Language of document : ECLI:EU:T:2015:194

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

26 mars 2015 (*)

« Marque communautaire – Enregistrement international désignant la Communauté européenne – Marque verbale BATEAUX MOUCHES – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Absence de caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑72/14,

Compagnie des bateaux mouches SA, établie à Paris (France), représentée par Me G. Barbaut, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme V. Melgar, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 15 novembre 2013 (affaire R 284/2013-2), concernant l’enregistrement international désignant la Communauté européenne de la marque verbale BATEAUX MOUCHES,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. C. Wetter, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 janvier 2014,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 11 avril 2014,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 30 juin 2014,

à la suite de l’audience du 22 janvier 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er septembre 2011, la requérante, la Compagnie des bateaux mouches SA, a obtenu, auprès du bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), l’enregistrement international désignant la Communauté européenne de la marque verbale BATEAUX MOUCHES.

2        L’enregistrement international reposait sur l’enregistrement de base français nº 113813701.

3        Le 2 octobre 2011, l’enregistrement international a été notifié à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), conformément au règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

4        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 37 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Services de construction navale et plus particulièrement de bateaux touristiques et parties constitutives de ces bateaux ».

5        Le 9 novembre 2011, l’examinateur a notifié à la requérante un refus provisoire ex officio de protection de la marque en cause dans l’Union européenne, conformément à l’article 5 du protocole relatif à l’arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques adopté à Madrid le 27 juin 1989 (JO 2003, L 296, p. 22), et à la règle 11 du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1), tel que modifié, pour tous les services couverts par l’enregistrement international désignant la Communauté européenne.

6        Les motifs invoqués au soutien de ce refus étaient l’absence de caractère distinctif et le caractère descriptif, pour les services concernés de la marque en cause, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et sous c), du règlement n° 207/2009, et de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement.

7        Le 6 janvier 2012, la requérante a présenté ses observations en réponse à l’OHMI.

8        Par décision du 11 décembre 2012, l’examinateur a confirmé, pour les services concernés et pour les mêmes motifs que ceux précédemment avancés, le refus de la demande de protection de la marque en cause dans l’Union.

9        Le 8 février 2013, la requérante a formé un recours, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de l’examinateur.

10      Par décision du 15 novembre 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a considéré, en substance, que la marque demandée était, pour tous les services visés au point 4 ci-dessus, dépourvue de caractère distinctif et descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009 et qu’elle n’avait pas acquis de caractère distinctif par l’usage qui en avait été fait au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        réformer la décision attaquée ;

–        condamner « le Tribunal de l’Union européenne aux dépens ».

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur les deuxième et troisième chefs de conclusions de la requérante

13      Le deuxième chef de conclusions figurant dans la requête invitait le Tribunal à « réformer la décision attaquée ». Toutefois, à l’audience, en réponse à une question du Tribunal quant à la portée exacte de ce chef de conclusions, la requérante a indiqué qu’elle demandait uniquement l’annulation de la décision attaquée et qu’elle se désistait, par conséquent, de son deuxième chef de conclusions.

14      Par ailleurs, la requérante a également indiqué à l’audience, en réponse à une question du Tribunal, que son troisième chef de conclusions, tel que figurant dans la requête, contenait une erreur de plume et qu’il devait être compris comme visant, en réalité, à obtenir du Tribunal qu’il condamne l’OHMI aux dépens.

 Sur le fond

15      À l’appui de son recours la requérante invoque, en substance, trois moyens, le premier, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, le deuxième, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement et, le troisième, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, de ce même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

16      Par son premier moyen, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir considéré que le signe demandé était dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Elle fait valoir à cet égard trois griefs, relatifs, premièrement, à la définition du public pertinent, deuxièmement, au caractère distinctif et non générique du terme « bateaux-mouches » et, troisièmement, à l’absence d’examen spécifique de la distinctivité de la marque demandée.

17      L’OHMI réfute les allégations de la requérante.

18      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ». En outre, selon l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement, le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

19      À cet égard, il convient de rappeler que chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 est indépendant des autres et exige un examen séparé. Lesdits motifs de refus doivent être interprétés à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend chacun d’entre eux. La notion d’intérêt général, sous-jacente à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir arrêt du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, Rec, EU:C:2008:261, points 54 à 56 et jurisprudence citée).

