Language of document : ECLI:EU:F:2015:24

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

26 mars 2015 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Rapport de notation – Erreurs manifestes d’appréciation – Détournement de pouvoir – Harcèlement moral – Décision octroyant un point de mérite »

Dans l’affaire F‑41/14,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

CW, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Me C. Bernard-Glanz, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mme M. Dean et M. J. Steele, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de MM. R. Barents, président, E. Perillo et J. Svenningsen (rapporteur), juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 décembre 2014,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 6 mai 2014, CW a introduit le présent recours tendant en substance à l’annulation, d’une part, du rapport de notation portant sur l’année 2012, dans sa version finalisée par la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») du Parlement européen du 24 mai 2013 (ci-après le « rapport de notation 2012 »), et, d’autre part, de la décision du directeur général de la direction générale (DG) « Interprétation et conférences » du Parlement, du 24 juin 2013, lui attribuant un point de mérite au titre de l’année 2012.

 Cadre juridique

2        L’article 43, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne dans sa version applicable au litige (ci-après le « statut ») prévoit :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution […] »

3        L’article 60, second alinéa, du statut prévoit :

« Lorsqu’un fonctionnaire désire aller passer son congé de maladie dans un lieu autre que celui de son affectation, il est tenu d’obtenir préalablement l’autorisation de l’[AIPN]. »

 Faits à l’origine du litige

1.     Présentation générale et objet du litige

4        Le 6 octobre 2003, la requérante a été recrutée en tant qu’agent auxiliaire au Parlement où elle a été affectée à l’unité de l’interprétation slovaque de la direction de l’interprétation de la DG « Infrastructures et interprétation », devenue la DG « Interprétation et conférences ». À partir du 8 octobre 2004, elle a été engagée en tant qu’agent temporaire dans cette même unité.

5        Le 1er octobre 2008, la requérante a été nommée fonctionnaire stagiaire au Parlement et affectée à l’unité de l’interprétation tchèque (ci-après l’« unité »). Elle a été titularisée le 1er juillet 2009.

6        De 2008 à 2010, la requérante et Mme H. étaient collègues au sein de l’unité. Lorsque le poste de chef d’unité s’est libéré, elles ont toutes les deux présenté leur candidature. À l’issue de la procédure de sélection, la candidature de la requérante a été écartée au profit de celle de Mme H. (ci-après le « chef d’unité ») qui a été nommée sur cet emploi le 17 mai 2010.

7        Au début de l’année 2013, le projet de rapport de notation 2012 de la requérante a été établi par le chef d’unité en sa qualité de premier notateur. Le 14 février 2013, la requérante a eu son entretien avec le premier notateur, qui a validé le projet de rapport de notation 2012 le même jour. Le 25 février 2013, le directeur de la direction de l’interprétation (ci-après le « directeur ») y a apposé son visa, en qualité de notateur final.

8        Le 20 mars 2013, la requérante a signé la version de son rapport de notation 2012 établie par le premier notateur et contresignée par le notateur final, en formulant toutefois des observations sur un document séparé. Le même jour, le notateur final a « répondu » aux observations de la requérante en écrivant dans la version du rapport de notation 2012 qui venait d’être signée par la requérante : « J’ai pris note de vos commentaires. »

9        Le 11 avril 2013, la requérante a saisi l’instance compétente au sein du Parlement pour statuer sur les recours préalables à l’introduction d’une réclamation, en l’occurrence le comité des rapports, pour contester la version du rapport de notation 2012 qui lui avait été soumise, notamment en ce qui concerne quatre commentaires et appréciations spécifiques contenus dans ce rapport (ci-après, ensemble, les « remarques litigieuses »).

10      Le 15 mai 2013, le comité des rapports, après avoir auditionné la requérante, le premier notateur et le notateur final, a rendu un avis dont les points 14 et 15 sont formulés comme suit :

« 14. En ce qui concerne le commentaire factuel [apporté dans la rubrique ‘Conduite’ sous l’intitulé] ‘[R]espect des instructions reçues’, le [c]omité [des rapports] note qu’il porte sur la demande, restée sans suite, que la [requérante] présente à son [chef d’unité] des excuses publiques telles que formulées par son [d]irecteur.

15.      Le [c]omité [des rapports] considère que [l’intitulé] ‘[R]espect des instructions reçues’ est censé viser l’exécution de tâches professionnelles confiées par la hiérarchie plutôt que les relations interpersonnelles avec ses membres. Or, la demande de présenter des excuses ne concernant pas les tâches de la [requérante], mais son attitude vis-à-vis de son supérieur, de l’avis du [c]omité [des rapports], elle trouverait mieux sa place dans un commentaire sous un [intitulé] portant sur les relations humaines avec les collègues. »

11      En se référant aux considérations contenues aux points 14 et 15 de son avis, le comité des rapports a recommandé de modifier soit l’intitulé du critère « Respect des instructions reçues » de la rubrique « Conduite » du rapport de notation dont il avait été saisi, soit le commentaire factuel y afférent. En revanche, il a estimé qu’« il n’y a[vait] pas lieu de faire droit aux autres doléances » de la requérante.

12      Par décision du 24 mai 2013, notifiée à la requérante le 18 juin suivant, le secrétaire général du Parlement, en qualité d’AIPN, a indiqué qu’il considérait que l’intitulé du critère « Respect des instructions reçues », figurant dans la rubrique « Conduite » du rapport de notation 2012 soumis à son approbation, ainsi que le commentaire figurant sous ce critère devaient rester inchangés, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont disposent les notateurs. Il a conclu à l’absence de nécessité de modifier le rapport de notation 2012 tel que soumis à son approbation et, en conséquence, au caractère désormais définitif de celui-ci.

