Language of document : ECLI:EU:C:2015:174

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 17 mars 2015 (1)

Affaire C‑425/13

Commission européenne

contre

Conseil de l’Union européenne

«Recours en annulation – Droit institutionnel – Décision du Conseil autorisant l’ouverture des négociations pour lier le système d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre de l’Union européenne avec un système d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre en Australie – Directives de négociation – Comité spécial – Violation des articles 13, paragraphe 2, TUE, 218, paragraphes 2 à 4, TFUE et 295 TFUE – Équilibre institutionnel – Coopération loyale»





Table des matières


I –   Le cadre juridique

A –   Le traité FUE

B –   La directive 2003/87/CE

II – Les antécédents du litige

III – La procédure devant la Cour

IV – Appréciation

A –   Sur la recevabilité

B –   Sur le fond

1.     Argumentation des parties

2.     Analyse

a)     Les principes

i)     Qu’entend-on par «directives de négociation»?

ii)   Des directives de négociation telles que celles en cause peuvent-elles contenir des dispositions procédurales?

–       Introduction

–       Réponse à la question

iii) Les «directives de négociation» et la qualité de négociateur

iv)   L’article 218 TFUE à la lumière du principe de l’équilibre institutionnel

b)     Les arguments contraires du Conseil et des États membres

i)     Premier argument

ii)   Deuxième argument

iii) Troisième argument

iv)   Quatrième argument

v)     Cinquième argument

vi)   Sixième argument

vii) Septième argument

viii) Huitième argument

ix)   Neuvième argument

x)     Dixième argument

xi)   Onzième argument

C –   Portée et effets de l’annulation

V –   Conclusion

1.        Par le présent recours, la Commission européenne demande l’annulation de l’article 2, seconde phrase, et de la section A de l’addendum-de l’annexe de la décision du Conseil de l’Union européenne du 13 mai 2013 autorisant l’ouverture de négociations sur la mise en relation du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union européenne avec le système d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre mis en place en Australie (doc. 8568/13 LIMITE) (ci-après la «décision litigieuse»).

2.        La présente affaire soulève une question d’importance constitutionnelle, à savoir la répartition des pouvoirs, des responsabilités et des compétences entre la Commission et le Conseil de l’Union européenne dans le contexte des négociations d’accords internationaux auxquels l’Union est partie. Le respect scrupuleux du rôle bien déterminé que les traités leur confient ainsi qu’au Parlement européen, dans le processus qui conduit à la conclusion par l’Union d’accords internationaux, est une condition essentielle du maintien de l’équilibre institutionnel dans l’exercice des compétences internationales de l’Union (2).

3.        C’est la première fois que la Cour est appelée à se prononcer sur l’étendue du pouvoir du Conseil d’arrêter des directives de négociation notamment en y incluant des dispositions procédurales ainsi que sur le rôle du comité spécial désigné par le Conseil, conformément à l’article 218, paragraphe 4, TFUE, et ce dans le cadre d’une lutte juridique quasi incessante entre le Conseil (et les États membres) et la Commission qui, depuis le début, a accompagné l’émergence de l’Union en tant qu’acteur sur la scène internationale (3).

4.        L’importance de cette affaire dépasse d’ailleurs la négociation internationale en cause, dans la mesure où le débat qu’elle doit trancher pourrait se poser dans d’autres négociations en cours et je pense, en particulier, à la négociation entre l’Union et les États-Unis d’Amérique d’un accord commercial prévoyant la création d’une zone de libre-échange transatlantique (4) appelée «grand marché transatlantique», ou encore d’un «partenariat transatlantique de commerce et d’investissement» («TTIP» en langue anglaise, ci-après le «TTIP»), également connu sous le nom de traité de libre-échange transatlantique («TAFTA» en langue anglaise) (5), dont les pourparlers ont commencé au mois de juillet 2013.

I –    Le cadre juridique

A –    Le traité FUE

5.        La Cour doit se prononcer, en l’espèce, sur l’interprétation de l’article 218, paragraphes 2 à 4, TFUE, selon lequel:

«Le Conseil [...] arrête les directives de négociation [...].

La Commission [...] présente des recommandations au Conseil, qui adopte une décision autorisant l’ouverture des négociations et désignant [...] le négociateur ou le chef de l’équipe de négociation de l’Union.

Le Conseil peut adresser des directives au négociateur et désigner un comité spécial, les négociations devant être conduites en consultation avec ce comité.»

B –    La directive 2003/87/CE

6.        La directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (6), a été adoptée sur le fondement de l’article 175, paragraphe 1, CE. Conformément à son considérant 5, elle a pour objectif de contribuer à réaliser de manière plus efficace les engagements pris par l’Union et ses États membres dans le cadre du protocole de Kyoto afin de réduire les émissions anthropiques de gaz à effet de serre.

7.        L’article 1er de cette directive définit l’objet de celle-ci comme suit:

«La présente directive établit un système communautaire d’échange de quotas [...] dans [l’Union] [...] afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes.»

8.        L’article 25 de ladite directive, intitulé «Liens avec d’autres systèmes d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre», tel que modifié par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009 (7), se lit comme suit:

«1.      Des accords devraient être conclus avec les pays tiers visés à l’annexe B du protocole de Kyoto et ayant ratifié ce protocole, afin d’assurer la reconnaissance mutuelle des quotas entre le système communautaire et d’autres systèmes d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre, conformément aux règles énoncées à l’article 300 du traité.

1 bis.      Des accords peuvent être conclus afin d’assurer la reconnaissance des quotas entre le système communautaire et des systèmes contraignants compatibles d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre assortis de plafonds d’émission absolus établis dans tout autre pays ou dans des entités sous-fédérales ou régionales.

1 ter.      Des arrangements non contraignants peuvent être pris avec des pays tiers ou des entités sous-fédérales ou régionales afin d’assurer la coordination administrative et technique en ce qui concerne les quotas du système communautaire ou d’autres systèmes contraignants d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre assortis de plafonds d’émission absolus.

