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BULLETIN DE LUNION DES PHYSICIENS

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N 780

Une vie de ciment


Expriences de chimie sur la mise en uvre
et les proprits dun matriau
par J.-L. VIGNES
Centre de Ressources Pdagogiques en Chimie :
conomie - Industrie - EXC-1, ENS de Cachan.
M. MORANVILLE et J.-P. BOURNAZEL
Dpartement Gnie Civil - ENS de Cachan - 94235 Cachan Cedex

Les expriences prsentes dans cet article sont destines


illustrer, au laboratoire, diffrents aspects dun matriau largement
utilis dans la vie courante. Ces expriences font appel du matriel
disponible dans les collges et les lyces et des produits facilement
accessibles ne prsentant pas de grandes difficults dutilisation. Elles
peuvent, en particulier, tre mises en uvre dans le cadre des nouveaux
programmes de chimie de la classe de troisime ainsi que des futurs
programmes des bacs professionnels arts de la pierre, construction,
btiment, gros uvre, travaux publics.

1. PRSENTATION CHIMIQUE DES CIMENTS [1, 7]


1.1. Matires premires

Le clinker, principal constituant dun ciment, est obtenu partir


dun mlange (appel cru) de 80 % de calcaire (CaCO 3) et de 20 %
dargile (silicoaluminate). Ces matires premires sont dun accs facile
et par exemple, en France, elles sont prsentes partout, sauf en Bretagne
et dans le Massif Central. Elles sont exploites ciel ouvert. Des roches
naturelles, les calcaires marneux, ont une composition qui est proche
de celle du cru. Des correcteurs, minerai de fer qui apporte Fe 2O 3,
bauxite pour Al2O 3, calcaire pour CaO, sable pour SiO 2 sont ajouts
pour atteindre la composition souhaite. Les calcaires doivent tre
exempts de magnsium (teneur < 2 %) car MgO libre, contrairement
CaO, ne se lie pas SiO 2. MgO, en shydratant lors de la prise augmente
fortement de volume provoquant la chute de la rsistance mcanique en
compression du mortier ou du bton.

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1.2. Fabrication industrielle

Nous ne dcrirons que celle du ciment Portland, ciment le plus


utilis.
1.2.1. Principe

Les matires premires (calcaire et argile) ragissent, principalement


ltat solide, vers 1 450C dans un four rotatif : cest le phnomne
de clinkrisation. Le solide obtenu appel clinker est refroidi brusquement lair puis broy finement. On ajoute lors du broyage de 3 5 %
de gypse qui sert de rgulateur de prise. Le clinker, avant broyage, est
peu ractif avec leau.
Principaux constituants du clinker et notation des cimentiers
Compte tenu de la complexit des formules chimiques et pour
viter des critures longues et fastidieuses les cimentiers ont mis au
point un systme de notations bien particulier qui permet de dcrire
assez rapidement les principaux lments qui entrent dans la composition du clinker. Les dsignations suivantes sont adoptes : C pour CaO,
S pour SiO 2, A pour Al2O 3, F pour Fe 2O 3, H pour H 2O ... Les principaux
constituants du clinker sont les suivants :
Formule
chimique

Notation
cimentire

Pourcentage
pondral

Silicate tricalcique

Ca3SiO5

C3S

51 %

Silicate dicalcique

Ca2SiO4

C2S

26 %

Aluminate tricalcique

Ca3Al2O6

C3A

11 %

Ca2AlFeO5

C4AF

1%

Constituant

Aluminoferrite de calcium

Tableau 1

Lobservation au microscope optique permet de distinguer les


cristaux de C 3S de forme polygonale de ceux de C 2S de forme arrondie.
Les aluminates C 3A et C 4AF forment la phase interstitielle.
Le mlange de ces composs se forme lors du chauffage de calcaire
et dargile. Il est trs difficile dobtenir, pur, chacun des produits et cela
ne prsente pas dintrt industriel.
Des constituants secondaires, autres que le gypse, peuvent tre
ajouts au clinker pour donner naissance aux ciments composs. Ces
constituants peuvent tre du laitier de haut fourneau, des pouzzolanes,

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des cendres volantes, du calcaire finement broy (fillers) ou des fumes


de silice. Le laitier de haut fourneau, qui est un sous-produit de la
fabrication de la fonte, est hydraulique (nous prciserons, plus loin,
cette dfinition) : il donne les mmes hydrates que le clinker. Les
pouzzolanes, roches volcaniques riches (50 65 %) en silice amorphe
ractive taient dj utilises par les romains : elles taient mlanges
de la chaux, pour former des btons. Elles ont la proprit de fixer,
en partie, lhydroxyde de calcium Ca(OH)2, form lors de la prise du
ciment, en donnant des composs stables susceptibles eux-mmes de
faire prise. Les cendres volantes sont des sous-produits de la combustion de la houille et sont rcupres dans les centrales thermiques
charbon : en fonction de leur composition elles peuvent prsenter des
proprits pouzzolaniques ou hydrauliques. Les fillers calcaires, contenant au moins 75 % de CaCO 3, finement broys, nont a priori, aucune
proprit liante mais sont utiliss pour augmenter la compacit du
squelette granulaire. On en trouve parfois quelques pour-cent dans le
ciment.
1.2.2. Procds de fabrication