13      Par décision du 24 juin 2013, notifiée à la requérante le 28 juin suivant, le directeur général de la DG « Interprétation et conférences » (ci-après le « directeur général ») a attribué un point de mérite à la requérante (ci-après la « décision portant attribution d’un point de mérite »).

14      Par lettre du 6 septembre 2013, la requérante a introduit une réclamation à l’encontre, d’une part, de son rapport de notation 2012 et, d’autre part, de la décision portant attribution d’un point de mérite pour l’année en cause. Par décision du 10 janvier 2014, le président du Parlement a rejeté la réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

15      Le rapport de notation 2012 a été, selon la requérante, adopté dans le contexte d’un harcèlement moral exercé sur elle par le chef d’unité et le directeur depuis 2011. Les allégations de harcèlement de la requérante ont donné lieu à un recours contre le Parlement introduit devant le Tribunal le 19 décembre 2013 et enregistré sous la référence F‑124/13. Le contexte factuel, dans lequel s’insère la présente affaire, a également été abordé dans l’arrêt CQ/Parlement (F‑12/13, EU:F:2014:214), rendu par le Tribunal le 17 septembre 2014.

2.     Les remarques litigieuses telles qu’elles ressortent des pièces du dossier

 Faits relatifs à un séjour à l’étranger lors d’un congé de maladie – première remarque litigieuse

16      La requérante a été en congé de maladie du 20 février au 28 mars 2012. Pendant cette période, elle a quitté Bruxelles (Belgique) pour rendre visite à sa famille à Prague (République tchèque) du 2 au 5 mars 2012. Après avoir obtenu confirmation de la part de la requérante elle-même, par un courriel du 5 juin 2012, qu’elle avait effectué ce déplacement, le directeur général a interrogé la requérante sur la question de savoir si elle avait sollicité une autorisation préalable pour quitter Bruxelles. Le 6 juin 2012, la requérante a déclaré ce qui suit : « La réponse à votre question est non, je n’ai pas obtenu au préalable l’autorisation prévue à l’[article] 60 du statut, car je ne pensais pas être tenue de la demander. » Par un courriel du 7 juin 2012, le directeur général a notamment fait savoir à la requérante qu’elle n’avait pas respecté les règles du statut à cet égard.

17      Le commentaire qui figure à la rubrique « Conduite », sous le critère « Respect des règles internes », du rapport de notation 2012 fait référence aux faits susmentionnés dans les termes suivants : « N’a pas respecté [l’article] 60 du statut (voir courriel du directeur général [du] 7 juin 2012) » (ci-après la « première remarque litigieuse »).

18      À cet égard, au point 13 de son avis, le comité des rapports a considéré que le commentaire susmentionné concernait un « manquemen[t] forme[l] [commis] dans une situation de stress reconnue par la hiérarchie [elle-]même » et qu’il semblait « disproportionné par rapport à l’évaluation des prestations de toute une année ».

 Faits relatifs à une fausse déclaration de congé de maladie – deuxième remarque litigieuse

19      Le commentaire, qui constitue la deuxième remarque contestée par la requérante, figure également à la rubrique « Conduite », sous le critère « Respect des règles internes », et porte sur le non-respect, par la requérante, de « [l’article] 60 du statut et [du] [g]uide des [c]ongés (voir courriel du directeur général [du] 13 juillet 2012) » (ci-après la « deuxième remarque litigieuse »).

20      En effet, le 9 juillet 2012, la requérante a été invitée à un entretien d’embauche au Parlement qui avait lieu le lendemain à Luxembourg (Luxembourg). Selon la requérante, dès lors que, à cette période, elle travaillait depuis des mois en subissant une forte pression psychologique, « elle se souciait beaucoup de cet entretien qui, à ses yeux, représentait un espoir d’un éventuel changement de sa triste et frustrante situation professionnelle[ ; p]artant, il ne lui restait pas, dans ces circonstances, d’autre possibilité que de prendre un jour de congé de maladie sans certificat [médical] ».

21      Dans un échange de courriels des 11, 12 et 13 juillet 2012, le directeur général a rappelé à la requérante, en renvoyant au point 3, intitulé « Faire une demande de congé annuel », du titre 1 du guide en vigueur au Parlement pour les congés du personnel (ci-après le « guide des congés »), que ce guide prévoyait une solution qui lui aurait permis de se conformer aux règles internes. En outre, le directeur général lui a rappelé avoir, récemment, attiré son attention sur l’obligation qui lui incombe de demander une autorisation préalable pour pouvoir séjourner à l’étranger durant un congé de maladie.

22      À cet égard, également au point 13 de son avis, le comité des rapports a considéré que le commentaire constituant la deuxième remarque litigieuse concernait également un « manquemen[t] forme[l] [commis] dans une situation de stress reconnue par la hiérarchie [elle-]même » et qu’il semblait, à l’instar de la première remarque litigieuse, « disproportionné par rapport à l’évaluation des prestations de toute une année ».

 Faits relatifs à un refus de respecter un ordre du directeur – troisième remarque litigieuse

23      Le 16 septembre 2011, le chef d’unité a communiqué au personnel de l’unité les critères définis par la hiérarchie pour la sélection des candidats pour un cours d’anglais, autrement dénommé « université d’été », devant se dérouler à l’été 2012 en Irlande. Il en ressort que le cours d’« anglais – langue passive » était organisé soit pour les « nouveaux collègues » soit pour « des collègues qui [avaient] récemment ajouté l’[anglais en tant que langue passive] » à leur combinaison linguistique.