20      Il s’ensuit que le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec, EU:C:2004:258, point 34 et jurisprudence citée).

21      À cet effet, il n’est pas nécessaire que la marque transmette une information précise quant à l’identité du fabricant du produit ou du prestataire de services. Il suffit que la marque permette au public concerné de distinguer le produit ou le service qu’elle désigne de ceux qui ont une autre origine commerciale et de conclure que tous les produits ou les services qu’elle désigne ont été fabriqués, commercialisés ou fournis sous le contrôle du titulaire de cette marque, auquel peut être attribuée la responsabilité de leur qualité [voir arrêt du 8 février 2011, Paroc/OHMI (INSULATE FOR LIFE), T‑157/08, Rec, EU:T:2011:33, point 44 et jurisprudence citée].

22      En revanche, sont dépourvus de caractère distinctif, au sens de cette disposition, les signes qui ne permettent pas au public concerné de répéter une expérience d’achat, si elle s’avère positive, ou de l’éviter, si elle s’avère négative, lors de l’acquisition ultérieure des produits ou des services en question. Tel est le cas, notamment, des signes qui sont communément utilisés pour la commercialisation des produits ou des services concernés. En effet, ces signes sont réputés inaptes à exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine du produit ou du service en cause (arrêt INSULATE FOR LIFE, point 21 supra, EU:T:2011:33, point 45).

23      Il résulte, par ailleurs, d’une jurisprudence constante que ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services (arrêts du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec, EU:C:2004:260, point 33, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec, EU:C:2006:422, point 25). Le niveau d’attention du consommateur moyen, censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêts du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec, EU:C:1999:323, point 26, et du 10 octobre 2007, Bang & Olufsen/OHMI (Forme d'un haut-parleur), T‑460/05, Rec, EU:T:2007:304, point 32].

24      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si c’est à juste titre que la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir considéré que le signe verbal BATEAUX MOUCHES était dépourvu de caractère distinctif pour les services visés au point 4 ci-dessus.

–       Sur la définition du public pertinent

25      Aux points 10 et 11 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que les services concernés s’adressaient aux professionnels du secteur de la construction navale. Dans la mesure où les motifs absolus de refus n’avaient été soulevés qu’en ce qui concerne la langue française, la chambre de recours a considéré que le public pertinent pour apprécier le caractère distinctif de la marque était, conformément à la jurisprudence, le consommateur francophone des services en cause dans l’Union, c’est-à-dire le professionnel bien informé, attentif et avisé du secteur de la construction navale, français, belge ou luxembourgeois et qu’il convenait, par conséquent, d’écarter d’emblée comme dénués de pertinence les arguments de la requérante concernant la perception de la marque demandée par un public non francophone.

26      La requérante fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a défini le public pertinent comme étant constitué des professionnels francophones du secteur de la construction navale. Le public pertinent serait, au contraire, composé de l’ensemble des professionnels dont les activités sont en lien avec la construction navale sur le territoire de l’Union qu’ils soient francophones ou non. Elle soutient, par ailleurs, que la très grande majorité de ses clients sont des touristes étrangers, que son site Internet est disponible en 10 langues, que ses documents promotionnels sont traduits dans 25 langues, que ses services sont proposés par des tour-opérateurs du monde entier et qu’elle a fait l’objet d’articles de presse à travers le monde. La requérante ajoute que, en tout état de cause, conformément à la jurisprudence, il n’est pas nécessaire que la marque demandée soit perçue comme étant distinctive par les consommateurs belges et luxembourgeois, dès lors que la preuve de sa renommée est rapportée pour le consommateur français.

27      À cet égard, il y a lieu de constater que les services relevant de la classe 37 au sens de l’arrangement de Nice, pour lesquels l’enregistrement de la marque en cause a été demandé, s’adressent à des professionnels de la construction navale, ce que la requérante ne conteste pas.

28      Ce constat permet, à lui seul, d’écarter comme étant dépourvus de toute pertinence, les arguments de la requérante relatifs à la perception du signe demandé par les touristes étrangers, auxquels seraient destinés les services de tourisme fluvial.