Les matires premires sont finement broyes (0,1 mm) afin


dobtenir le cru de composition suivante :
CaCO 3 : 77 %,
Al2O 3 : 5 10 %,
SiO 2 : 10 15 %,
Fe 2O 3 : 2 3 %.
On distingue deux principaux procds de fabrication :
dans le procd par voie sche, la matire premire (en poudre) est
prchauffe 800C par les gaz issus du four de cuisson puis, arrive
partiellement dcarbonate, dans le four de cuisson (four rotatif dune
longueur de 50 80 m qui tourne la vitesse de 1 2 tours/minute).
La cuisson a lieu durant environ une heure, en continu. Ce procd est
le plus utilis car il est le plus conome en nergie mais il ncessite la
mise en uvre de moyens importants de captation des poussires.
Actuellement, celles-ci reprsentent moins de 0,02 % de la production
(en trente ans, les missions ont t divises par cent) ;
dans le procd par voie semi-sche, la poudre est agglomre sous
forme de boulettes de 10 20 mm de diamtre par ajout de 12 14 %
deau, sche et prchauffe comme prcdemment.

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En 1993, en France : 96 % de la production est ralise par voies


sche et semi-sche. Les 4 % restants tant obtenus par lutilisation
dun procd, en cours de disparition, par voie humide.
Les capacits de production atteignent jusqu 4 300 t/jour de
clinker. La plus grande cimenterie, dans le monde, exploite par
Mitsubishi Mining and Cement, est situe Kanda au Japon. La
production de clinker de cette seule cimenterie est de 6,5 millions de
t/an avec lutilisation de cinq fours fonctionnant en parallle.
La consommation nergtique est importante (environ un quart du
prix de revient du ciment) pour le fonctionnement des broyeurs et le
chauffage des fours. En 1994, en France, la consommation (hors
lectricit) a t de un million et demi de tonnes quivalent ptrole soit
16 % de lnergie totale utilise dans lindustrie. Toutefois, en vingt
ans, lindustrie cimentire a rduit de prs de 40 % sa consommation
dnergie. La combustion de sous-produits du raffinage ptrolier et de
divers rsidus (voir ci-dessous) fournit actuellement la moiti de
lapprovisionnement nergtique.
Incinration de rsidus industriels
Les fours ciment fonctionnent trs haute temprature et
permettent ainsi la destruction de nombreuses molcules organiques. Ils
sont utiliss pour incinrer des rsidus industriels. Par exemple, la
cimenterie de La Malle, exploite par Ciments Lafarge, dans les
Bouches-du-Rhne, peut incinrer, sans dgagement toxique, 50 60 %
des pneus usags de la rgion Provence-Alpes-Cte dAzur, soit
10 000 t/an et couvre ainsi 10 % de ses besoins nergtiques.
1.3. Mise en uvre : ractions dhydratation

Le ciment est essentiellement utilis pour fabriquer le bton :


mlange, dans des proportions bien dfinies, de ciment, de sable, de
granulats et deau. Le bton forme, aprs prise, une vritable roche
artificielle qui prsente lavantage de pouvoir tre moule froid.
Le ciment a la particularit de durcir (cest le phnomne de prise)
en prsence deau. Aprs durcissement, le ciment hydrat conserve sa
rsistance et sa stabilit mme au contact de leau. Les matriaux qui
possdent cette proprit sont appels liants hydrauliques. La quantit
deau ajoute est, pour les btons courants, de 50 % de la masse de

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ciment (les professionnels du gnie civil utilisent le terme de rapport


Eau/Ciment (E/C) qui est donc, en gnral, de 0,5).
La prise dun ciment (clinker + gypse) met en jeu de nombreuses
ractions complexes. Toutefois, on peut considrer que la prise
seffectue en trois tapes principales :
Tout dabord une partie des constituants du ciment passe en solution
dans leau. A ce stade, des ractions solide-liquide sont mises en uvre.
Les particules de ciment ragissent dabord par leur surface. La vitesse
de dissolution, particulirement pour les silicates de calcium, tant lente
mais par contre la prcipitation des hydrates forms tant rapide,
ceux-ci enrobent les particules non compltement hydrates diminuant
du mme coup la vitesse dhydratation. Celle-ci se ralentit sen jamais
devenir nulle. On peut ainsi observer, sur des ciments vieux de plus
dun sicle, la prsence de grains non hydrats cur et comprendre
que la rsistance mcanique dun ciment continue augmenter au cours
du temps, plusieurs mois ou annes aprs la prise ;
Au contact de leau, en solution, les constituants du ciment donnent
des composs hydrats, ces ractions sont exothermiques ;
Les composs hydrats forms sont trs peu solubles. Dans le cas des
silicates de calcium, il se forme dabord un silicate de calcium collodal
qui se transforme ensuite, en senrichissant en calcium, en un silicate
fibreux qui assure la cohsion du ciment et donne le phnomne de
prise. Lors de cette prcipitation, les hydrates forms enrobent les
granulats et les grains de sable prsents dans le bton et assurent ainsi
la cohsion du mlange granulaire.
Principales ractions dhydratation
Les silicates de calcium donnent des silicates de calcium hydrats
de compositions variables, proches de la formule Ca 3Si2O 7, 3H 2O selon
les ractions simplifies suivantes :
2 Ca 3SiO 5 + 6 H 2O Ca 3Si2O 7,3H 2O + 3 Ca(OH)2
2 Ca 2SiO 4 + 4 H 2O Ca 3Si2O 7,3H 2O + Ca(OH)2

Le silicate de calcium hydrat est le principal constituant dun


ciment aprs prise. Il donne au ciment sa rsistance mcanique.
Lhydroxyde de calcium ou portlandite donne au ciment, en grande
partie, ses proprits chimiques (voir chapitre 1.5.2).