24      Le 22 septembre 2011, la requérante a fait savoir à son chef d’unité qu’elle était intéressée par le cours d’été susmentionné. En réponse, le chef d’unité, en renvoyant aux critères de sélection des candidats déjà communiqués, a rappelé que ce cours était destiné aux « nouveaux collègues ou [à] des collègues qui [venaient d’]ajout[er] l’[anglais en tant que langue passive de niveau C] » à leur combinaison linguistique, alors que la requérante possédait l’anglais comme langue active de niveau B et qu’elle n’était plus à considérer comme une nouvelle collègue.

25      Ultérieurement, ayant appris, en décembre 2011, que deux collègues ayant, comme elle, l’anglais comme langue active avaient été inscrites sur la liste des candidats de l’unité pour le cours d’été d’anglais en Irlande, la requérante a demandé au chef d’unité, par courriel du 14 décembre 2011, de lui fournir des explications supplémentaires à ce propos. Le 15 décembre 2011, le chef d’unité a répondu que les critères de sélection demeuraient inchangés et que les collègues inscrits sur la liste des candidats de l’unité remplissaient bien lesdits critères établis par le directeur général. « [É]tonnée par [cette] affirmation », dès lors que deux des trois collègues inscrits sur ladite liste ne venaient pas d’ajouter l’anglais comme langue passive à leurs compétences et n’étaient pas selon elle « nouveaux » dans l’équipe, la requérante a, par courriel en réponse du même jour, demandé « de plus amples explications ». Par courriel du lendemain, le chef d’unité a expliqué, de nouveau, que la requérante ne remplissait pas lesdits critères et qu’elle devait s’adresser au directeur « [s]i [elle] n’[était] pas satisfaite ». La requérante, n’ayant pas souhaité « importuner » le directeur « avec un problème qui ne se posait pas », a de nouveau demandé au chef d’unité, par courriel de ce même 16 décembre 2011, d’expliquer son « assertion » selon laquelle deux collègues, Mmes J. et K., remplissaient les critères de sélection alors que leur situation était « identique à la [sienne] ». Le chef d’unité n’a pas répondu à cette question. Par la suite, ne parvenant pas à comprendre pourquoi le chef d’unité n’avait pas souhaité répondre « à une question [selon elle] somme toute légitime », la requérante a une nouvelle fois demandé au chef d’unité, par courriel du 11 janvier 2012, de lui préciser « quels critères posés par le directeur général » remplissaient ses deux collègues inscrites sur la liste des candidats de l’unité. Le chef d’unité n’a pas non plus répondu par écrit à cette dernière interrogation de la requérante.

26      En revanche, lors d’une réunion de l’unité tenue deux jours plus tard, soit le 13 janvier 2012, le chef d’unité a abordé la situation relative au cours d’été en Irlande. À cette occasion, le chef d’unité aurait déclaré, selon la requérante, qu’« une personne […] avait exprimé des inquiétudes sur le point de savoir si [le chef d’unité] n’avait pas violé les critères relatifs aux [cours] d’été de 2012 ». En outre, le chef d’unité a expliqué, en réponse à une question posée par la requérante, le sens qu’il y avait lieu de donner à l’adjectif « nouveau » pour l’application du critère « être un nouveau collègue », autrement dit justifier d’une entrée en fonctions récente. Elle a souligné que, alors que la requérante était entrée en fonctions au Parlement en 2003, Mmes J. et K. n’étaient arrivées dans l’unité qu’en 2009, ce qui était à considérer comme une arrivée récente.

27      À la suite de cette réunion de l’unité, le chef d’unité a envoyé, le 17 janvier 2012, un courriel au personnel de l’unité afin de porter à leur connaissance plusieurs informations. En ce qui concerne le cours d’été en Irlande, le chef d’unité s’est exprimée dans les termes suivants : « [La requérante] a déclaré que j’avais enfreint les critères fixés par le directeur général parce que sa situation était identique à celle de [Mmes J. et K.]. Ce n’est pas le cas. »

28      Selon la requérante, cette affirmation était clairement diffamatoire, dès lors qu’elle n’avait jamais rien prétendu de tel. Le 18 janvier 2012, la requérante a ainsi décidé d’adresser un courriel à l’ensemble du personnel de l’unité (ci-après le « courriel du 18 janvier 2012 ») pour leur faire part de son point de vue. Selon le Parlement, ce courriel tendait à remettre en question devant toute l’unité les compétences du chef d’unité, laquelle n’a toutefois répondu audit courriel, le 19 janvier 2012, en ne s’adressant qu’à la requérante et au directeur. Par courriel en réponse envoyé le lendemain au chef d’unité et au directeur, la requérante a écrit ce qui suit : « […] J’ai commis une erreur et je souhaiterais m’en excuser. Je pensais vraiment que, s’agissant des demandes relatives [au cours d’été], je me trouvais dans la même situation que [Mmes J. et K.] […] »

29      Le 1er février 2012, lors d’un entretien avec la requérante, le directeur lui a remis une note dans laquelle il lui a donné l’instruction formelle, notamment, d’envoyer un courriel « au personnel de l’[unité] » avant le 5 février 2012 pour « présente[r] des excuses » pour avoir envoyé le courriel du 18 janvier 2012 et « pour avoir affirmé, à tort, que [le chef d’unité] n’a[vait] pas correctement appliqué les critères concernant [le cours] d’été ».

30      Le 4 février 2012, la requérante a adressé une réponse très détaillée au directeur en lui demandant de bien vouloir réexaminer « toute la question ». Dans une note du 10 février suivant, le directeur a refusé de revenir sur ses instructions et a fixé un nouveau délai à la requérante pour les exécuter.

31      Le 17 février 2012, pour faire suite à la demande de la requérante de lui suggérer le texte des excuses à présenter, demande qu’elle aurait, selon ses propres déclarations, formulée à titre « purement rhétorique », le directeur lui a adressé un courriel contenant l’instruction à laquelle la troisième remarque contestée par la requérante fait référence, à savoir adresser un courriel rédigé comme suit à tous les collègues de l’unité, au chef d’unité et au directeur :

« Je suis désolée d’avoir mal compris les critères concernant [le cours d’anglais] de l’été 2012 et d’avoir tiré des conclusions erronées quant à la manière dont le [chef d’unité] […] a procédé.