29      En outre, le signe verbal BATEAUX MOUCHES est composé de deux termes issus de la langue française. Dès lors, c’est à bon droit que la chambre de recours en a déduit que le public pertinent est celui maîtrisant le français sur le territoire de l’Union (voir, s’agissant du signe figuratif BATEAUX-MOUCHES, ordonnance du 11 décembre 2014, Compagnie des bateaux mouches/OHMI, C‑368/14 P, EU:C:2014:2480, point 21, et arrêt du 21 mai 2014, Bateaux mouches/OHMI (BATEAUX-MOUCHES), T‑553/12, EU:T:2014:264, point 38].

30      Par ailleurs, il convient d’écarter, en tout état de cause, comme étant dépourvu de tout fondement, l’argument de la requérante selon lequel le fait que soit apportée la preuve de la renommée de la marque demandée à l’égard des consommateurs français suffirait pour établir le caractère distinctif de cette marque dans l’Union, sans qu’il soit besoin d’établir une telle preuve à l’égard des consommateurs belges et luxembourgeois.

31      D’une part, comme la chambre de recours l’a retenu à bon droit, l’arrêt du 6 octobre 2009, PAGO International (C‑301/07, Rec, EU:C:2009:611), invoqué par la requérante à l’appui de cet argument n’est pas pertinent en l’espèce. En effet, l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt n’était pas relative aux critères d’application du motif absolu de refus d’enregistrement visé par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Elle concernait, en revanche, l’une des deux conditions qu’une marque communautaire doit remplir pour bénéficier de la protection prévue par l’article 9, paragraphe 1, sous c), du même règlement, à savoir la renommée dont elle doit jouir dans l’Union, et, notamment, la question de savoir si cette condition, dans sa dimension géographique, est remplie lorsque la marque communautaire ne jouit d’une renommée que dans un État membre (arrêt PAGO International, précité, EU:C:2009:611, point 20).

32      D’autre part, ainsi qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, le motif de refus d’enregistrement visé par l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement, tiré de l’absence de caractère distinctif de la marque, trouve à s’appliquer même s’il n’existe que dans une partie de l’Union.

33      Par conséquent, la renommée de la marque demandée auprès des consommateurs français, à la supposer établie, ne saurait, en tout état de cause, suffire à écarter ce motif de refus d’enregistrement à l’égard du public pertinent, qui comprend également les consommateurs belges et luxembourgeois.

34      C’est donc sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que le public pertinent par rapport auquel il faut apprécier le caractère distinctif de la marque était le professionnel francophone du secteur de la construction navale, bien informé, attentif et avisé, sur le territoire de l’Union.

–       Sur le caractère générique et non distinctif du terme « bateaux-mouches »

35      Aux points 12 et 13 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que, actuellement, le terme « bateau-mouche » est la dénomination commune, en français, d’un type d’embarcation, à savoir un bateau destiné au transport de voyageurs par voie fluviale à des fins touristiques. La chambre de recours a également relevé que, dans le dictionnaire Le Grand Robert, dont il est fait mention dans la lettre de l’Académie française produite par la requérante devant la chambre de recours, le terme « bateaux-mouches » est défini comme signifiant « bateau à moteur en service à Paris et servant à transporter des passagers ». La chambre de recours a encore relevé que ce dictionnaire définit le terme « bateaux-mouches » comme signifiant « embarcation qui servait autrefois au transport des voyageurs sur la Seine et qui sert aujourd’hui à des promenades touristiques ». La chambre de recours a également précisé que, ainsi qu’il ressortait de la lettre de l’Académie française produite par la requérante, celle-ci n’avait pas l’intention de modifier cette définition.

36      La requérante soutient, en substance, que c’est à tort que la chambre de recours a considéré, sur la base de la définition fournie par le dictionnaire Le Grand Robert, que le terme « bateaux-mouches » avait seulement pour fonction de désigner, de façon générique, une embarcation qui servait autrefois au transport public de voyageurs sur la Seine et qui sert aujourd’hui à des promenades touristiques. Elle soutient en effet que, si cette définition générique est exacte, le terme « bateaux-mouches » a également une fonction de marque en raison de l’utilisation qu’elle en a faite, en tant que telle, dans le cadre de la fourniture de services de tourisme fluvial et d’activités associées depuis 1950.