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En labsence de gypse, la dissolution des aluminates de calcium est


immdiate. Il en est de mme pour la prcipitation des aluminates de
calcium hydrats. Ces derniers enrobent les grains de silicate de calcium
bloquant leur dissolution. Pour viter cela, on ajoute systmatiquement
du gypse qui joue un rle de rgulateur de prise. Il empche la formation
immdiate daluminate de calcium hydrat en donnant dabord du
trisulfoaluminate de calcium ou ettringite selon la raction suivante :
Ca 3Al2O6 + 3 (CaSO 4,2H 2O) + 26 H 2O Ca6Al2O 6,3SO 4,32H 2O

Le trisulfoaluminate de calcium se transforme ensuite en monosulfoaluminate de calcium (Ca 4Al2O6,SO 4,12H 2O ) puis en aluminate
ttracalcique (Ca 4Al2O7,13H 2O ).
1.4. Diffrents types de ciments, normes
1.4.1. Les diffrents ciments

Les ciments sont subdiviss en cinq catgories principales qui sont


repres par des chiffres romains :
Type I : ciments Portland,
Type II : ciments Portland composs,
Type III : ciments de haut fourneau,
Type IV : ciments pouzzolaniques,
Type V : ciments au laitier et aux cendres.
Ces cinq types de ciments sont des ciments normaliss au niveau
europen (norme NF P 15-301). Leurs compositions sont donnes dans
le tableau 2. Dautres liants existent, et sont, en gnral, normaliss
sous dautres normes exclusivement franaises. Il sagit principalement
des ciments suivants :
Ciments blancs : ce sont des ciments Portland, la matire premire
prsentant la particularit dtre exempte doxyde de fer et des divers
autres oxydes mtalliques susceptibles de colorer le ciment. Ce ne sont
pas des ciments normaliss, ils ne sont utiliss que pour obtenir des
effets architectoniques.
Ciments de laitier la chaux : ce sont des ciments composs
essentiellement de laitier granul de haut fourneau et de chaux
hydraulique (ces dernires sont fabriques partir de calcaire contenant
de 5 20 % dargile, dans des fours 1 000-1 200C). Ces ciments sont
nots CLX et normaliss sous la norme NF P 15-306.

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Ciments maonner : nots CM, norme NF P 15-307, ils ont des


proprits proches mais infrieures, de celles du ciment Portland.
Ciments naturels : ils rsultent de la cuisson de roches naturelles
(calcaire marneux) qui ont des compositions proches de celle du cru
utilis pour fabriquer le ciment Portland.
Ciments prompts : nots CNP, norme NF P 15-314, ils sont fabriqus
plus basse temprature (1 000C) que les ciments Portland. Ils sont
principalement constitus de silicate dicalcique, daluminate calcique
et de sulfoaluminate de calcium. Ils sont prise et durcissement rapide
(moins de huit minutes).
Ciments alumineux fondus : nots CA, norme NF P 15-315, ils sont
obtenus par fusion, trs haute temprature, dun mlange de calcaire
et de bauxite ferrugineuse. Pauvres en SiO 2 (4 10 %), ils sont par
contre riches en Al2O 3 (40 45 %). Ils sont rfractaires : ils peuvent
tre utiliss jusqu 1 200C, alors que lemploi des ciments Portland
est limit 350C. Ce sont des ciments haute rsistance mcanique
mais dun emploi trs dlicat. La prise est lente mais le durcissement
est trs rapide. La chaleur dhydratation est trs leve ce qui oblige
prendre des prcautions vis--vis de la dessiccation initiale.
1.4.2. Dsignation des ciments normaliss

Les ciments sont identifis par labrviation CEM (pour cement,


ciment en anglais) puis par leur type (I V) et par un chiffre indiquant
leur classe de rsistance (valeur minimale de la rsistance la compression
mesure vingt-huit jours et donne en N mm 2 ou MPa). Ainsi un
ciment Portland artificiel de classe de rsistance 32,5 MPa se notera :
CEM I 32,5
Cette norme NF P 15-301 se substitue officiellement lancienne
norme depuis le 1er janvier 1995. Il a t admis, pour habituer les
professionnels du BTP, que durant une priode dun an, compter du
1er juin 1994, la double notation ancienne - nouvelle norme peut tre
inscrite sur les sacs de ciment. Ainsi la dnomination prcdente peut
scrire : CPA-CEM I 32,5.
La norme oblige galement le producteur de ciment porter
quelques lettres supplmentaires pour des ciments particuliers :
PM : pour les travaux en mer,
ES : pour les travaux en eau haute teneur en ions sulfates,

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Tableau 2 : Types de ciment et composition (les valeurs sont donnes en pourcentage


en masse).
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CP : faible chaleur dhydratation initiale et teneur en sulfures limite.