En effet, [le chef d’unité] a agi correctement.

[…] »

32      Le 29 février 2012, alors qu’elle était en congé de maladie, la requérante a reçu un courriel du directeur, dans lequel celui-ci, d’une part, lui a reproché de ne pas encore avoir donné suite à son instruction de présenter ses excuses et, d’autre part, lui a fait savoir que, si elle ne s’exécutait pas le jour même, il engagerait une procédure disciplinaire.

33      Cet épisode autour de la participation au cours d’été en Irlande a valu à la requérante le commentaire « [n’]a pas respecté une instruction du directeur (courriel du directeur du 17 février 2012) » sous le critère « Respect des instructions » de la rubrique « Conduite » du rapport de notation 2012 (ci-après la « troisième remarque litigieuse »).

 Faits relatifs à un prétendu défaut de réceptivité aux règles et instructions – quatrième remarque litigieuse

34      La quatrième remarque contestée par la requérante, telle qu’elle a été présentée dans la requête, regroupe trois observations distinctes formulées dans la partie « Appréciation générale » du rapport de notation 2012 (ci-après la « quatrième remarque litigieuse »). En premier lieu, sous la rubrique « Degré de réalisation des objectifs fixés lors du précédent exercice [de notation] », il est indiqué, après la mention selon laquelle « [l]a contribution [de la requérante] à l’atmosphère de travail a été plus positive qu’en 2011 », que « [l]a réceptivité aux instructions doit [encore] être améliorée » (ci-après la « première observation »).

35      En deuxième lieu, la rubrique intitulée « Objectifs à atteindre pour le prochain exercice [de notation] » inclut l’observation suivante : « [Doit a]méliorer [s]a réceptivité aux instructions et respecter davantage les règles » (ci-après la « deuxième observation »).

36      Enfin, en troisième lieu, sous la rubrique « Appréciation du premier notateur », il est indiqué qu’« [i]l est attendu de [la requérante] qu’elle respecte davantage les règles et instructions » (ci-après la « troisième observation »).

 Conclusions des parties et procédure

37      La requérante demande au Tribunal :

–        de déclarer le recours recevable ;

–        d’annuler son rapport de notation 2012 et la décision portant attribution d’un point de mérite ainsi que, pour autant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;

–        de condamner le Parlement aux dépens.

38      Le Parlement demande au Tribunal :

–        de rejeter le recours ;

–        de condamner la requérante aux dépens.

39      Dans le rapport préparatoire d’audience qui lui a été signifié le 21 novembre 2014, le Tribunal a, au titre de mesures d’organisation de la procédure, posé une question au Parlement et demandé à celui-ci de fournir un document. Le Parlement a dûment déféré à ces demandes. Par lettre du 8 décembre 2014, la requérante a formulé des observations sur le rapport préparatoire d’audience qui lui avait également été communiqué le 21 novembre 2014.

 En droit

1.     Sur les conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation

40      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêts Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 43).

41      En l’espèce, la décision de rejet de la réclamation confirme, d’une part, le rapport de notation 2012 et, d’autre part, la décision portant attribution d’un point de mérite au titre de l’exercice 2012, en révélant les motifs venant au soutien de la position de l’administration pour ces deux décisions. La légalité des actes initiaux faisant grief doit ainsi être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec celle desdits actes (voir, en ce sens, arrêt Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 58 et 59, et la jurisprudence citée). Par conséquent, étant donné que les conclusions en annulation dirigées contre la décision de rejet de la réclamation sont dépourvues de contenu autonome, le recours doit être regardé comme formellement dirigé contre les décisions initiales, telles que précisées par la décision de rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt Eveillard/Commission, T‑258/01, EU:T:2004:177, point 32).

2.     Sur les conclusions en annulation du rapport de notation 2012

42      À l’appui de son recours, la requérante soulève en substance deux moyens, tirés respectivement d’erreurs manifestes d’appréciation et d’un détournement de pouvoir.

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation

43      Par son premier moyen, la requérante fait valoir que, en faisant figurer les remarques litigieuses dans son rapport de notation 2012, l’AIPN a commis une erreur manifeste d’appréciation.

44      À cet égard, le Tribunal rappelle, à titre liminaire, qu’un large pouvoir d’appréciation est reconnu aux notateurs dans les jugements relatifs au travail des personnes qu’ils ont la charge de noter. Dès lors, le contrôle juridictionnel exercé par le juge de l’Union sur le contenu des rapports de notation est limité au contrôle de la régularité procédurale, de l’exactitude matérielle des faits, ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir. En particulier, il n’appartient pas au Tribunal de contrôler le bien-fondé de l’appréciation portée par l’administration sur les aptitudes professionnelles d’un fonctionnaire lorsque cette appréciation comporte des jugements complexes de valeur qui, par leur nature même, ne sont pas susceptibles d’une vérification objective (arrêt CW/Parlement, F‑48/13, EU:F:2014:186, point 70, et la jurisprudence citée).

45      Le premier moyen étant tiré d’erreurs manifestes d’appréciation, il convient de rappeler les conditions dans lesquelles le Tribunal peut, en particulier dans le domaine de l’appréciation des mérites des fonctionnaires, constater qu’une décision est entachée d’un tel vice.

46      À cet égard, une erreur peut être qualifiée de manifeste uniquement lorsqu’elle peut être aisément détectée à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice d’un pouvoir décisionnel (voir, en ce sens, arrêts Canga Fano/Conseil, F‑104/09, EU:F:2011:29, point 35, et CW/Parlement, EU:F:2014:186, point 72).

