Le secret de l'usinage écologique des cockpits
Un millimètre seulement. C'est l'épaisseur à laquelle est réduite la tôle d'aluminium dans certaines zones de la pointe avant des Airbus A 320. En effet, pour gagner du poids, les panneaux sont creusés là où les charges à supporter le permettent. Or, dans l'aéronautique, cette opération est traditionnellement effectuée par usinage chimique, un procédé qui a le défaut d'être polluant. Pour s'en affranchir, Aerolia, la filiale d'EADS créée en janvier 2009, a réussi à mettre au point et à breveter un process entièrement nouveau d'usinage mécanique sur son site de Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique. Ce spécialiste des aérostructures a travaillé avec le fabricant de machines grenoblois Dufieux Industrie.
Plus écologique, le procédé offre aussi l'avantage d'être moins contraignant et de fluidifier la production. « Le risque Seveso du procédé chimique est supprimé, les consommations d'énergie et d'eau sont limitées et, de plus, les copeaux peuvent se recycler », explique Arnaud Meyer, le directeur du site.
CHAQUE PIÈCE EST SCANNÉE ET MODÉLISÉE EN 3 D
Avant d'être usinés, les panneaux en aluminium sont chauffés dans un four à 475 °C, et refroidis dans l'eau. Après cette trempe, ils sont envoyés vers une presse de huit cents tonnes pour subir une opération d'étirage. Cette étape, qui met en forme le panneau, doit être effectuée dans les deux heures suivant la trempe. Mais le comportement de ces panneaux et le résultat de l'étirage sont très aléatoires : impossible de prévoir précisément leur déformation ! Du coup, l'usinage mécanique traditionnel n'est pas adapté, car la programmation d'une machine exigerait que toutes les pièces soient semblables. Les ingénieurs ont trouvé le moyen de contourner cette difficulté : chaque panneau étiré est scanné individuellement. La modélisation 3 D du panneau est transmise à un ordinateur qui transmet les coordonnées point par point au bras d'usinage.
SUSPENDU ENTRE DEUX BRAS
Le panneau est alors placé verticalement dans une grande cabine, coincé entre deux bras mobiles guidés par l'ordinateur de pilotage. L'un des bras est muni de la fraise, l'autre d'un système d'appui : le panneau est comme une feuille de papier tenue entre deux pointes de stylo. Cette innovation nommée « Milling Miror System » a permis d'adapter l'usinage mécanique aux panneaux de forme aléatoire, mais aussi de gagner en précision : les tolérances ont pu être réduites de 10 %.
La ligne usine de très grandes pièces, jusqu'à 10,50 mètres de haut pour 3,30 mètres de large, ce qui était impossible dans un bain d'usinage chimique. De plus, avec cette installation, Aerolia a considérablement réduit le temps de cycle. Comme toutes les opérations sont dorénavant réalisées au même endroit (un aller-retour avec un autre site était jusqu'ici nécessaire), l'entreprise est capable de livrer en cinq jours, au lieu de vingt-et-un avec l'usinage chimique.
A ce jour, Aerolia a produit environ 1 600 panneaux pour Airbus avec ce procédé. L'entreprise cherche aujourd'hui à séduire d'autres avion-neurs. En cette période de baisse des cadences, c'est sans doute indispensable pour rentabiliser les 40 millions d'euros d'investissement.