Les ciments atteignant rapidement une rsistance leve sont
dfinis par des valeurs minimales de rsistance deux jours, les
dsignations normalises sont alors suivies de la lettre R.
1.5. Proprits des ciments
1.5.1. Proprits mcaniques

Les ciments, utiliss essentiellement pour la confection de btons,


confrent au matriau des proprits de rsistance mcanique leve,
en compression. La rsistance mcanique la traction est par contre de
douze quatorze fois plus faible que celle en compression. Ainsi un
bton ordinaire possde une rsistance la compression, mesure
vingt-huit jours, de lordre de 40 50 MPa, cette rsistance peut
atteindre des valeurs de 100 150 MPa dans le cas de btons haute
et trs hautes performances. Lutilisation de bton arm permet de
donner au bton la rsistance mcanique la traction de lacier. Dans
le cas du bton prcontraint, le bton subit, en gnral, laide de cbles
dacier, une compression pralable qui permet, lors de la mise en service
de louvrage, de maintenir toutes les parties comprimes.
1.5.2. Proprits chimiques

La durabilit dun ciment ou dun bton est lie, dans un


environnement donn, ses proprits chimiques qui sont essentiellement celles de lhydroxyde de calcium.
La libration dhydroxyde de calcium lors de la prise, donne au
ciment un pH fortement basique (13 13,5). Ce pH trs lev se traduit
par la ncessit de se protger la peau lors de la mise en uvre du
ciment afin dviter ce qui tait appel autrefois la gale du ciment. Il
prsente par contre lavantage de passiver lacier utilis dans le bton
arm et donc de le protger de la corrosion (voir lexprience du
paragraphe 3.2.3).
Le pH lev du ciment le rend sensible aux attaques acides :
lhydroxyde de calcium mais aussi le silicate de calcium hydrat
passent en solution. Cette solubilit en milieu acide peut tre utilise
avec profit, par exemple, pour liminer les traces de ciment aprs la
ralisation dun carrelage (voir lexprience du paragraphe 3.2.2).

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Lorsque le ciment est en contact rgulier avec leau de pluie,


lhydroxyde de calcium, lgrement soluble dans leau (1,3 g/L
20C), sera, au cours du temps, entran ce qui augmentera la porosit
du ciment. Par ailleurs, galement au cours du temps, lhydroxyde de
calcium se carbonate au contact de latmosphre. Tous ces phnomnes
de vieillissement se traduisent par une diminution du pH et si celui-ci
devient infrieur neuf, les armatures dacier ne sont plus passives, le
fer soxyde en donnant des produits doxydation plus volumineux que
le fer de dpart et cela se traduit par lclatement du ciment et une
corrosion acclre du fer.
Lhydroxyde de calcium port une temprature leve (> 400C),
temprature qui peut tre atteinte lors dun incendie, se dshydrate en
oxyde de calcium CaO. Aprs refroidissement, en prsence de lhumidit atmosphrique, loxyde de calcium se rhydrate lentement avec une
augmentation considrable de volume ce qui entrane lclatement du
matriau (CaO = 3,25 g.cm 3, Ca(OH)2 = 2,24 g.cm 3) (voir lexprience du paragraphe 3.2.4).
1.6. Utilisations des ciments et btons

La construction et les travaux publics constituent le seul dbouch


du ciment. En France, en 1994, la consommation de ciment a t de
20,2 millions de tonnes, rpartie 65,5 % pour la construction de
btiments et 34,5 % dans les travaux publics. La rpartition dtaille
de la consommation a t la suivante :
Logements neufs :
23,5 %
Ouvrages dart : 4,0 %
Entretien des btiments : 20,5 %

Btiments dtat : 3,5 %

Btiments professionnels : 18,0 %

Voirie :

Routes, autoroutes :

2,5 %

17,5 %

La construction dun logement neuf consomme de lordre de dix-sept


tonnes de ciment, qui reprsentent environ 2,5 % du prix de revient.
2. LINDUSTRIE CIMENTIRE [1, 8 et 9]
2.1. Caractristiques

Pour construire une cimenterie, les investissements sont trs


importants et ils samortissent sur une longue priode. En consquence,
la profession est trs concentre (en France quatre producteurs indpendants) et les principaux groupes industriels sont implants dans
plusieurs pays.

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La localisation gographique des usines est lie au march et la


prsence des matires premires : le ciment est un produit pondreux
de faible valeur. Il faut limiter le plus possible le cot du transport.
2.2. Productions mondiales

En 1994, en 10 6 t et ( ) consommation en kg/habitant.


Monde : 1 389, Union Europenne (1993) : 146.
Chine :
405 (331)
Core du Sud : 52
ex URSS :

95

Allemagne :

36 (595)

Japon :
92 (643)
tats-Unis : 76 (329)

Italie :
Thalande :

33 (609)
33

Inde :

Turquie :

30

61

Principaux pays exportateurs (en 1990) :


Japon : 5,9 10 6 t,

Grce : 5,8 106 t.

Premier importateur mondial : tats-Unis : 14 10 6 t en 1989.


Principaux pays consommateurs en kg/habitant :
Luxembourg : 1 185
Portugal : 768.
Principaux producteurs mondiaux : en 1993, en millions de tonnes
Holderbank (Suisse) :
51
Ciments Lafarge (France) :
43
Italcementi, Ciments Franais (Italie, France) :
Heidelberger (Allemagne) :
34
Cemex (tats-Unis) :

39

26

2.3. Situation franaise : en 1994

Chiffre daffaires (1993) : 10,9 milliards de francs.


Effectifs : 6 255 personnes.
Production : 20,2 10 6 t, seizime rang mondial. Le plus haut niveau
de production a t atteint en 1974 : 33,3 10 6 t.
Exportations : 1,3 10 6 t de ciment et 1,2 10 6 t de clinker, principalement vers lAllemagne, les tats-Unis, lItalie.
Importations : 1,4 10 6 t de ciment et 0,3 10 6 t de clinker, principalement de Belgique.