47      En conséquence, afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée, en l’occurrence le rapport de notation 2012, les éléments de preuve qu’il incombe à la partie requérante d’apporter doivent être suffisants pour priver de plausibilité l’appréciation des faits retenue dans la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêts AIUFFASS et AKT/Commission, T‑380/94, EU:T:1996:195, point 59, et BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, point 221). En d’autres termes, le grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation contestée apparaît en tout état de cause plausible (arrêt CW/Parlement, EU:F:2014:186, point 73).

48      Il en est particulièrement ainsi lorsqu’une décision de l’administration contient éventuellement des erreurs d’appréciation ou des imprécisions qui, prises dans leur ensemble, ne présentent toutefois qu’un caractère mineur insusceptible d’avoir déterminé l’administration (voir, en ce sens, arrêts Adia Interim/Commission, T‑19/95, EU:T:1996:59, point 49 ; Belfass/Conseil, T‑495/04, EU:T:2008:160, point 63, et AJ/Commission, F‑80/10, EU:F:2011:172, point 36).

49      C’est au regard de ces considérations qu’il convient à présent d’examiner les remarques litigieuses comme étant autant de griefs, avancés par la requérante au soutien du premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation.

  Sur la première remarque litigieuse

–       Arguments des parties

50      La requérante soutient que, au cours de son congé de maladie, du 20 février au 28 mars 2012, elle aurait été examinée par deux médecins qui l’ont encouragée à rechercher la présence de sa famille afin d’y trouver un soutien moral, émotionnel et psychologique ainsi que de se détacher de son environnement de travail qui serait à l’origine de ses problèmes de santé. Dans ce contexte, la requérante fait valoir que, en allant passer un week-end au sein de sa famille à Prague, elle n’est pas allée « passer son congé de maladie dans un lieu autre que celui de son affectation » au sens de l’article 60, second alinéa, du statut. Or, en formulant la première remarque litigieuse dans son rapport de notation 2012, le Parlement a retenu une interprétation erronée du statut et commis une erreur manifeste d’appréciation.

51      Le Parlement conclut au rejet du grief.

–       Appréciation du Tribunal

52      Selon l’article 60, second alinéa, du statut, lorsqu’un fonctionnaire désire passer son congé de maladie dans un lieu autre que celui de son affectation, il est tenu d’obtenir préalablement l’autorisation de l’AIPN.

53      En l’espèce, bien que le libellé de cette disposition soit clair, explicite et ne prévoie pas de dérogation à l’obligation d’obtenir une autorisation préalable qui serait liée à la nature de l’affection, telle qu’un problème de nature psychologique ou psychiatrique, il est constant que, du 2 au 5 mars 2012, la requérante, alors en congé de maladie avec certificat médical, a séjourné à Prague sans avoir demandé une autorisation préalable de l’AIPN afin de pouvoir régulièrement quitter son lieu d’affectation.

54      Partant, indépendamment du fait, allégué par la requérante, que son séjour hors de son lieu d’affectation a été très court et répondait à une recommandation médicale qu’elle n’avait pas explicitement divulguée à l’époque au Parlement afin d’obtenir de ce dernier une éventuelle approbation de sa démarche, il y a lieu de considérer que l’AIPN était en droit de constater que la requérante n’avait pas respecté la disposition pertinente du statut pour les séjours hors du lieu d’affectation durant un congé de maladie et que, partant, il s’agissait d’une absence irrégulière (voir, en ce sens, arrêt Österholm/Commission, T‑190/02, EU:T:2004:191, point 39).

55      Ainsi, même si le rapport de notation est censé évaluer les prestations du fonctionnaire sur toute une année, rien ne s’oppose à ce que l’AIPN fasse état d’un incident ponctuel, notamment lorsque, comme en l’espèce, celui-ci porte sur la violation d’une règle claire et spécifique directement issue du statut et que le fonctionnaire concerné, en réponse à une interrogation de la part de son directeur général quant au respect des règles statutaires, à l’instar de ce qui a été exposé au point 16 du présent arrêt, affirme qu’il pensait ne pas être tenu d’introduire une demande d’autorisation préalable. Dans ces circonstances, la formulation d’une remarque, telle que la première remarque litigieuse, dans un rapport de notation non seulement n’est pas contraire à une disposition du statut, notamment son article 43, mais peut avoir pour objectif légitime d’avertir l’intéressé et d’éviter une répétition de la violation de la règle statutaire en cause.

56      S’agissant de l’argument de la requérante relatif à sa prétendue situation professionnelle particulièrement difficile qui serait à l’origine du congé de maladie de longue durée, pour lequel il lui aurait été médicalement conseillé de le passer auprès de sa famille à Prague, il y a lieu de constater que de telles circonstances ne sauraient l’affranchir de l’obligation, incombant à tout fonctionnaire ou agent, de respecter l’article 60, second alinéa, du statut. D’ailleurs, le Tribunal relève qu’il aurait été aisé pour la requérante de contacter, même téléphoniquement ou par la voie d’un simple courriel, le service médical du Parlement pour faire état desdites circonstances et pour se renseigner sur les obligations statutaires à respecter durant un congé de maladie.

57      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, en tout état de cause, la première remarque litigieuse n’est entachée d’aucune erreur manifeste d’appréciation.