2.      Lorsqu’un accord visé au paragraphe 1 a été conclu, la Commission arrête toutes les dispositions nécessaires en ce qui concerne la reconnaissance mutuelle des quotas dans le cadre de cet accord. [...]».

II – Les antécédents du litige

9.        En 2011, le Commonwealth d’Australie a pris contact avec la Commission en vue d’entamer des négociations bilatérales sur la mise en relation du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union avec le système australien.

10.      La recommandation formelle, telle que prévue à l’article 218, paragraphe 3, TFUE, relative à l’autorisation d’ouvrir des négociations avec le Commonwealth d’Australie en vue de la mise en relation des systèmes d’échange, a été rédigée sur le modèle de la recommandation antérieure concernant la mise en relation avec le système d’échange suisse. Elle a été adoptée par la Commission le 24 janvier 2013 puis transmise au Conseil. Au cours des discussions au sein du groupe de travail «Environnement» du Conseil, les États membres ont demandé à pouvoir s’impliquer plus largement dans les négociations avec le Commonwealth d’Australie que ne le prévoyait la recommandation de la Commission. Un texte de compromis a été approuvé, avec quelques légères modifications, par le groupe de travail «Environnement» du Conseil le 22 avril 2013 et les directives de négociation par le Conseil le 24 avril 2013.

11.      Le 2 mai 2013, la Commission a transmis une déclaration à inscrire au procès-verbal, dans laquelle elle contestait certains aspects du texte approuvé. La décision proposée par le groupe de travail a été soumise au Comité des représentants permanents (Coreper) et finalement adoptée en l’état en tant que point «A» de l’ordre du jour du Conseil «Agriculture et pêche» du 13 mai 2013.

12.      L’article 1er, paragraphe 2, de la décision litigieuse prévoit que la «Commission conduit ces négociations [...] conformément aux directives de négociation énoncées à l’addendum[-à l’annexe] à cette décision».

13.      L’article 2, seconde phrase, de ladite décision prévoit que «la Commission informe le Conseil par écrit sur les résultats des négociations après chaque session de négociation et, en tout cas, au moins de façon trimestrielle».

14.      La section A de l’addendum-l’annexe, contenant les directives de négociation adressées à la Commission, est libellée comme suit:

«A.      Procédure pour les négociations

1.      La Commission mène les négociations conformément à la législation pertinente de l’Union en vigueur. S’il y a lieu, des positions de négociation détaillées de l’Union sont définies au sein du comité spécial visé à l’article 1er, paragraphe 2, ou au sein du Conseil. Le groupe de travail ‘Environnement’ est désigné en tant que comité spécial chargé d’assister la Commission dans cette tâche. Les réunions du comité spécial sont organisées et présidées par l’État membre qui exerce la présidence du Conseil.

2.      Les négociations doivent être préparées bien à l’avance. À cette fin, la Commission communique au Conseil le calendrier prévu et les thèmes de négociation et transmet les documents pertinents le plus tôt possible afin que les membres du comité spécial disposent d’un délai raisonnable pour bien se préparer aux futures négociations.

3.      Chaque session de négociation est précédée d’une réunion du comité spécial afin de déterminer les questions essentielles et de définir, selon le cas, les positions ou les orientations pour la négociation. Si nécessaire, il est possible de demander conseil au comité des changements climatiques sur des aspects techniques des négociations en vue de la mise en relation, sous réserve de l’autorisation préalable du comité spécial.

4.      La Commission fait rapport au Conseil sur l’issue des négociations après chaque session de négociation et, en tout état de cause, au moins une fois par trimestre. La Commission informe le Conseil et consulte le comité spécial sur tout problème important qui pourrait survenir au cours des négociations.»

15.      La section B de l’addendum-annexe de la décision litigieuse est intitulée «Contenu et portée des négociations». Le deuxième alinéa de la déclaration du Conseil, du 8 mai 2013, relative au projet de décision concernant l’ouverture des négociations en question se lit comme suit:

«La mise en place du comité spécial, conformément à l’article 218, paragraphe 4, TFUE, signifie que le comité [...] est investi de la tâche de suivre la conduite des négociations et de guider le négociateur en tenant compte des directives de négociation adoptées par le Conseil.»

16.      La décision litigieuse a été notifiée à la Commission le 15 mai 2013.

III – La procédure devant la Cour

17.      La Commission demande à la Cour:

–        d’annuler l’article 2, deuxième phrase, et la section A de l’addendum-l’annexe de la décision litigieuse ou, à titre subsidiaire;

–        d’annuler la décision litigieuse et de maintenir ses effets dans l’hypothèse où elle serait annulée dans son intégralité, et

–        de condamner le Conseil aux dépens.

18.      Le Parlement, partie intervenante, demande à la Cour d’accueillir le recours de la Commission.

19.      Le Conseil demande à la Cour de rejeter le recours comme étant non fondé et de condamner la Commission aux dépens. À titre subsidiaire, en cas d’annulation de la décision litigieuse, il demande à la Cour de ne pas maintenir les effets de celle-ci.

20.      La République tchèque, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République française, la République de Pologne, le Royaume de Suède ainsi que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, parties intervenantes au soutien du Conseil, demandent à la Cour de rejeter le recours comme étant non fondé.

21.      Le caractère délicat de la présente affaire a également été mis en évidence par la demande du Conseil visant au retrait de certains documents du dossier, entre autres, la décision litigieuse et les directives de négociation. Cette demande a été rejetée par l’ordonnance Commission/Conseil (C‑425/13, EU:C:2014:91).

22.      Lors de l’audience qui s’est tenue le 6 janvier 2015, toutes les parties, à l’exception du Royaume de Danemark et de la République de Pologne, ont présenté leurs observations.

IV – Appréciation

A –    Sur la recevabilité

23.      Pour la Commission, il ne fait aucun doute que le Conseil entend que la section A des directives de négociation annexées à la décision litigieuse produise des effets juridiques. Le recours serait donc recevable.