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Figure 1 : Localisation gographique des cimenteries, en France.


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Quarante cimenteries dont dix de plus dun million de tonnes de


capacit (figure 1).
Producteurs : en 10 6 t, en 1991
Ciments Lafarge :

9,4

Ciments dOrigny :

2,4

Ciments Franais :

7,9

Cedest :

1,8

Ciment Vicat :

4,1

Ciments de Champagnole : 0,5

Ciment dOrigny et Cedest (achet, en mai 1994) sont filiales du


groupe suisse Holderbank.

3. ILLUSTRATIONS EXPRIMENTALES

Matriel et produits
Ciment Portland (CEM I 32,5) disponible en sacs de 25 ou 50 kg
chez les marchands de matriaux. Les besoins sont denviron 200 g par
exprience.
Le gchage du ciment peut tre ralis dans tout rcipient dun
volume suffisant pour assurer proprement un mlange homogne,
laide dune spatule. Nous avons utilis des capsules mailles de
800 mL 1 L.
La prise du ciment peut tre ralise dans des rcipients jetables :
pots de yaourts, gobelets en plastique de 200 mL.
Balance de porte 400 g, prcise au gramme. En labsence de balance
ou de pse-lettres, la plupart des expriences peuvent galement tre
ralises en mesurant des volumes sachant que le volume occup par
200 g de ciment anhydre non tass est denviron 200 mL.
Risques et prcautions particuliers
Aucun, sinon viter de mettre le ciment en contact avec la peau (si
le cas se produit, un rinage leau est efficace). Sitt la fin du gchage
verser le ciment dans le rcipient jetable et rincer tous les ustensiles
utiliss. Lors du nettoyage, rincer abondamment afin dviter de
boucher les viers. viter de laisser des thermomtres ou lectrodes en
verre dans le ciment lorsque celui-ci durcit.

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3.1. La prise du ciment


3.1.1. tude de lhydratation du ciment

Afin dtudier la prise dun ciment dans un temps raisonnable avec


des lves nous proposons dacclrer celle-ci en ajoutant au ciment
Portland classique du ciment prompt dans les proportions : 60 % ciment
prompt - 40 % ciment CEM I 32,5.
Matriel et produit complmentaire
Thermomtre, thermistance ou thermocouple ventuellement reli
une table enregistreuse.
Ciment prompt disponible dans les drogueries sous des quantits de 1 kg.
Exprience
A 200 g de mlange 60 % ciment prompt - 40 % ciment Portland,
ajouter 100 g deau du robinet et gcher rapidement. Noter lheure.
Transvaser la pte obtenue dans un rcipient jetable et placer un
thermomtre, thermistance ou thermocouple au sein du ciment. Si lon
dispose dune possibilit denregistrement automatique de llvation
de temprature en fonction du temps dmarrer lenregistrement. Sinon
noter la temprature toutes les cinq minutes. Pour une temprature
ambiante de 20C, nous avons obtenu la courbe reprsente sur la
figure 2. Le maximum de temprature, qui correspond sensiblement
la fin de la prise, est obtenu en vingt-cinq minutes. Cette dure peut
varier en fonction de la nature des ciments prompt et CEM I utiliss.

Figure 2 : volution, au cours du temps, de la temprature dun ciment (60 % ciment


prompt - 40 % ciment Portland), lors de sa prise.
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Par comparaison, dans le cas dun ciment prompt pur ce maximum


est atteint en six minutes, alors quil est de sept heures pour un ciment
CEM I pu r. Dans ce dernier cas la prise tant lente, la masse de ciment
utilis faible, les changes thermiques avec lenvironnement sont
importants et il est di fficile dobserver lchau ffement du ciment.
Interprtation
Les premires ractions qui interviennent lors de la mise en
prsence du ciment et de leau sont des ractions de dissolution partielle
des constituants du ciment. Cette dissolution est lente dans le cas dun
ciment CEM I, plus rapide pour un ciment prompt. Le dbut dlvation
de temprature qui a lieu aprs trois sept heures pour un ciment
CEM I, caractrise le dbut de prise : il correspond aux ractions
dhydratation. Les hydrates forms prcipitent, cest le phnomne de
prise qui pour un ciment CEM I dure quelques heures. A la fin de la
prise le ciment cesse dtre dformable.
Lors de lexprience dcrite ci-dessus, les changes thermiques
avec lenvironnement sont importants et lchau ffement reste limit :
le ciment atteint 30 35C. Dans le cas douvrages volumineux, par
exemple des barrages, la temprature peut atteindre 60C, et le
refroidissement durer plusieurs mois, la conductibilit thermique dun
bton tant faible.
Lhydratation des constituants du ciment, leur prcipitation et donc
le durcissement se produisent au cours de la prise et se poursuivent au
cours dune priode trs longue (tableau 3). En pratique, on donne la
rsistance dun ciment aprs vingt-huit jours.
2 jours

7 jours

28 jours

0,35

1,5

90 jours
1,7

1 an

10 ans

1,8

2,2

Tableau 3 : volution du rapport de la rsistance dun ciment celle atteinte en sept


jours, en fonction du temps [2].
3.1.2. tude de linfluence de la temprature sur la prise
dun ciment

Matriel complmentaire
Rfrigrateu r.
tuve rgle environ 60C.