37      À cet égard, il convient de relever qu’il ressort de la lettre du service du Dictionnaire de l’Académie française, produite par la requérante devant la chambre de recours, que celle-ci est datée du 3 décembre 2004 et accompagne une copie de l’article Bateau-mouche du Dictionnaire de l’Académie française, neuvième édition 1992. Selon la définition donnée par le Dictionnaire de l’Académie française, « bateau-mouche » est un nom masculin (pluriel « bateaux-mouches »), originaire du XIXe siècle. Il s’agit d’une « [e]mbarcation qui servait autrefois au transport des voyageurs sur la Seine et qui sert aujourd’hui à des promenades touristiques ». Il ressort également de la lettre du service du Dictionnaire de l’Académie française, qui cite plusieurs dictionnaires dont Le Grand Robert de la langue française, que le sens original du terme bateau-mouche, à savoir un petit bateau de guerre à vapeur et, par extension, un petit bateau à vapeur servant de transport en commun fluvial à Paris et à Lyon, est attesté depuis la fin du XIXe siècle et que, par conséquent, l’Académie n’avait nullement l’intention de modifier sa définition du nom composé bateau-mouche.

38      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en retenant le caractère générique du terme « bateau-mouche ».

39      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argumentation de la requérante selon laquelle le terme « bateaux-mouches » ne pourrait pas être considéré comme générique pour des raisons historiques. La requérante fait en effet valoir que le terme « bateaux-mouches » possède, outre sa signification générique originelle, une fonction de marque aux motifs que ce terme correspond depuis l’origine à sa dénomination sociale, qu’il a été déposé en tant que marque nationale en France en 1950 pour l’activité de transport fluvial de passagers à des fins touristiques créée par elle et, enfin, qu’elle utilise également ce terme en tant que marque pour désigner divers services en lien avec le tourisme fluvial, tels que la restauration, les animations et activités culturelles et la réservation d’hôtels.

40      Or, il convient de rappeler que le caractère distinctif d’une marque dont l’enregistrement est demandé doit être apprécié à la date du dépôt de la demande d’enregistrement, à savoir, en l’espèce, le 2 octobre 2011.

41      Ainsi, comme l’a déjà jugé le Tribunal dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 10 décembre 2008, Bateaux mouches/OHMI – Castanet (BATEAUX MOUCHES) (T‑365/06, EU:T:2008:559), la circonstance que la requérante ait été la première société à avoir adopté en 1950 le terme « bateaux-mouches » en tant que marque pour désigner des activités de tourisme fluvial ne permet pas d’exclure que la marque en cause soit devenue, par la suite, la dénomination commune des bateaux destinés au transport de voyageurs par voie fluviale à des fins touristiques. En effet, sans qu’il soit besoin de vérifier si ledit signe jouissait d’un caractère distinctif en 1950, il convient de rappeler qu’un signe qui était capable, à une certaine époque, de constituer une marque est susceptible, en raison de son utilisation par des tiers en tant que dénomination usuelle d’un produit ou d’un service, de perdre la capacité d’exercer les fonctions d’une marque (arrêt BATEAUX MOUCHES, précité, EU:T:2008:559, point 27).

42      Pour autant que l’argumentation de la requérante puisse être comprise en ce sens que l’utilisation qu’elle a fait au fil des années du terme « bateaux-mouches » en tant que marque pour désigner ses activités de tourisme fluvial et diverses autres activités liées a conféré à ce terme un caractère distinctif, elle ne saurait davantage prospérer.

43      À cet égard, il convient en effet de rappeler que le Tribunal a déjà eu l’occasion de constater l’absence de caractère distinctif du terme « bateaux-mouches » pour les activités de tourisme fluvial auxquelles se réfère la requérante.

44      Ainsi, dans l’arrêt BATEAUX MOUCHES, point 41 supra (EU:T:2008:559), le Tribunal a rejeté le recours de la requérante contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 7 septembre 2006 (affaire R 1172/2005-1), par laquelle celle-ci avait annulé la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES de la requérante pour les services de « [t]ransports par bateaux touristiques et de plaisance », relevant de la classe 39, les services de « [d]ivertissements », relevant de la classe 41 et les services d’« [h]ôtellerie et restauration à bord de bateaux pour la navigation touristique et de plaisance » relevant de la classe 42.