24.      Le Conseil soutient qu’il serait inapproprié de considérer les directives de négociation arrêtées en l’espèce autrement que d’autres directives de négociation mises en cause dans d’autres contentieux institutionnels, notamment l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Conseil (C‑114/12, EU:C:2014:2151). Par conséquent, si la Cour devait confirmer dans cette affaire que les directives de négociation sont par nature dépourvues d’effets juridiques, le Conseil lui demanderait de déclarer le présent recours irrecevable.

25.      Or, ainsi que la Cour l’a jugé au point 39 de cet arrêt invoqué par le Conseil, «il convient de rappeler que le recours en annulation doit être ouvert à l’égard de toutes les dispositions prises par les institutions, quelles qu’en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit (arrêts Commission/Conseil, dit ‘AETR’, 22/70, EU:C:1971:32, point 42; Parlement/Conseil et Commission, C‑181/91 et C‑248/91, EU:C:1993:271, point 13, ainsi que Commission/Conseil, C‑27/04, EU:C:2004:436, point 44)» (8) et, pour déterminer si un acte produit de tels effets, il faut s’attacher à la substance même de celui-ci ainsi qu’à l’intention de son auteur (voir arrêt Pays‑Bas/Commission, C‑147/96, EU:C:2000:335, point 27). En l’espèce, la Cour a jugé, au point 40 de l’arrêt Commission/Conseil (C‑114/12, EU:C:2014:2151), que «la décision attaquée [adoptée sur le fondement de l’article 218, paragraphes 3 et 4, TFUE] produit des effets juridiques dans les relations entre l’Union et ses États membres ainsi qu’entre les institutions de l’Union».

26.      De plus, ainsi que le relève à juste titre le commentaire Mégret (9), «[l]’autorisation du Conseil d’ouvrir les négociations est, dans la pratique, souvent assortie de directives de négociation. Cet usage s’inspire à nouveau de l’article 133 [CE] qui prévoit cette possibilité pour les négociations commerciales. Il ne s’agit pas là d’une obligation pour le Conseil et son omission ne vicierait aucunement la procédure. Ces directives de négociation sont des lignes d’orientation qui n’ont d’effets juridiques que sur le plan interinstitutionnel, et non sur le plan international» (c’est moi qui souligne).

27.      D’ailleurs, il peut être valablement soutenu que, dans la décision litigieuse, le Conseil ne se contente pas de donner des orientations à la Commission pour ses négociations avec le Commonwealth d’Australie, puisqu’il donne à ses directives un effet juridique en les accompagnant d’une procédure complète que devra suivre la Commission et en accordant au comité spécial (et au Conseil) un rôle largement plus prépondérant que celui prévu à l’article 218 TFUE.

28.      Dès lors, à mon avis, il est clair que, dans la présente affaire, comme dans l’affaire Commission/Conseil (C‑114/12, EU:C:2014:2151), la décision litigieuse produit des effets juridiques entre les institutions de l’Union (10) et peut donc être attaquée en annulation (11).

29.      Partant, le présent recours est recevable.

B –    Sur le fond

30.      La Commission avance deux moyens au soutien de son recours, invoquant chacun la violation des articles 13, paragraphe 2, TUE, 218, paragraphes 2 à 4, TFUE, du principe de l’équilibre institutionnel, le premier moyen ajoutant l’article 295 TFUE. Vu leur proximité, incitant certains États intervenants à se référer pour le second moyen à leurs arguments relatifs au premier, je les examinerai conjointement.

1.      Argumentation des parties

31.      La Commission fait valoir que la procédure détaillée prévue à la section A des directives de négociation établit des compétences en faveur du Conseil allant au-delà de ce que prévoit l’article 218, paragraphes 2 à 4, TFUE. En effet, le Conseil, en imposant unilatéralement une telle procédure, aurait cherché à établir de nouvelles compétences en sa faveur ainsi que des obligations pour la Commission qui ne reposeraient pas sur lesdites dispositions du traité FUE.

32.      La Commission explique que l’article 218, paragraphe 4, TFUE ne confère qu’un rôle consultatif au comité spécial puisqu’il prévoit que les négociations doivent être conduites en consultation avec ce dernier. Certes, le comité spécial pourrait exprimer son point de vue sur les différents aspects de la négociation. Toutefois, la décision litigieuse irait beaucoup plus loin, en prévoyant l’adoption de «positions de négociation détaillées» de l’Union, qui seraient donc censées être contraignantes.

33.      La Commission observe que le principe de l’équilibre institutionnel implique que chacune des institutions exerce ses compétences dans le respect de celles des autres.

34.      Le Parlement relève que le Conseil dispose de la possibilité d’élaborer des directives de négociation qui peuvent servir d’outil au service de la réalisation d’objectifs généraux. Dans le cadre des négociations, ces directives serviraient à guider le négociateur pour obtenir un résultat susceptible de répondre aux attentes du Conseil. De même, le droit d’approbation du Parlement aurait pour corollaire d’autoriser ce dernier à faire part au Conseil et au négociateur de ses observations quant au contenu du futur accord.

35.      Le Parlement observe que le fait que, conformément à l’article 218, paragraphe 5, TFUE, le Conseil soit seul responsable de la décision autorisant la signature de l’accord n’a pas d’impact majeur sur la question du suivi des négociations. Ni le Parlement ni le Conseil ne seraient autorisés, dans le cadre des négociations, à jouer activement un rôle de premier plan empiétant sur les prérogatives du négociateur. En particulier, le Conseil ne saurait se prévaloir, en son nom propre ou au nom du comité spécial qu’il a désigné, du rôle de décideur au cours des négociations. Le comité spécial n’exercerait qu’un rôle consultatif dans la conduite des négociations par le négociateur.

36.      Le Parlement explique que, dans le contexte de la négociation d’accords internationaux, la Commission dispose d’un rôle autonome et de premier plan jusqu’à l’étape où elle propose au Conseil la conclusion d’un accord. Le système prévu à l’article 218 TFUE serait donc cohérent puisque la Commission commence par recommander l’ouverture des négociations pour les mener ensuite. Ce ne serait qu’à l’issue de ces dernières que la Commission prend la responsabilité de proposer au Conseil la signature, puis la conclusion de l’accord.