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Exprience
A 200 g de ciment Portland, ajouter 100 g deau du robinet.
Mlanger le tout de faon homogne et transvaser dans un rcipient
jetable. Noter lheure. Raliser trois ciments identiques. Laisser le
premier la temprature ambiante que lon note, porter le second dans
un rfrigrateur (temprature de 3C) et le troisime dans une tuve
60C. Toutes les heures observer si la prise a eu lieu et noter linstant
o elle est ralise. Nous avons constat les temps de prise suivants :
Temprature ambiante de 20C :

7 h.

Rfrigrateur 3C :

17 h.

tuve 60C :

3 h.

Interprtation
On constate que le dbut de prise dun ciment dpend de la
temprature. Un temps chaud acclre la prise, un temps froid la retarde.
La temprature joue sur la solubilit des constituants du ciment anhydre
et sur les vitesses dhydratation. Plus la temprature est leve, plus la
solubilit et les vitesses dhydratation augmentent.
3.1.3. tude du rle de divers adjuvants sur la prise
dun ciment

Produits complmentaires
Chlorure de calcium CaCl2,2H2O.
Saccharose ou sucre alimentaire.
Exprience
A 200 g de ciment Portland ajouter 100 g deau dans laquelle ont
t dissous 4 g de chlorure de calcium hydrat. Raliser la mme
exprience en remplaant le chlorure de calcium par 2 g de saccharose
ou de sucre. Comparer le temps de prise avec celui dun ciment sans
adjuvant. Lajout de chlorure de calcium a permis une prise en quatre
heures au lieu de sept heures. Lajout du sucre qui sest traduit par une
lvation brutale de la temprature du ciment, a empch la prise du
ciment. Un ajout moindre de sucre (< 1 g) permet de retarder la prise
de plusieurs heures.

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Interprtation
Le chlorure de calcium augmente les vitesses dhydratation. Les
carbonates, aluminates, sulfates, chlorures de sodium ou de potassium
jouent le mme rle. Ce sont des acclrateurs de prise.
Le sucre forme des composs peu solubles qui enrobent les grains
de ciment anhydre et retardent ainsi leur hydratation. Les gluconates et
phosphates alcalins jouent le mme rle. Ce sont des retardateurs de
prise et celle-ci, si la quantit ajoute est importante, peut tre mme
arrte. Ils sont employs par temps chaud, pour le transport du bton
sur de longues distances, pour la mise en uvre de grands volumes de
bton (barrages)...
3.2. tude de quelques proprits du ciment
3.2.1. Caractrisation du pH dun ciment

Lors de la prise dun ciment, la formation dhydroxyde de calcium


Ca(OH)2 donne au ciment un pH qui est compris entre 13 et 13,5.

Matriel et produits complmentaires


Ciment ou bton dj pris.
Phnolphtalne.
ventuellement pH-mtre et bcher de 200 400 mL.
Exprience
Sur un morceau de ciment ou bton dont la prise a eu lieu, depuis
quelques heures, mois ou annes, placer une goutte de phnolphtalne.
Observer le rosissement de celle-ci sur les grains de ciment. Cette
observation est plus facile sur un ciment blanc.
Lutilisation dun pH-mtre permet dobserver laugmentation
immdiate du pH ds lajout deau un ciment anhydre. Dans un
bcher, placer 100 mL deau du robinet et mesurer le pH (7,5 dans notre
cas). Ajouter, en agitant, peu de ciment anhydre, environ 20 g. On
constate que le pH augmente rapidement pour atteindre 12,5 13.
Travailler avec une faible quantit de ciment afin dviter sa prise qui
poserait des problmes pour rcuprer intactes les lectrodes.

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3.2.2. Attaque acide dun ciment

Matriel et produits complmentaires


Ciment ou bton dj pris.
Acide chlorhydrique 6 mol.L 1.
Acide sulfurique 3 mol.L 1.
Solution aqueuse de thiocyanate de potassium 0,1 mol.L 1.
Deux bchers de 100 250 mL.
Exprience
Placer quelques morceaux de ciment dj pris dans un bcher
contenant de lacide chlorhydrique. On constate lapparition immdiate
dun dgagement gazeux et lacide chlorhydrique se colore en jaune.
Pour information, la neutralisation complte de 20 g de ciment anhydre
ncessite environ 50 mL de HCl 3 mol.L 1.
Interprtation et applications
Le dgagement gazeux est du dioxyde de carbone qui peut tre
caractris laide dun tube dgagement barbotant dans de leau de
chaux. Ce dioxyde de carbone provient de la dcomposition du
carbonate de calcium car un ciment contient trs souvent du calcaire
(de lordre de quelques pour-cent). Du carbonate de calcium se forme
galement, au cours du temps, par carbonatation de la chaux. La
coloration jaune est due la dissolution partielle de laluminoferrite de
calcium et la formation de complexes entre les ions Fe 3 + en solution
et les ions chlorure de lacide. Pour sassurer de la prsence des ions
Fe3 + en solution, on peut sur un prlvement, ajouter quelques gouttes
de solution de thiocyanate et constater la formation dun complexe
rouge caractristique.
Paralllement la dissolution du carbonate de calcium, lhydroxyde de calcium passe en solution, ainsi que, plus lentement, le
silicate de calcium hydrat. En dfinitive, lattaque acide solubilise une
partie des constituants du ciment. Cette proprit est utilise lorsque
lon dsire nettoyer un carrelage des traces de ciment dposes lors de
son laboration : il faut associer une attaque acide ( laide dacide
chlorhydrique) un brossage et un entranement du ciment dcoll
par de leau.