45      Il importe de relever que, dans cette affaire, la première chambre de recours avait considéré que la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, aux motifs que le terme « bateaux-mouches » est la dénomination commune, en français, d’un type d’embarcation, à savoir un bateau destiné au transport de voyageurs par voie fluviale à des fins touristiques, et que le public pertinent, composé principalement de touristes francophones, comprenait le terme « bateaux-mouches » comme renvoyant au moyen de navigation à bord duquel les touristes et plaisanciers sont transportés (services relevant de la classe 39), des services de divertissements sont offerts (services relevant de la classe 41) ou des services d’hôtellerie et de restauration sont fournis (services relevant de la classe 42). La Cour ayant rejeté le pourvoi de la requérante à l’encontre de l’arrêt du Tribunal par son ordonnance du 24 septembre 2009, Bateaux mouches/OHMI (C‑78/09 P, EU:C:2009:584), la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 7 septembre 2006 est devenue définitive.

46      De même, dans l’arrêt BATEAUX-MOUCHES, point 29 supra (EU:T:2014:264), le Tribunal a rejeté le recours de la requérante contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 9 octobre 2012 (affaire R 1709/2011‑2), refusant l’enregistrement du signe figuratif BATEAUX-MOUCHES pour des services de tourisme fluvial et des activités liées relevant des classes 39, 41 et 43. Dans cet arrêt, le Tribunal a notamment jugé que la chambre de recours n’avait pas commis d’erreur en constatant l’absence de caractère distinctif de l’élément verbal « bateaux-mouches » et, partant, de la marque demandée, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 (arrêt BATEAUX-MOUCHES, point 29 supra, EU:T:2014:264, points 18 à 51). La décision de la chambre de recours dans cette affaire est également devenue définitive à la suite du rejet du pourvoi de la requérante à l’encontre de l’arrêt BATEAUX-MOUCHES, point 29 supra (EU:T:2014:264), par l’ordonnance Compagnie des bateaux mouches/OHMI point 29 supra (EU:C:2014:2480).

47      Au demeurant, il convient également de rappeler que, pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus. Cette jurisprudence applique au cas spécifique de l’enregistrement d’une marque communautaire un principe général selon lequel il ne saurait y avoir d’égalité dans l’illégalité [voir arrêt du 30 avril 2013, Boehringer Ingelheim International/OHMI (RELY-ABLE), T‑640/11, EU:T:2013:225, point 34 et jurisprudence citée].

48      Dès lors, la requérante ne saurait, en tout état de cause, tirer du caractère prétendument distinctif du terme « bateaux-mouches » pour les services de tourisme fluvial et les activités liées, le caractère distinctif de ce même terme pour désigner les services de « construction navale et plus particulièrement de bateaux touristiques et parties constitutives de ces bateaux » relevant de la classe 37 pour lesquels l’enregistrement de la marque en cause a été demandé.

49      Par ailleurs, s’agissant de la thèse de la requérante selon laquelle la chambre de recours aurait commis une erreur en considérant que les différents documents qu’elle a produits devant elle constituaient des indications d’un défaut de caractère distinctif, voire d’une certaine « dégénérescence » du terme « bateaux-mouches », force est de constater qu’elle est formulée de façon très générale.

50      La requérante se contente en effet de faire valoir que, contrairement à ce que la chambre de recours a estimé, ces documents attestaient de la forte notoriété du signe BATEAUX MOUCHES pour désigner les services liés à son activité et que cette notoriété nécessitait l’engagement d’actions variées constantes pour éviter une dilution de sa marque et maintenir le niveau d’attractivité de celle-ci à l’égard du public pertinent.

51      Or, en l’absence d’arguments plus précis en rapport avec les documents en question, une telle considération générale n’est manifestement pas de nature à remettre en cause l’analyse de ces éléments effectuée par la chambre de recours aux points 14 et 15 de la décision attaquée à l’issue de laquelle elle a considéré que rien ne laissait penser que le terme « bateau mouche » revêtait une protection en tant que marque déposée et que tout laissait à croire qu’il s’agissait plutôt d’une expression du langage courant pour décrire un type d’embarcation destinée à transporter des touristes par voie fluviale et que cette fonction ne semblait pas être limitée à la Seine dans l’esprit du public pertinent.