37.      Le Conseil soutient qu’aucun élément figurant à l’article 218 TFUE ne permet d’étayer la thèse selon laquelle il ne serait pas habilité à inclure certaines modalités de procédure dans les directives de négociation lorsqu’il octroie à la Commission une autorisation de négociation. L’expression «directives de négociation» aurait une portée générale et, si ces termes ne pouvaient couvrir des instructions à caractère procédural, l’article 218, paragraphe 4, TFUE perdrait son effet utile.

38.      Le Conseil considère qu’il lui appartient d’apprécier, lorsqu’il octroie une autorisation de négociation à la Commission, s’il est nécessaire d’y inclure des directives de négociation, certaines modalités de procédure ainsi que des prescriptions spéciales pour le négociateur.

39.      Le Conseil explique que les modalités de procédure accompagnant les directives de négociation en cause portent exclusivement sur les relations entre la Commission en tant que négociateur et le comité spécial appelé à suivre les négociations. Aucune disposition du traité ne lui interdirait d’inclure de telles règles de procédure dans les directives de négociation.

40.      Selon le Conseil, les positions définies au sein du comité spécial sont censées être une expression concrète des directives de négociation et, en tant que telles, visent à aider le négociateur, ce qui n’implique aucune obligation pour la Commission de parvenir au résultat recommandé par les orientations qui y sont définies.

41.      Le Conseil fait remarquer que, les dispositions litigieuses en l’espèce constituant le fondement incontournable de la procédure à suivre, une annulation partielle de celles-ci ne saurait être envisagée. En effet, l’annulation de l’article 2, deuxième phrase et de la section A des directives de négociation modifierait fondamentalement le contenu global de l’autorisation, étant donné la structure même de la décision litigieuse et de son annexe, ces dispositions faisant partie d’un tout indivisible.

42.      La République tchèque souligne que la participation active du Conseil au cours des négociations d’un accord international ressort du libellé de l’article 218, paragraphes 2 à 4, TFUE. Le pouvoir du Conseil d’adopter des directives de négociation et de prévoir l’obligation pour la Commission de conduire les négociations en consultation avec un comité spécial impliquerait qu’il s’agit d’une coordination continue entre la Commission et le Conseil durant les négociations.

43.      En ce qui concerne le contenu et la portée des directives de négociation, la République tchèque indique que le libellé de l’article 218 TFUE ne prévoit aucune restriction particulière à l’adoption de ces directives par le Conseil ni ne s’oppose à ce que ces dernières prévoient des règles de procédure.

44.      Elle fait encore valoir que l’autorisation de définir les positions de négociation détaillées résulte de la position et du rôle du comité spécial, dont les instructions doivent servir de lignes directrices aux fins d’une négociation efficace. Il serait dans l’intérêt de la Commission, en tant que négociatrice, de tenir compte de ces instructions et de prévenir ainsi la situation dans laquelle le Conseil refuserait d’approuver le résultat des négociations, avec toutes les conséquences négatives qui en découleraient.

45.      Le Royaume de Danemark estime que, compte tenu du rôle dévolu au Conseil et de ses compétences en matière d’ouverture, d’adoption, d’autorisation et de conclusion d’accords internationaux, il doit également jouer un rôle pendant les négociations.

46.      Il est d’avis que l’article 218 TFUE suppose un dialogue permanent entre le Conseil et le négociateur, qui peut prendre la forme de directives de négociation et la désignation d’un comité spécial devant être consulté au cours des négociations. En outre, la faculté d’adresser des directives au négociateur ne serait pas limitée à une phase déterminée de la procédure de négociation.

47.      La République fédérale d’Allemagne fait valoir que la Commission n’est pas dispensée de recueillir l’autorisation du Conseil avant de s’écarter dans une mesure substantielle des «prescriptions» contenues dans les directives de négociation. Ne serait-ce que de ce seul fait, elle devrait également satisfaire aux obligations de rapport prévues par ces directives. Cela résulterait également du principe de coopération loyale, consacré à l’article 13, paragraphe 2, TUE.

48.      Elle soutient que le savoir spécialisé des États membres dans le domaine en question ne saurait être exploité dans une mesure suffisante si la Commission réussissait à imposer sa volonté d’intervenir dans des négociations de façon totalement autonome et sans tenir compte du Conseil ou des États membres.

49.      La République fédérale d’Allemagne souligne encore que l’article 218, paragraphe 4, TFUE ne contient aucun élément qui justifie la thèse selon laquelle cette disposition ne permettrait que des prescriptions relatives à la teneur des négociations, mais non à la façon de les conduire. Une telle interprétation de ladite disposition la priverait de son effet utile.

50.      La République française estime que les directives de négociation peuvent, sans méconnaître l’article 13, paragraphe 2, TUE, ni l’article 218 TFUE, ni le principe de l’équilibre institutionnel, prévoir que des positions de négociation détaillées de l’Union sont définies au sein du comité spécial ou par le Conseil.

51.      Elle considère que les directives de négociation ne se limitent pas nécessairement à la définition des choix stratégiques et des objectifs de fond à défendre pendant les négociations, mais peuvent inclure certaines exigences procédurales. En effet, l’expression «directives de négociation» aurait une portée générale et rien dans le libellé de l’article 218, paragraphe 4, TFUE ne permettrait d’en limiter la portée.

52.      La République française soutient encore que la section A des directives de négociation ne crée aucun pouvoir pour le Conseil ou pour le comité spécial ni une obligation pour la Commission qui ne découlerait pas de l’article 218, paragraphes 2 à 4, TFUE et du principe de coopération loyale. Au contraire, la section A de ces directives serait une déclinaison plus précise des pouvoirs conférés au Conseil par ces dispositions du traité FUE.

53.      En ce qui concerne les modalités de consultation du comité spécial prévues par les directives de négociation en cause, la République française relève qu’il ne revient pas à la Commission de définir ces modalités. Ainsi, dès lors que, conformément à l’article 218, paragraphe 4, TFUE, le Conseil peut décider que les négociations seront conduites en consultation avec un comité spécial, il pourrait également déterminer les modalités de consultation de ce comité. En outre, en prévoyant que le Conseil peut adopter des positions de négociation détaillées, les directives de négociation ne feraient que rappeler le droit pour le Conseil de préciser à tout moment ces directives.