 Sur la deuxième remarque litigieuse

–       Arguments des parties

58      La requérante explique que, à son retour de congé de maladie, le 29 mars 2012, elle a reçu une note du directeur l’informant que celui-ci lui avait retiré certaines de ses tâches et activités professionnelles, à l’exception de l’interprétation à Bruxelles et à Strasbourg (France) et de l’apprentissage d’une langue supplémentaire. Étant donné que l’exécution de ces différentes tâches, qui lui étaient désormais retirées, lui avait non seulement procuré beaucoup de satisfaction professionnelle, mais avait également contribué à son épanouissement professionnel au sein de l’unité, elle se serait sentie démoralisée et malheureuse à compter de la réception de cette note du directeur.

59      C’est notamment au regard de ces éléments que la requérante soutient que le Parlement, en retenant à son égard une violation de l’article 60, second alinéa, du statut et du guide des congés, a commis une erreur manifeste d’appréciation.

60      Le Parlement conclut au rejet du grief.

–       Appréciation du Tribunal

61      Aux termes du guide des congés, « [s]auf urgence, les demandes de congé doivent être introduites, par le biais de [l’application] ‘Streamline’, au moins cinq jours ouvrables avant le début de l’absence ».

62      Ayant été invitée le 9 juillet 2012 par un autre service du Parlement à un entretien d’embauche qui devait se dérouler à Luxembourg le lendemain, la requérante se trouvait effectivement dans un cas d’urgence au sens des dispositions susmentionnées du guide des congés. Dans ces circonstances, au lieu de décider de « prendre un jour de congé de maladie sans certificat [médical] » dans des conditions irrégulières, la requérante aurait dû, compte tenu de l’urgence dont elle se prévaut désormais, prendre contact avec un supérieur hiérarchique afin d’obtenir une autorisation préalable de congé spécial ou annuel, même oralement, et ce indépendamment du temps nécessaire au traitement de la demande via l’application « Streamline ». Il n’a pas été contesté par le Parlement que, dans une situation d’urgence, les supérieurs hiérarchiques ont la compétence pour autoriser une absence, même oralement, cette absence pouvant être régularisée par la suite dans l’application informatique susmentionnée.

63      De plus, il ressort de la réponse du Parlement aux mesures d’organisation de la procédure que non seulement la requérante aurait pu prendre un jour de congé annuel, même en ayant prévenu très peu de temps à l’avance, mais qu’elle aurait également pu demander un ordre de mission auprès du service qui l’avait invitée à passer l’entretien ou même auprès de son propre service.

64      La requérante aurait ainsi pu, facilement, se présenter à son entretien le 10 juillet 2012 tout en étant en conformité avec le guide des congés et les pratiques internes au Parlement. À cet égard, le Tribunal considère que, indépendamment des raisons subjectives invoquées par la requérante pour légitimer son comportement, il ne saurait être accepté d’un fonctionnaire ou agent qu’il feigne d’être malade et s’arroge de la sorte un jour de congé annuel supplémentaire. En outre, il est parfaitement légitime pour l’administration de veiller, y compris par un commentaire dans un rapport de notation en lien avec une irrégularité de ce type, à ce que les fonctionnaires et agents utilisent leurs congés annuels dans des conditions régulières (voir, en ce sens, arrêt CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214, point 118).

65      Il s’ensuit que la deuxième remarque litigieuse n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

 Sur la troisième remarque litigieuse

–       Arguments des parties

66      Selon la requérante, dans la mesure où les instructions que lui a données le directeur dans son courriel du 17 février 2012 étaient basées sur des affirmations dénuées de fondement, elle était en droit de ne pas les exécuter. À cet égard, elle fait valoir que, à aucun moment, elle n’a accusé son chef d’unité de ne pas avoir appliqué correctement les critères établis pour la sélection des candidats pour le cours d’été en Irlande. Selon elle, le problème aurait pu être réglé immédiatement si le chef d’unité avait donné une réponse directe à la question précise qu’elle lui avait posée le 14 décembre 2011.

67      En outre, à l’instar de ce que le comité des rapports a relevé au point 15 de son avis, les remarques à inscrire sous le critère « Respect des instructions reçues » de la rubrique « Conduite » du rapport de notation 2012 ne pourraient viser que l’exécution de tâches professionnelles, de sorte que la troisième remarque litigieuse, qui ne concerne pas l’exécution de telles tâches, mais seulement un conflit interpersonnel, n’en relèverait pas et n’aurait pas dû y figurer.

68      Les instructions du directeur du 17 février 2012 révéleraient ainsi une erreur manifeste d’appréciation, laquelle entacherait, par voie de conséquence, la troisième remarque litigieuse, en ce qu’elle ferait reproche à la requérante de ne pas avoir exécuté ces instructions.

69      Le Parlement conclut au rejet du présent grief.

–       Appréciation du Tribunal

70      Il ressort de l’économie de l’article 21 bis du statut que, lorsqu’un ordre reçu lui paraît entaché d’irrégularité, ou s’il estime que son exécution peut entraîner de graves inconvénients, le fonctionnaire, dans un premier temps, doit aviser son supérieur hiérarchique direct, puis, le cas échéant, si ce dernier confirme l’ordre, l’autorité hiérarchique supérieure. Le fonctionnaire est ainsi tenu, selon cette disposition, d’exécuter l’ordre, selon les cas réitéré ou confirmé par sa hiérarchie, « à moins qu’il ne soit manifestement illégal ou contraire aux normes de sécurité applicables ».

71      À cet égard, la requérante fait valoir qu’elle avait pu légitimement refuser d’exécuter les instructions reçues de son directeur le 17 février 2012 au motif essentiel qu’elles constituaient un abus d’autorité et un détournement de pouvoir. Le Tribunal estime toutefois que, dans les circonstances de l’espèce et même en faisant abstraction de l’obligation d’aviser son supérieur hiérarchique visée à l’article 21 bis du statut, les instructions données par le directeur n’étaient pas entachées d’irrégularité, que leur exécution n’entraînait pas de graves inconvénients et que, en tout état de cause, ainsi que l’a souligné le Parlement, elles n’étaient pas « manifestement illégal[es] ou contraire[s] aux normes de sécurité applicables » au sens de cette disposition.