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Une attaque par de lacide sulfurique donne initialement un


dgagement gazeux qui diminue rapidement par formation de gypse peu
soluble la surface des particules de carbonate ou dhydroxyde de calcium.
3.2.3. tude de la passivation de lacier des armatures
dun bton arm

Les armatures dacier places dans un bton arm permettent


daugmenter sa rsistance en traction. Le ciment prsente la particularit, grce son pH lev, dtre un milieu qui protge le fer de
loxydation.
Matriel et produits complmentaires
pH-mtre.
Millivoltmtre.
Microampremtre.
Bcher de 200 400 mL.
lectrode de fer (par exemple fer bton ou clou).
lectrode de cuivre (fil de cuivre).
lectrode de rfrence au calomel.
lectrode de verre.
Agitateur magntique, ventuellement.
Chlorure de sodium.
Exprience
Raliser le montage schmatis sur la figure 3. Mesurer le pH entre
llectrode de rfrence et llectrode de verre, mesurer le potentiel (E)
entre llectrode de fer et llectrode de rfrence, mesurer le courant
de corrosion (Icorr) entre llectrode de cuivre et llectrode de fer. Les
lectrodes de cuivre et de fer auront t protges sur leur partie situe
au niveau de la surface de la solution, par exemple par de ladhsif ou
une gaine plastique, de telle sorte que la surface mtallique en contact
avec la solution, donc susceptible de se corroder, reste constante et ne
fluctue pas avec lagitation de la solution.
Placer dans le bcher 100 mL deau du robinet dans laquelle on
aura dissous environ 1 g de chlorure de sodium afin de partir dune
solution conductrice. Mesurer le pH, le potentiel et le courant de
corrosion. Ajouter, tout en agitant, une faible quantit de ciment

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anhydre (environ 20 g). Mesurer le pH, le potentiel et le courant de


corrosion, ds lajout de ciment, puis rgulirement au cours du temps.

Figure 3 : tude de la passivation du fer dans un bton : schma du montage exprimental.

Remarque : Lexprience peut tre simplifie si lon ne dispose pas dun


pH-mtre. Il suffit de relever le pH laide dun papier pH.
Observations
Avant ajout de ciment, les valeurs suivantes sont obtenues :
pH = 6,1,
E = 580 mV/lectrode au calomel,
Icorr = 20 A dans le sens de la corrosion du fer.
Ds lajout de ciment on obtient :
pH = 12,
E = 460 mV lectr ode au calomel,
Icorr = 40 A , toujours dans le sens de la corrosion du fer.
Aprs quelques minutes (cinq minutes) :
pH = 12,3,
E = 420 mV/lectrode au calomel,
Icorr = 2 A , valeur qui diminue lentement au cours du temps.

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Interprtation
Avant ajout de ciment, on mesure le courant de corrosion entre le
cuivre et le fer : le fer soxyde.
Ds lajout de ciment, le pH augmente, par libration dhydroxyde
de calcium, le courant de corrosion augmente brutalement pour
diminuer ensuite rapidement puis plus lentement. Ce phnomne fugace
correspond une oxydation trs rapide du fer pour former une couche
doxyde, couche de corrosion qui le protgera ultrieurement. Quand
cette couche devient suffisamment impermable la poursuite de la
corrosion, le courant de corrosion diminue : le fer est passiv. Les
conditions de lexprience et en particulier lagitation de la solution,
indispensable pour la fiabilit des mesures, qui abrase, en partie, la
couche protectrice forme sur lacier ne permet pas dobtenir une
couche de bonne qualit qui permettrait de diminuer plus nettement le
courant de corrosion.
Ces observations sont en accord avec les donnes thermodynamiques partir desquelles a t construit le diagramme potentiel - pH du
fer (figure 4). En prsence de ciment, pH 12,5, le fer se trouve un
potentiel de 170 mV/lectrode hydrogne, cest--dire quil est dans
la zone de passivation du diagramme de Pourbaix [10].

Figure 4 : Diagramme potentiel - pH du fer daprs [10].

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3.2.4. Stabilit dun ciment aprs chauffage

Matriel complmentaire
Four permettant datteindre 600C ou 1 000C.
Exprience
Placer un chantillon de ciment dj pris dans le four durant
environ vingt-quatre heures 600C ou 1 000C. Afin de limiter la
fissuration du ciment par un dpart trop brutal deau, effectuer la
monte en temprature du four avec lchantillon lintrieur. Aprs
refroidissement sortir le ciment et le laisser en contact avec lair
ambiant. A la sortie du four, la rsistance mcanique du ciment est peu
affecte, malgr la prsence possible de fines fissures. Aprs quelques
jours, le ciment augmente de volume, les lvres des fissures scartent,
la cohsion du ciment disparat. En quelques semaines, un ciment
chauff 1 000C est totalement tomb en poussire.
Interprtation et consquences
Le chauffage dshydrate divers constituants du ciment, en particulier lhydroxyde de calcium. Le dpart deau se traduit par une
contraction du ciment (retrait de dessiccation). Aprs refroidissement,
au contact de lhumidit atmosphrique, loxyde de calcium se rhydrate, en augmentant de volume : le matriau en ciment clate et tombe
en poussire.
En consquence, lanalyse et la surveillance des btiments ayant
subi un incendie est imprative. Afin dviter que le btiment incendi
ne scroule de lui mme quelques jours ou mois plus tard, il est, en
gnral, rapidement ras.
3.3. Le bton cellulaire

