée par le Groupe Bélier. Cette fois-ci, elle est également décapitée. Des tags écrits « DMF tue » et une croix gammée ont également été peint[9]. Dès lors, la sentinelle est entreposée dans le Dépôt des Ponts et chaussées à Glovelier, qui est incendiée dans la nuit du 24 au [3].

Après ces événements, l’École polytechnique fédérale de Zurich publie un rapport, en 1990, concluant que le monument ne pouvait être restauré[4].

Le , la tête de la Sentinelle revoit le jour : des membres cagoulés du Groupe Bélier ont fracassé la tête lors de la cérémonie officielle marquant le 25e anniversaire du canton du Jura, à Delémont. Les manifestants se sont ensuite dirigés vers la tente abritant les 200 invités (de la Confédération et des cantons) du gouvernement jurassien et les ont copieusement hués et sifflés. Parmi ces derniers se trouvait le président de la Confédération Joseph Deiss qui venait d’affirmer que l'entrée en souveraineté du Jura il y a 25 ans était « un exemple de solution pacifique d'un problème de minorité ». Le président du gouvernement jurassien Jean-François Roth a, quant à lui, eu des mots très durs à l’encontre du Groupe Bélier. À ses yeux, rien ne justifiait une telle action[10].

Exposition[modifier | modifier le code]

Les vestiges de la Sentinelle vont ensuite être entreposés dans différents entrepôts tenus secrets (afin d’éviter que la Sentinelle soit victime de nouvelles déprédations). Le gouvernement jurassien désire cependant lui redonner une mémoire[4].

Le , le gouvernement jurassien annonce que le vestige de la Sentinelle des Rangiers sera exposé au Musée du Mont-Repais, situé dans l'ancienne chapelle de La Caquerelle. Une recherche nationale de fonds est lancée le 11 novembre afin de financer les travaux de rénovation de la chapelle[11]. Son ouverture est prévue pour le printemps 2024[12].

Anecdotes[modifier | modifier le code]

  • Un morceau de la Sentinelle des Rangiers a été déposé dans la vigne de Farinet parmi d'autres pierres du globe[3].
  • En 2015, juste avant les élections fédérales et cantonale, l'UDC du Jura décida de placer une réplique de la Sentinelle des Rangiers sculptée dans du bois, à sa place d'origine. Celui-ci a subi le même sort que l'original : la réplique est renversée dans la nuit[13].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « 31 août 1924 - Inauguration du monument La Sentinelle des Rangiers », sur retrotrame.ch (consulté le )
  2. a et b Christina Graf, « Sentinelle des Rangiers / Fritz (JU) » Accès libre, sur penser-un-monument.ch (consulté le )
  3. a b c d et e Chronologie jurassienne, « Sentinelle des Rangiers » Accès libre, sur www.chronologie-jurassienne.ch (consulté le )
  4. a b c d et e Groupe d’Histoire du Mont-Repais (Musée du Mont-Repais), « Sentinelle des Rangiers » Accès libre [PDF], sur rimuse.ch, (consulté le )
  5. « copie de lettres de la Commission cantonale des monuments historiques » (janvier-mai 1922). Fonds : Travaux publics; Cote : 2TP1-2. Archives de l'Etat de Neuchâtel.
  6. (de) Marcel Schwander, Deutsch & Welsch, Ein Brückenschlag, , p. 94.
  7. Emma Chatelain (Dictionnaire du Jura), « Front de libération jurassien (FLJ) » Accès libre, sur www.diju.ch, (consulté le )
  8. Marcel Bossard et collectif, Histoire des troupes jurassiennes, Moutier, Editions de la Prévôté, , 435 p., p. 231
  9. « Le «Fritz», victime du conflit jurassien », sur tsr.ch (consulté le )
  10. « Les activistes jurassiens gâchent la fête », sur swissinfo.ch (consulté le )
  11. Gaël Klein, « Le "Fritz" des Rangiers va prendre place dans un musée à La Caquerelle » Accès libre, sur rts.ch, (consulté le )
  12. Clément Schott, « Retour du "Fritz" (ou du moins de ce qu'il en reste...) à la Caquerelle » Accès payant, sur Retour du "Fritz" (ou du moins de ce qu'il en reste...) à la Caquerelle, (consulté le )
  13. Radio Fréquence Jura (RFJ), « Les déboires du Fritz en chansons et l’avis de l’UDC Jura » Accès libre, sur www.rfj.ch, (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]