72      En effet, si, certes, lu isolément, l’instruction de présenter des excuses pouvait donner l’impression d’une tentative maladroite visant à régler un conflit purement personnel entre la requérante et son chef d’unité, le Tribunal considère toutefois que, lue dans son contexte, à savoir des manifestations d’insubordination réitérées de la part de la requérante, une telle instruction, même si cette façon de faire ne correspond pas nécessairement à une vision conforme aux bonnes pratiques de la gestion des rapports humains dans la sphère professionnelle, s’inscrit dans une démarche légitime de l’administration visant à assurer de la part de tout fonctionnaire ou agent le respect des règles statutaires, notamment de celles, comme l’article 21 bis du statut, destinées à permettre le déroulement correct de l’action administrative de chaque service, dans un climat de confiance mutuelle, et, partant, reste dans les limites de la marge d’appréciation de l’administration dans le cadre de cette démarche.

73      En effet, sans prétendre remplir l’un des critères de sélection pour la participation au cours d’été organisé en 2012, la requérante a insisté auprès du chef d’unité afin de vérifier si Mmes J. et K. pouvaient satisfaire auxdits critères et finalement mettre en doute ce fait au motif que, selon une perception erronée de la requérante, elles se trouvaient « dans une situation identique à la [sienne] ». Or, ayant été engagée par le Parlement en 2003 et possédant un niveau d’anglais élevé, la requérante ne pouvait pas raisonnablement prétendre qu’elle se trouvait dans la même situation que Mmes J. et K., qui, d’une part, avaient été recrutées en 2009 et, d’autre part, avaient toutes deux ajouté seulement récemment l’anglais comme langue active à leur combinaison linguistique.

74      Ayant été informée des critères de sélection en septembre 2011, la requérante aurait dû comprendre, déjà à ce stade, que, Mmes J. et K. étaient de « nouve[lles] collègues » au sens du premier des deux critères alternatifs de sélection aux cours d’été et que, partant, le chef d’unité était en droit de les inscrire sur la liste des candidats de l’unité pour le cours d’été en cause. En effet, les deux critères étant alternatifs, le fait que ces « nouveaux collègues » ne remplissaient pas le second – avoir l’anglais comme langue passive – ne justifiait en rien que cette question soit évoquée à de multiples reprises par la requérante et fasse même l’objet de débats pendant et après la réunion de l’unité du 13 janvier 2012. De même, rien dans les explications qu’a fournies, à plusieurs reprises, le chef d’unité à la requérante en relation avec le cours d’été en Irlande ne peut justifier l’envoi du courriel du 18 janvier 2012, dans lequel la requérante, en renvoyant à des questions restées selon elle sans réponse, a insinué que le chef d’unité ne savait pas comment appliquer les critères correctement.

75      Dans ces conditions, même si un autre mode opératoire aurait pu être suivi en vue de restaurer un bon climat de travail au sein de l’unité, le Tribunal considère que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le directeur a décidé, dans son courriel du 17 février 2012, que la requérante devait reconnaître publiquement, à savoir devant les autres interprètes de l’unité, que le chef d’unité avait agi correctement.

 Sur la quatrième remarque litigieuse

–       Arguments des parties

76      En soulignant que la quatrième remarque litigieuse, selon laquelle elle devait « [a]méliorer [s]a réceptivité aux instructions et respecter davantage les règles », figure en tant que telle sous trois rubriques de la partie « Appréciation générale » du rapport de notation 2012, la requérante fait valoir qu’il s’agit d’une répétition des première, deuxième et troisième remarques litigieuses. Sur cette base, elle soutient, pour des raisons déjà avancées en relation avec ces trois premières remarques litigieuses, que la quatrième remarque est également entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

77      Le Parlement relève d’abord que, dans sa réclamation, la requérante s’était bornée à contester la deuxième observation. Selon le Parlement, il ne s’agit pas d’une remarque négative, mais d’un objectif à atteindre qui est parfaitement justifié.

78      En ce qui concerne les première et troisième observations, le Parlement estime, à titre principal, que les arguments avancés en relation avec ces observations sont irrecevables, à défaut, s’agissant desdites observations, d’avoir été contestées dans la réclamation. À titre subsidiaire, il considère que ces deux observations sont justifiées.

–       Appréciation du Tribunal

79      Sans qu’il soit nécessaire de déterminer si les arguments avancés par la requérante en relation avec les première et troisième observations, qui, effectivement, n’ont pas été abordés par la requérante dans sa réclamation, sont recevables, il suffit de constater qu’aucune des trois observations contestées ne se borne à répéter l’une ou l’autre des trois premières remarques litigieuses.

80      En effet, en premier lieu, compte tenu de ce qui a été constaté dans le cadre de l’examen des première, deuxième et troisième remarques litigieuses, il n’y a aucunement lieu de considérer que la deuxième observation, qui concerne les objectifs à atteindre par la requérante dans le domaine du respect des règles, est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. En réalité, l’amélioration de la conduite du fonctionnaire évalué dans le service constitue précisément un objectif que le rapport de notation vise à réaliser (voir arrêt Morgan/OHMI, F‑26/13, EU:F:2014:180, point 57, et la jurisprudence citée, faisant l’objet d’un pourvoi devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑683/14 P).

81      En deuxième lieu, il convient de lire la première observation, selon laquelle la « réceptivité aux instructions doit [encore] être améliorée », conjointement avec la phrase précédente qui mentionne que la contribution de la requérante à l’atmosphère de travail a été plus positive en 2012 qu’en 2011. Ainsi, lue ensemble avec la phrase qui la précède, la première observation a un caractère plutôt positif et n’est, en tout état de cause, aucunement entachée d’une erreur manifeste d’appréciation (voir, s’agissant d’une remarque similaire figurant dans le rapport de notation portant sur l’année 2011, arrêt CW/Parlement, EU:F:2014:186, points 121 à 125).