54.      La République de Pologne estime que le lien entre l’octroi de l’autorisation de négocier et l’adoption de directives de négociation est particulièrement étroit, puisque seule l’obtention d’un résultat de négociation acceptable pour le Conseil peut en définitive conduire à la signature et à la conclusion de l’accord au nom de l’Union. Il serait donc indispensable que, dès le moment où les directives sont adressées au négociateur, le Conseil puisse en établir les limites et indiquer les conditions dans lesquelles les négociations seront conduites.

55.      Elle soutient que l’exercice effectif par le Conseil de sa fonction de définition des politiques, dont la politique extérieure, exige que la décision autorisant l’ouverture des négociations et les directives de négociation qui l’accompagnent puissent comporter des instructions à caractère procédural.

56.      De plus, la République de Pologne fait remarquer que le pouvoir du Conseil revêt un caractère permanent et qu’il ne se borne pas à la formulation en une seule fois de directives de négociation annexées à la décision autorisant l’ouverture des négociations.

57.      Le Royaume de Suède estime que le Conseil doit pouvoir élaborer des directives de négociation de façon plus détaillée dans un premier temps afin de donner à la Commission l’orientation qu’elle pourrait en tirer. Ainsi, le comité spécial fonctionnerait comme une extension du Conseil au cours des négociations et il constituerait une plate-forme pour la coopération entre la Commission et le Conseil.

58.      Il observe que rien dans le libellé de l’article 218 TFUE n’empêche le Conseil d’inclure des dispositions de procédure dans les directives de négociation lorsque la Commission est autorisée à ouvrir des négociations pour le compte de l’Union. Si l’intention avait été de limiter les pouvoirs du Conseil d’émettre des directives de négociation à un certain type de questions, une disposition expresse à cet effet figurerait dans le texte de cet article. Or, le caractère général de l’expression «directives de négociation» suggèrerait que la finalité de l’article 218 TFUE n’était pas de limiter le droit du Conseil d’émettre des directives de négociation à des questions de nature matérielle.

59.      Le Royaume de Suède souligne que, en l’espèce, les dispositions de procédure figurant dans les directives de négociation visent à mettre en place un échange efficace d’informations entre le Conseil et la Commission, ce qui est une condition préalable pour que le Conseil puisse exercer son pouvoir d’amender ou de compléter les directives de négociation en cours de négociation. Un tel flux d’informations serait également une condition pour que la consultation au sein du comité spécial se déroule dans de bonnes conditions et pour que l’Union puisse adapter ses positions pendant les négociations.

60.      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord fait valoir que l’article 218, paragraphe 4, TFUE permet au Conseil d’inclure des règles de procédure dans les directives de négociation. Il n’y aurait rien dans le texte de cette disposition qui interdise que ces directives incluent des règles de procédure se rapportant, par exemple, à la consultation du comité spécial. Il serait d’ailleurs contraire à l’objectif et à l’effet utile de l’article 218, paragraphe 4, TFUE que les directives de négociation ne puissent pas également porter sur des éléments de procédure.

61.      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ajoute que le Conseil peut avoir besoin d’être tenu informé des développements pour pouvoir exercer de manière appropriée et efficace les pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 218, paragraphe 4, TFUE. Cela serait tout particulièrement le cas lors de négociations pendant lesquelles il y a un risque accru de difficulté pour arriver à un accord avec l’autre partie.

62.      Il estime que le comité spécial a manifestement un rôle à jouer dans le processus de négociation. Il aurait été désigné par le Conseil à cette fin et la Commission serait tenue de le consulter. Le comité spécial devrait par conséquent avoir le droit d’exprimer ses observations quant aux positions qui doivent être adoptées au cours des négociations. En outre, le Conseil pourrait adopter des directives de négociation ou amender celles existantes à n’importe quel stade du processus en question.

63.      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord soutient que la décision litigieuse reflète correctement l’équilibre institutionnel consacré à l’article 218 TFUE, de sorte qu’il n’y aurait pas d’absence de coopération loyale au sens de l’article 13, paragraphe 2, TUE. En effet, dans le processus de négociation, le Conseil et le comité spécial qu’il désigne seraient tous deux appelés à jouer un rôle qui s’inscrit dans le traité.

64.      Pour le cas où il serait fait droit au recours, en tout ou en partie, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord se rallie aux conclusions présentées par le Conseil quant aux effets d’une annulation éventuelle. Rien ne justifierait non plus de maintenir les effets de la décision litigieuse si elle était annulée.

2.      Analyse

a)      Les principes

i)      Qu’entend-on par «directives de négociation»?

65.      Selon le traité FUE, «[l]e Conseil peut adresser des directives [(12)] au négociateur [en l’espèce, à la Commission (13)]» (c’est moi qui souligne) (14).

66.      Tout d’abord, en général (et en droit administratif), une directive est une norme par laquelle une autorité disposant d’un pouvoir d’appréciation se fixe à elle-même ou prescrit à une autre autorité une ligne de conduite dans l’exercice de ce pouvoir (15).

67.      Le terme utilisé à l’article 218, paragraphe 4, TFUE répond à cette définition qui diffère évidemment de celle donnée au même mot par l’article 288 TFUE, aux termes duquel «[l]a directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens». Dans le contexte des négociations internationales, les directives du Conseil ne doivent pas être adressées aux États membres mais à la Commission; contrairement aux directives au sens de l’article 288 TFUE, les directives de négociation ne doivent pas être publiées – à l’évidence parce que cela révélerait le jeu de l’Union à l’autre partie et pourrait nuire à la position de négociation de la Commission (16).