–       Sur l’absence d’examen séparé du caractère distinctif de la marque demandée en ce qui concerne les services visés dans la demande d’enregistrement

52      La requérante fait grief à la chambre de recours, en substance, de ne pas avoir procédé à un examen séparé du caractère distinctif de la marque demandée en se limitant à renvoyer implicitement, à cet égard, au caractère descriptif de cette dernière. La chambre de recours aurait ainsi violé le principe selon lequel les motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 sont indépendants et doivent être examinés de façon séparée.

53      À cet égard, il convient de constater que, ainsi que la requérante l’a elle-même relevé dans la requête, la chambre de recours a, après avoir rappelé la définition générique du terme « bateaux-mouches » en langue française (décision attaquée, points 12 et 13), estimé que les documents produits par la requérante en vue de prouver le caractère distinctif de ce terme démontraient, au contraire, le caractère générique dudit terme (décision attaquée, points 14 et 15). C’est sur la base de ce constat que la chambre de recours a considéré que, étant donné que le terme « bateaux-mouches » peut être facilement compris par le public francophone pertinent comme l’indication d’un moyen de navigation à bord duquel les touristes sont transportés, il s’ensuit que ce même public pourrait croire que le signe demandé indique que les services pour lesquels son enregistrement est demandé sont destinés à la réalisation d’embarcations fluviales aptes à transporter des touristes (décision attaquée, point 16). La chambre de recours a ensuite précisé que la requérante n’avait pas rapporté la preuve que le public pertinent, à savoir les constructeurs d’embarcations fluviales en France, en Belgique ou au Luxembourg, connaissaient le terme « bateaux-mouches » en tant qu’indication commerciale de services de construction navale (décision attaquée, point 17). Elle en a conclu que le terme « bateaux-mouches » n’était pas apte à distinguer dans la perception du public pertinent, les services de la requérante de ceux ayant une autre origine commerciale.

54      Force est donc de constater que la chambre de recours a examiné de façon séparée la question de savoir si la marque demandée présentait un caractère distinctif par rapport aux services pour lesquels son enregistrement était demandé au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

55      La circonstance que la chambre de recours a indiqué, au point 19 de la décision attaquée, que, compte tenu de la perception de la marque demandée par le public pertinent, c’est à juste titre que l’OHMI avait retenu que le terme « bateaux-mouches » était descriptif concernant les services en cause n’est pas, en elle-même, de nature à remettre en cause ce constat.

56      De même, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le point 24 de la décision attaquée ne constitue pas une illustration d’un « mélange » par la chambre de recours des motifs tirés respectivement de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et de l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce même règlement, mais la réponse à un argument de la requérante par lequel celle-ci visait à démontrer que le terme « bateaux-mouches » pouvait être considéré comme distinctif, car il n’était pas descriptif des services en cause.

57      Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours a fait une application correcte de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et que le premier moyen doit, dès lors, être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009

58      Par son deuxième moyen, la requérante conteste le caractère descriptif du signe demandé.

59      Ce moyen doit être rejeté. En effet, il ressort clairement du libellé de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 qu’il suffit que l’un des motifs absolus de refus énumérés dans cette disposition s’applique pour que le signe en cause ne puisse pas être enregistré comme marque communautaire [arrêts du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, Rec, EU:C:2002:506, point 29, et du 21 novembre 2013, Heede/OHMI (Matrix-Energetics), T‑313/11, EU:T:2013:603, point 68].

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009

60      Par son troisième moyen, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir considéré qu’elle n’avait pas rapporté la preuve de l’acquisition du caractère distinctif du signe demandé par l’usage, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009.

61      Aux points 28 à 41 de la décision attaquée, la chambre de recours a examiné le point de savoir si la marque demandée avait acquis un caractère distinctif par l’usage. Elle a rappelé que, conformément à la jurisprudence, il appartenait à la requérante de démontrer que le signe BATEAUX-MOUCHES avait acquis un caractère distinctif par l’usage sur l’ensemble du territoire francophone de l’Union sur lequel elle en était dépourvue, à savoir la France, la Belgique et le Luxembourg. À cet égard, la chambre de recours a estimé que les documents produits par la requérante ne constituaient pas des preuves directes de l’acquisition du caractère distinctif par la marque demandée, laquelle dépend de la perception du signe par le public pertinent. Elle a précisé que même si ces documents établissaient que le signe dont l’enregistrement était demandé avait acquis une certaine reconnaissance publique en France, pour les services touristiques de la requérante, rien ne démontrait l’acquisition par ce signe d’un caractère distinctif pour les services de construction navale pour lesquels son enregistrement était demandé. La chambre de recours a également souligné que, au demeurant, les éléments de preuve étaient particulièrement déficients pour la Belgique et le Luxembourg. Elle en a conclu que la requérante n’avait pas démontré que la marque demandée avait acquis, pour les services en cause, un caractère distinctif par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, sur l’ensemble du territoire francophone de l’Union sur lequel elle en était dépourvue, à savoir, notamment, au moins, en Belgique et au Luxembourg.