82      En troisième lieu, rien dans le dossier ne permet de constater que la troisième observation, selon laquelle « [i]l est attendu de [la requérante] qu’elle respecte davantage les règles et instructions », soit entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

83      Partant, eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter le premier moyen dans son entièreté.

 Sur le second moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

 Arguments des parties

84      La requérante soutient, en premier lieu, dans le cadre des arguments avancés au soutien de l’erreur manifeste d’appréciation entachant les première et deuxième remarques litigieuses, que l’AIPN aurait fait ces commentaires, relatifs respectivement à une violation de l’article 60, second alinéa, du statut et du guide des congés, avec l’objectif, non avoué, de la harceler, ce qui relèverait de la notion de détournement de pouvoir. En deuxième lieu, dans le cadre des arguments avancés au soutien de l’erreur manifeste d’appréciation entachant la troisième remarque litigieuse, relative à une instruction qu’elle a refusé de suivre, la requérante considère que, en l’espèce, exiger le respect des instructions du directeur du 17 février 2012, alors que celles-ci étaient fondées sur des faits imaginaires ou supposés, constitue un détournement de pouvoir. En troisième lieu, la requérante considère que la quatrième remarque litigieuse étant la répétition des première, deuxième et troisième remarques litigieuses, elle dénote également un détournement de pouvoir.

85      Le Parlement conclut au rejet du second moyen.

 Appréciation du Tribunal

86      Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt CT/EACEA, F‑36/13, EU:F:2013:190, point 72).

87      En l’espèce, s’agissant des quatre remarques litigieuses, les éléments fournis par la requérante ne permettent pas, à eux seuls, de conclure à l’existence d’un détournement de pouvoir dans la décision de l’AIPN de faire figurer ces quatre remarques dans le rapport de notation 2012 et de les y avoir maintenues.

88      En effet, pour autant que la requérante se fonde sur un prétendu harcèlement dont elle aurait été victime durant l’année 2012 afin de prouver un détournement de pouvoir, il convient d’observer, d’une part, que, ainsi qu’il a été exposé au point 15 du présent arrêt, la question de ce prétendu harcèlement ne fait pas l’objet principal du présent recours, mais de l’affaire F‑124/13.

89      D’autre part, il importe de rappeler que ce n’est pas parce que l’existence d’un harcèlement moral subi par un fonctionnaire ou agent serait démontrée que toute décision faisant grief à cet agent et intervenant dans ce contexte de harcèlement serait pour autant illégale. En effet, en raison de sa nature, l’existence d’un harcèlement moral ne peut, par principe, être invoquée qu’au soutien de conclusions aux fins d’annulation dirigées contre le rejet par l’AIPN d’une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut, telles que celles faisant l’objet de l’affaire F‑124/13. Ainsi, ce n’est que par exception qu’un moyen tiré d’un prétendu harcèlement peut être invoqué dans le cadre du contrôle de la légalité d’un acte faisant grief, tel que, comme en l’espèce, un rapport de notation, s’il apparaît, ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire, qu’un lien existe entre le harcèlement allégué et les appréciations négatives contenues dans un tel rapport (voir, s’agissant d’un harcèlement moral invoqué à l’encontre d’une décision de licenciement, arrêts Menghi/ENISA, F‑2/09, EU:F:2010:12, point 69, et CF/AESA, F‑40/12, EU:F:2013:85, point 79).

90      À titre surabondant, le Tribunal constate que, en tout état de cause, aussi bien prises isolément que dans leur ensemble, les remarques litigieuses ne franchissent pas, par leur contenu et au vu de ce qui a été constaté dans le cadre de l’examen du premier moyen, la frontière de la critique désobligeante ou blessante envers la personne même de la requérante (voir, en ce sens, arrêts N/Parlement, F‑26/09, EU:F:2010:17, point 86, et CW/Parlement, EU:F:2014:186, point 129). Ainsi, les remarques litigieuses ne sauraient, en tant que telles, être considérées comme des indices de ce que le rapport de notation 2012 aurait été établi dans un but de harcèlement moral (voir, en ce sens, arrêt Magone/Commission, T‑73/05, EU:T:2006:127, point 80).

91      Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter le second moyen, tiré d’un détournement de pouvoir, et, par voie de conséquence, de rejeter comme non fondées les conclusions en annulation du rapport de notation 2012.

3.     Sur les conclusions en annulation de la décision portant attribution d’un point de mérite

92      S’agissant des conclusions en annulation de la décision portant attribution d’un point de mérite, il importe de noter que l’article 15, paragraphe 2, des dispositions générales d’exécution relatives à la notation du personnel adoptées par le Parlement prévoit que l’attribution des points de mérite doit refléter le contenu du rapport de notation.

93      En l’espèce, il y a lieu de considérer que, compte tenu des commentaires négatifs que comportait le rapport de notation 2012, l’AIPN n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en n’attribuant qu’un seul point de mérite à la requérante (voir, en ce sens, arrêt Barbin/Parlement, F‑44/07, EU:F:2008:124, point 53).

94      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son entièreté.

 Sur les dépens

95      Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

96      Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que la requérante a succombé en son recours. En outre, le Parlement a, dans ses conclusions, expressément demandé qu’elle soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, la requérante doit supporter ses propres dépens et être condamnée à supporter les dépens exposés par le Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      CW supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par le Parlement européen.

Barents

Perillo

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 mars 2015.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

      R. Barents


* Langue de procédure : l’anglais.