68.      À la limite, le seul parallèle qu’on puisse tracer entre les deux types de directives est que les directives de négociation laissent aussi à la Commission «la compétence quant à la forme et aux moyens», puisqu’elles ne peuvent que guider la Commission, en sa qualité de négociateur, dans la conduite des négociations. Il peut être soutenu que, s’il en était autrement, il ne s’agirait plus de «directives» mais d’un «diktat» (17) de négociation – qui ne reflèterait aucunement l’équilibre institutionnel voulu par les traités (18) ainsi que par la jurisprudence de la Cour, et cela dès l’année 1958 (19). En effet, «[u]ne négociation exige souplesse et adaptation et il paraît difficile de lier prématurément la marge de manœuvre de l’exécutif» (20).

69.      L’équilibre institutionnel voulu par l’article 218 TFUE pour les accords internationaux se rapproche aussi de celui voulu par le traité en matière d’adoption des règlements, des directives et des décisions en ce que, selon l’article 218, paragraphe 3, TFUE, «[l]a Commission [...] présente des recommandations au Conseil». C’est elle qui, comme ailleurs dans le traité, a le droit de déclencher l’action de l’Union. C’est elle – et non le Conseil – qui doit au préalable examiner l’opportunité pour l’Union de conclure avec un ou plusieurs États tiers un accord international dans un domaine particulier.

70.      De plus, même le projet de directives de négociation est d’habitude proposé par la Commission au Conseil et annexé à la recommandation d’ouverture de négociations (21).

71.      Dès lors, les directives de négociation sont à mon avis des lignes directrices qui servent à exposer au négociateur (ici la Commission) les objectifs généraux que celui-ci doit essayer d’atteindre dans les négociations.

72.      Par ailleurs, comme l’a déjà relevé le Tribunal à juste titre (22), «le non-respect éventuel des directives que le Conseil peut adresser à la Commission en vue des négociations qu’elle conduit dans le cadre de l’article 300, paragraphe 1, CE [dorénavant dans le cadre de l’article 218 TFUE] trouve normalement sa sanction dans la décision qui revient au Conseil de conclure ou non l’accord. De telles directives ne font donc, en principe, pas partie des normes au regard desquelles doit être appréciée la légalité des actes accomplis par la Commission dans le cadre des négociations internationales, pour autant que ces actes soient susceptibles de recours».

73.      Cela dit, comme nous le verrons plus loin, le rôle du comité spécial que le Conseil peut désigner est analogue à celui des directives de négociation: il est censé guider la Commission dans la poursuite de ses travaux, ni plus, ni moins, l’article 218, paragraphe 4, TFUE indiquant que «les négociations [devaient] être conduites en consultation avec ce comité» (c’est moi qui souligne).

ii)    Des directives de négociation telles que celles en cause peuvent-elles contenir des dispositions procédurales?

74.      La section A contient quatre points qui décrivent les modalités de définition des positions de négociation, d’information et de concertation à respecter au cours des négociations en cause. Les «acteurs» y identifiés sont la Commission, le Conseil et le comité spécial instauré pour suivre ces négociations, en l’occurrence, le «groupe de travail ‘Environnement’». Il en ressort notamment que la Commission doit tenir le Conseil informé du calendrier et des thèmes de négociation, faire rapport au Conseil des résultats des négociations après chaque session et informer le Conseil ainsi que consulter le comité spécial sur tout problème important qui pourrait survenir au cours des négociations. Il est également prévu que, s’il y a lieu, des positions de négociation détaillées sont définies au sein du comité spécial ou au sein du Conseil et que chaque session de négociation est précédée d’une réunion du comité spécial pour notamment définir les positions ou les orientations pour la négociation.

–       Introduction

75.      Je note tout d’abord que, contrairement à la présentation erronée qu’en font certains États membres, la position de la Commission n’est nullement qu’il ne faut attribuer aucun rôle au comité spécial et/ou au Conseil ou qu’elle-même n’est tenue à aucune obligation qui soit. Il est clair que la Commission n’a jamais envisagé d’agir «de manière isolée» (23).

76.      De même, plusieurs mémoires en intervention font état du caractère plutôt raisonnable de certaines des dispositions de procédure contenues dans les directives de négociation en cause, en négligeant le fait que le grief de la Commission ne porte nullement sur les règles spécifiques de la section A, mais conteste, en se basant sur l’article 218, paragraphes 2 à 4, TFUE, la compétence même du Conseil pour adopter ces règles de procédure, indépendamment de leur caractère raisonnable ou non.

77.      L’arrêt Commission/Conseil (C‑114/12, EU:C:2014:2151), dont nous avons déjà parlé dans le contexte de l’examen de la recevabilité du présent recours, ne fournit pas d’indications sur l’interprétation de l’article 218, paragraphe 4, TFUE dans la présente affaire. Cela dit, les directives de négociation adoptées par le Conseil dans le cadre de cet arrêt étaient nettement moins détaillées que celles en cause ici (voir points 32 et 33 dudit arrêt), qui le sont moins que celles des négociations sur le TTIP qui comptent 18 pages contre quatre dans la présente affaire (24).

–       Réponse à la question

78.      Je suis d’avis que, sur la base de l’article 218, paragraphes 2 à 4, TFUE, le Conseil ne peut unilatéralement imposer à la Commission une procédure détaillée dans la conduite des négociations d’un accord international (25).

79.      Il peut certes être justifié de convenir de modalités de coopération entre les institutions, notamment, dans le cadre de négociations internationales mais, dans ce cas, elles devraient être convenues par le biais d’accords interinstitutionnels (26) et non pas par une décision imposée unilatéralement par une institution à une ou à plusieurs autres. En effet, «[l]a technique des accords interinstitutionnels concrétise la complémentarité des [principes d’équilibre institutionnel et de coopération loyale (27)]. Dans les domaines de compétences partagées entre les trois institutions politiques, l’accord interinstitutionnel permet de fixer les bonnes pratiques, de prévenir les conflits et, partout, de préserver l’équilibre institutionnel» (28).

80.      Cette façon de procéder est d’ailleurs expressément prévue à l’article 295 TFUE, qui prévoit que «[l]e Parlement européen, le Conseil et la Commission procèdent à des consultations réciproques et organisent d’un commun accord les modalités de leur coopération. À cet effet, ils peuvent, dans le respect des traités, conclure des accords interinstitutionnels qui peuvent revêtir un caractère contraignant».