Ce matriau est un ciment qui prsente la particularit dtre trs


lger. Cette lgret est lie lutilisation de granulats peu denses ou
la prsence de pores [11]. Nous dcrirons lobtention de ce dernier
type de bton cellulaire qui est trs utilis dans les pays scandinaves,
en Allemagne et en Russie car cest un bon isolant thermique.
Le pH du ciment peut tre mis profit pour, lors de la prise, raliser
des ractions chimiques susceptibles de librer un gaz qui expansera la
pte de ciment. Cest exactement le mme type de raction (leffet de
la temprature remplaant celui du pH) qui se produit lors de la

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fabrication de biscuits ou de gteaux laide de levure chimique [1].


Si la levure chimique est de lhydrognocarbonate de sodium, comme
cela est souvent le cas, ds 60C, lhydrognocarbonate de sodium
libre du dioxyde de carbone qui fait lever la pte selon la raction :
2 NaHCO 3 Na 2CO3 + CO 2 + H 2O
Dans le cas du bton cellulaire, cest laluminium qui joue le rle
de la levure. En milieu basique, la raction suivante avec formation
dion aluminate AlO2 hydrat a lieu :
2 Al + 10 H 2O + 2 OH 2 [Al(OH)4(H 2O)2] + 3 H 2
Le dihydrogne qui se dgage se rassemble en bulles qui clatent
la surface du ciment pteux ou forment des pores au sein de la masse
du ciment. Le ciment obtenu est poreux et sa masse volumique
apparente est de 0,4 0,8 g.cm 3 (celle dun ciment classique est
denviron 1,5 g.cm 3).
Produit complmentaire
Aluminium en poudre fine.
Exprience
Lexpansion tant importante, en travaillant avec des gobelets en
plastique de 200 mL, il faut utiliser deux fois moins de ciment que dans
les expriences avec le ciment classique. Prendre 100 g de ciment,
ajouter 0,25 g de poudre daluminium, mlanger puis introduire 50 g
deau. Aprs obtention dune pte homogne, transvaser dans un
gobelet en plastique. Lexpansion est rapide et lchauffement important. La prise a lieu en quelques heures. La masse volumique apparente
obtenue est de : 0,76 g.cm 3. Aprs avoir enrob le ciment dans un film
plastique tanche leau, afin dviter que celle-ci ne remplisse les
pores, on constate que le ciment flotte sur leau.

REMERCIEMENTS

Nous tenons remercier pour leur aide, les techniciens du


dpartement de chimie de lENS de Cachan et plus particulirement
Mme D. JALASJA, Mlles M. TOURAULT et S. MARTIN, ainsi que les
tudiants en premire anne (1994-95) de lENS de Cachan et du
Magistre de Physico-chimie Molculaire de lUniversit dOrsay qui
ont bien voulu tester les expriences.

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BIBLIOGRAPHIE

J.-L. VIGNES, G. ANDR et F. KAPALA : Donnes industrielles,


conomiques, gographiques sur des produits chimiques (minraux et organiques), mtaux et matriaux, sixime dition, 1994,
Union des Physiciens et Centre de Ressources Pdagogiques en
Chimie : conomie et Industrie - EXC-1 (ENS de Cachan).
[2] M. VENUAT : Ciments et btons, Collection Que Sais-Je, PUF,
troisime dition, 1978.
[3] Fiches Techniques de lAssociation Technique de lIndustrie des
Liants Hydrauliques - 8, rue Viliot - 75012 PARIS.
[4] Centre dInformation sur le Ciment et ses applications - 41, avenue
de Friedland - 75008 P ARIS.
[5] M. REGOURD : Lhydratation du ciment Portland, chapitre 11,
Le bton hydraulique, Presses de lENPC, p. 193-222.
[6] A. FOLLIOT et M. BUIL : La structuration progressive de la pierre
de ciment, chapitre 12, Le bton hydraulique, Presses de lENPC,
p. 223-236.
[7] R. DRON et I.-A. VOINOVITCH : Lactivation hydraulique des
laitiers, pouzzolanes et cendres volantes, chapitre 13, Le bton
hydraulique, Presses de lENPC, p. 237-246.
[8] Documents et rapports annuels du Syndicat Franais de lIndustrie
Cimentire - 41, avenue de Friedland - 75008 P ARIS.
[9] conomie et Gographie n 233, mars 1986.
[10] M. POURBAIX : Atlas dquilibres lectrochimiques, GauthiersVillars, Paris, 1963, p 307-321.
[11] J.-P. LEVY : Les Btons lgers, Eyrolles, Paris, 1955, p. 117-127.
[1]

Adresses des fabricants franais de ciment


Ciments Franais - Tour gnrale - 92088 PARIS LA DFENSE - Cedex 22.
Ciments Lafarge - 3-5, boulevard Louis Loucheur - 92214 SAINT-CLOUD
Cedex.
Socit Vicat - Tour GAN - 16, place de lIris - 92082 PARIS LA
DFENSE.
Ciments dOrigny - 15, boulevard de lAmiral Bruix - 75016 P ARIS.
Cedest - B.P. 37 - 57101 THIONVILLE.

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