62      La requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir considéré que les documents qu’elle avait soumis pour démontrer l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée par l’usage ne constituaient que des preuves indirectes. Elle fait également grief à la chambre de recours d’avoir considéré qu’elle n’avait pas rapporté la preuve de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage sur l’ensemble du territoire francophone de l’Union, au motif qu’elle n’avait pas rapporté cette preuve concernant la Belgique et le Luxembourg, alors que, conformément à l’arrêt PAGO International, point 31 supra (EU:C:2009:611), il aurait été suffisant de démontrer l’acquisition du caractère distinctif par l’usage de la marque demandée sur une partie significative du territoire francophone de l’Union, en l’occurrence le territoire français.

63      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

64      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, si une marque n’a pas ab initio un caractère distinctif, elle peut l’acquérir pour les produits ou les services demandés, à la suite de son usage. Un tel caractère distinctif peut être acquis, notamment, après un processus normal de familiarisation du public concerné. Il s’ensuit que, aux fins d’apprécier si une marque a acquis un caractère distinctif par l’usage, il y a lieu de tenir compte de toutes les circonstances dans lesquelles le public pertinent est mis en présence de cette marque (arrêts Storck/OHMI, point 23 supra, EU:C:2006:422, points 70 et 71, et BATEAUX-MOUCHES, point 29 supra, EU:T:2014:264, point 58).

65      L’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée [arrêts du 1er février 2013, Ferrari/OHMI (PERLE'), T‑104/11, EU:T:2013:51, point 37, et du 22 mars 2013, Bottega Veneta International/OHMI (Forme d'un sac à main), T‑409/10, EU:T:2013:148, point 75].

66      Les éléments susceptibles de démontrer que la marque est devenue apte à identifier le produit ou le service concerné comme provenant d’une entreprise déterminée doivent être appréciés globalement. Dans le cadre de cette appréciation, peuvent être pris en considération, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit ou le service comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles (arrêts du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, Rec, EU:C:1999:230, points 49 et 51, et du 7 juillet 2005, Nestlé, C‑353/03, Rec, EU:C:2005:432, point 31). Si, sur la base de tels éléments, les milieux intéressés ou, à tout le moins, une fraction significative de ceux-ci identifient grâce à la marque le produit ou le service comme provenant d’une entreprise déterminée, il doit en être conclu que la condition exigée par l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 est remplie (voir arrêt BATEAUX MOUCHES, point 41 supra, EU:T:2008:559, point 35 et jurisprudence citée).

67      Pour apprécier si les motifs de refus édictés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n° 207/2009 doivent être écartés en raison de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, seule est pertinente la situation existant dans la partie du territoire de l’Union où les motifs de refus ont été constatés (voir arrêt BATEAUX MOUCHES, point 41 supra, EU:T:2008:559, point 36 et jurisprudence citée).

68      La marque doit avoir acquis un caractère distinctif soit avant la date de dépôt de la demande de marque, soit, le cas échéant, entre la date d’enregistrement et celle de la demande de nullité [voir arrêt du 20 septembre 2007, Imagination Technologies/OHMI (PURE DIGITAL), T‑461/04, EU:T:2007:294, point 77 et jurisprudence citée].

69      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier les arguments soulevés par la requérante.

70      Tout d’abord, il convient de relever que les documents produits par la requérante devant la chambre de recours, qui sont, pour un grand nombre d’entre eux, les mêmes que ceux qu’elle avait déjà produits devant la chambre de recours dans l’affaire T-365/06, ainsi que dans l’affaire T‑553/12, sont relatifs, comme la requérante l’a elle-même reconnu à l’audience, à l’activité de tourisme fluvial et aux activités associées de cette dernière et non aux « services de construction navale et plus particulièrement de bateaux touristiques et parties constitutives de ces bateaux », pour lesquels l’enregistrement du signe verbal BATEAUX MOUCHES était demandé en l’espèce.