81.      Quand, par exemple, la Commission a souhaité clarifier l’obligation d’informer le Parlement énoncée à l’article 218, paragraphe 10, TFUE, elle a conclu avec lui un accord-cadre. Selon cet accord-cadre, conclu en 2010, «lorsque la Commission propose un projet de directives de négociation en vue de son adoption par le Conseil, elle le présente au même moment au Parlement» (29). De plus, il prévoit que la Commission «tient le Parlement régulièrement et rapidement informé du déroulement des négociations jusqu’à ce que l’accord soit paraphé et précise si et dans quelle mesure les commentaires du Parlement ont été intégrés dans les textes en négociation et, dans la négative, pourquoi» (30).

82.      Dès lors – contrairement à la façon de procéder du Conseil en l’espèce – le Parlement, en concluant cet accord interinstitutionnel, fut attentif à la nécessité absolue de respecter le rôle de négociateur de la Commission et la latitude que requiert toute négociation.

83.      Un tel accord aurait pu être conclu par la Commission et le Conseil, voire par les trois institutions (31), car l’article 295 TFUE laisse ouverte la possibilité que les trois institutions y mentionnées organisent «d’un commun accord les modalités de leur coopération». Je ne vois pas par ailleurs en quoi, comme le prétend le Conseil, l’implication des trois institutions dans pareil accord (ou a fortiori de deux d’entre elles) compromettrait l’équilibre entre les institutions établi par l’article 218 TFUE.

84.      Ainsi que l’a souligné la Cour, une disposition telle que celle prévue à l’article 218 TFUE (ou, antérieurement, à l’article 228 CEE, devenu, suite au traité d’Amsterdam, l’article 300 CE) constitue, en matière de conclusion des traités, une norme autonome et générale de portée constitutionnelle, en ce qu’elle attribue aux institutions de l’Union des compétences déterminées et vise à établir un équilibre entre ces dernières (32).

85.      La Cour ajoute que «[l]a compétence pour conclure les accords est […] attribuée au Conseil ‘sous réserve des compétences reconnues à la Commission dans ce domaine’» (33).

86.      Il est donc impératif que cet équilibre soit scrupuleusement respecté par les institutions, de façon à éviter tout empiètement d’une institution sur les compétences d’une autre.

87.      Je suis d’avis que, en établissant dans les directives de négociation une procédure qui prive la Commission de la latitude nécessaire pour négocier l’accord international en cause et en la lui imposant par une décision qui lui est adressée, le Conseil a empiété sur les pouvoirs de la Commission.

88.      Ce faisant, contrairement à la situation entre le Parlement et la Commission décrite ci-dessus, le Conseil détermine unilatéralement (34) la forme et la fréquence tant de la circulation des informations que de la communication de positions ou d’orientations à adopter au cours des négociations, au point de se transformer en véritable négociateur.

89.      Je pense, en effet, que les directives de négociation sont censées porter sur les choix stratégiques et les objectifs de fond à défendre pendant les négociations, en d’autres termes sur le contenu du texte à négocier.

90.      Par contre, elles ne peuvent imposer des procédures spécifiques au négociateur (35), en l’occurrence la Commission qui, par ailleurs, a la compétence de fixer elle-même les modalités de la consultation du comité spécial que le Conseil a désigné sur base de l’article 218, paragraphe 4, TFUE.

iii) Les «directives de négociation» et la qualité de négociateur

91.      Ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, l’article 13, paragraphe 2, TUE, tel que remanié par le traité de Lisbonne (voir point 188 des présentes conclusions) (36), codifie la jurisprudence de la Cour, qui avait déjà déclaré à propos du Conseil qu’«il résulte de la lettre et de l’économie du système instauré par le traité que le Conseil ne saurait s’affranchir des règles édictées par [le traité]» et qu’«[a]insi, il ne [pouvait] recourir à une procédure alternative, par exemple pour adopter un acte qui ne serait pas la décision même prévue à une étape déterminée ou qui serait adopté dans des conditions différentes de celles exigées par les dispositions applicables» (37).

92.      Or, la section A des directives de négociation mentionne à plusieurs reprises le Conseil en tant que véritable acteur dans les négociations (38), ce qui va à l’encontre de l’équilibre institutionnel voulu par l’article 218 TFUE. En effet, dès que le Conseil a autorisé la Commission à entamer les négociations, il ne saurait être investi d’un rôle décisionnel direct durant ces dernières. Il en est a fortiori de même du comité spécial (39) qui n’est qu’un organe consultatif.

93.      Si la consultation du comité spécial peut aider la Commission à déterminer si certaines dispositions du futur accord sont susceptibles de recueillir l’aval politique du Conseil, il appartient à la Commission de décider comment intégrer cet élément dans la négociation en cours.

94.      Il est vrai, ainsi que le note M. Eeckhout (40), que «[t]he Commission conducts the negotiations in accordance with directives [...] [t]hat does not mean that the Commission has a free hand in the negotiations. Through the ‘special committees’, consisting of national governments representatives, the Council machinery keeps a close eye on how the negotiations are evolving. The Commission is therefore often a double negotiator: both with the other party to the negotiations and with Member States’ representatives or the Council itself».

95.      Il n’en reste pas moins que, ainsi que MM. MacLeod, Hendry et Hyett (41) l’ont à juste titre relevé, les termes du traité CE «en consultation avec des comités spéciaux désignés par le Conseil pour l’assister dans [sa] tâche [de négociateur]», soulignent «the pre-eminent role of the Commission in any negotiation: the committee does not give the Commission direct instructions, and the Treaty does not imply that the committee, or its representatives, may be present during the face to face negotiations, at least when the agreement relates only to matters within the competence of the Community under the Treaty. But the Commission is under an obligation to consult the committee. It would be unlikely to ignore its views: the results of any negotiation have to be acceptable to the Council, so there would be little point in the Commission side-stepping any committee set up to assist in the negotiations» (c’est moi qui souligne).