71      En outre, contrairement à ce que fait valoir la requérante, ni l’extrait du site Internet des chantiers de Haute Seine, ni les articles de presse consacrés au bateau « Jean Bruel » ne sont de nature à prouver que les professionnels francophones du secteur de la construction navale perçoivent le terme « bateaux-mouches » comme l’indication que la requérante fournit des services de construction navale sous cette marque. Il ressort au contraire de ces documents que ce sont les chantiers navals de Haute Seine qui ont fourni des services de construction navale à la requérante en construisant le bateau « Jean Bruel ».

72      Contrairement à ce que soutient la requérante, un tel constat n’est pas contradictoire avec l’affirmation de la chambre de recours, au point 39 de la décision attaquée, selon laquelle, « [m]ême s’il est vrai que les services touristiques de la [requérante] jouissent tout au plus d’une certaine reconnaissance publique en France, il ne s’ensuit pas que cette notoriété s’étende également à d’autres services tels que ceux pour lesquels la protection dans l’UE est demandée ».

73      En effet, la thèse de la requérante à cet égard semble reposer sur la prémisse que la chambre de recours aurait, en reconnaissant que les documents qu’elle avait soumis démontraient une certaine reconnaissance publique de la marque demandée, considéré que ces documents prouvaient l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée par l’usage pour la France des services en cause.

74      Or, premièrement, il ressort clairement du libellé même du point 39 de la décision attaquée que le constat d’une certaine reconnaissance publique en France des services de la requérante ne concernait que les services touristiques et non les services de construction navale visés par la demande d’enregistrement.

75      Deuxièmement, la prémisse sur laquelle se fonde la requérante se trouve également contredite par l’affirmation de la chambre de recours, au point 41 de la décision attaquée, selon laquelle le constat d’un défaut de démonstration par la requérante d’un caractère distinctif acquis par l’usage pour les services en cause sur l’ensemble du territoire francophone de l’Union s’appliquait « notamment » et « au moins » à la Belgique et au Luxembourg.

76      Ensuite, s’agissant du grief de la requérante pris de ce que la chambre de recours aurait, à tort, considéré qu’elle n’avait pas rapporté la preuve de l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée par l’usage sur l’ensemble du territoire francophone de l’Union, au motif qu’elle n’avait pas rapporté cette preuve concernant la Belgique et le Luxembourg, et ce alors qu’elle l’avait fait pour le territoire français, il y a lieu de constater qu’il manque en fait.

77      Il convient en effet de rappeler que, ainsi que cela a été constaté ci-dessus, d’une part, la chambre de recours n’a pas constaté que la requérante avait démontré l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée par son usage en France et, d’autre part, les éléments de preuve soumis par la requérante n’étaient pas de nature à démontrer l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée en Belgique et au Luxembourg.

78      Enfin, il convient de rappeler que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’enregistrement, le 23 avril 2012, de la marque verbale communautaire de la requérante BATEAUX MOUCHES, sous le numéro 010270321, pour des services relevant des classes 39, 41 et 43, est dépourvue de pertinence quant à la preuve de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage du signe verbal BATEAUX MOUCHES pour des services relevant, comme en l’espèce, de la classe 37.

79      En effet, d’une part, conformément à la jurisprudence rappelée au point 23 ci-dessus, le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé.

80      D’autre part, il ressort de la jurisprudence que l’OHMI est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union. Si, au regard des principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doit prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (voir arrêts du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73 à 77, et RELY-ABLE, point 47 supra, EU:T:2013:225, point 33).

81      En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 24 à 57 et 70 à 77 ci-dessus, la chambre de recours a considéré à bon droit que la marque demandée se heurtait au motif de refus tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et qu’elle ne pouvait bénéficier de la disposition prévue au paragraphe 3 de cet article 7, de sorte que la requérante ne saurait utilement invoquer, aux fins d’infirmer cette conclusion, des décisions antérieures de l’OHMI.

82      Eu égard aux considérations qui précèdent, la chambre de recours a correctement appliqué l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, et il convient, partant, de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

83      Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

84      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Compagnie des bateaux mouches SA est condamnée aux dépens.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 mars 2015.

Signatures


* Langue de procédure : le français.