96.      En ce qui concerne les termes «within the framework of [such directives as the Council may issue]» (42), ils ajoutent à juste titre que «[a]lthough the Commission’s negotiating discretion is limited by the directives of the Council, the Commission’s basic discretion as negotiator remains: the Council may issue ‘directives’, but it may not seek to regulate the conduct of the negotiations on a line-by-line basis» (c’est moi qui souligne) (43).

97.      Je suis également d’accord avec M. Eeckhout (44) que «[n]otwithstanding such supervision by the Council, the negotiation of international agreements does amount to a significant Commission prerogative. The Commission is generally in a position to try to find a common denominator of the, often varying, interests of the Member States. Moreover, in some cases the Commission can be quite deft in the use of its authority to negotiate. Two examples, both from the Uruguay Round negotiations leading to the establishment of the WTO, illustrate this».

98.      Si les directives de négociation ne peuvent faire du Conseil un véritable négociateur, il en est a fortiori de même pour le comité spécial prévu à l’article 218, paragraphe 4, TFUE.

99.      Comme le prescrit cet article, ce comité spécial n’a qu’un rôle consultatif, «les négociations devant être conduites en consultation avec [lui]».

100. Cela me paraît en claire contradiction avec la section A de l’addendum-de l’annexe de la décision litigieuse qui investit le comité spécial d’un pouvoir de décision dans la conduite des négociations, puisque le point 1 prévoit la possibilité pour lui de définir «des positions de négociation détaillées de l’Union» et le point 3 dispose que «chaque session de négociation est précédée d’une réunion du comité spécial afin de déterminer les questions essentielles et de définir, selon le cas, les positions ou orientations pour la négociation».

101. À l’audience, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a insisté sur le fait que le comité spécial ne devait qu’être «consulté» par la Commission et non être «obéi». Je ne comprends pas comment concilier cette position avec le pouvoir de ce comité de définir des positions de négociation détaillées. À l’audience également, le Conseil a convenu que le comité ne pouvait donner des directives de négociation (ce qui serait un pouvoir exclusif du Conseil) – et chacun était d’accord pour dire que ce comité ne votait pas et qu’il n’était d’ailleurs soumis à aucune règle de vote mais, à mon avis, ces déclarations sont en contradiction avec le texte même de la décision litigieuse selon laquelle ce comité peut définir des positions de négociation détaillées.

iv)    L’article 218 TFUE à la lumière du principe de l’équilibre institutionnel

102. Cette stricte délimitation des compétences respectives du Conseil et de la Commission, dans la mise en œuvre de l’article 218 TFUE, est parfaitement conforme à la jurisprudence de la Cour qui a souligné l’importance de l’«équilibre des pouvoirs» (45), de la «répartition des pouvoirs entre les institutions» (46), du «système de répartition des fonctions et de l’équilibre institutionnel entre les pouvoirs» (47), mais également de la «position institutionnelle» (48) ou de «l’organisation institutionnelle» (49), en soulignant que l’équilibre institutionnel était «caractéristique de la structure institutionnelle de la Communauté» (50).

103. En effet, selon la jurisprudence, le «principe de l’équilibre institutionnel [...] implique que chacune des institutions exerce ses compétences dans le respect de celles des autres» (51). L’équilibre institutionnel n’est rien d’autre que l’expression du principe classique (du respect) des compétences attribuées et le principe de coopération loyale peut être vu comme un instrument permettant d’ajuster au mieux le contrôle juridictionnel du respect de l’équilibre institutionnel (52). Ainsi que M. Jacqué (53) l’a relevé à juste titre, l’équilibre institutionnel «se rapporte [...] au fait que la structure institutionnelle communautaire est fondée sur une répartition des pouvoirs entre les différentes institutions».

104. Comme je l’ai déjà relevé (54), la Cour l’évoque d’ailleurs à propos de l’ancien article 228 CEE (devenu article 300 CE et, dorénavant, article 218 TFUE) (55) dont elle a jugé qu’il «constitue, en matière de conclusion des traités, une norme autonome et générale de portée constitutionnelle, en ce qu’elle attribue aux institutions communautaires des compétences déterminées. Visant à établir un équilibre entre ces dernières, il prévoit que les accords entre la Communauté et un ou plusieurs États sont négociés par la Commission, puis conclus par le Conseil, après consultation du Parlement européen dans les cas prévus au traité. La compétence pour conclure les accords est toutefois attribuée au Conseil ‘sous réserve des compétences reconnues à la Commission dans ce domaine’».

105. La même règle vaut (a fortiori) pour le comité spécial. Or, la possibilité qui lui est reconnue (comme au Conseil) de définir des «positions de négociation détaillées» produisant des effets obligatoires au cours des négociations modifie l’équilibre des pouvoirs entre les institutions, en faisant du Conseil ‑ ou du comité spécial ‑ l’acteur déterminant de l’Union dans le processus de négociation, la Commission n’étant plus un négociateur engageant sa responsabilité politique, pour être cantonnée dans un rôle secondaire de porte-parole ou de mandataire du Conseil ou du comité spécial. Il convient d’ailleurs de relever la différence entre des «positions de négociation détaillées» et des «directives de négociation», ces positions ne pouvant être comprises comme de simples «modifications» des directives de négociation. Il faut remarquer que, si le Conseil peut arrêter et modifier les directives de négociation, le traité ne prévoit rien de tel pour le comité spécial dont il serait d’autant plus étonnant qu’il puisse arrêter des «positions de négociation détaillées».

106. Selon l’arrêt Parlement/Conseil (56) (où étaient en cause les prérogatives du Parlement), la Cour a jugé que «ces prérogatives [étaient] l’un des éléments de l’équilibre institutionnel créé par les traités. Ceux-ci ont, en effet, mis en place un système de répartition des compétences entre les différentes institutions de la Communauté, qui attribue à chacune sa propre mission dans la structure institutionnelle de la Communauté et dans la réalisation des tâches confiées à celle-ci».

b)      Les arguments contraires du Conseil et des États membres

107. Plusieurs arguments du Conseil et des États membres méritent que je m’y attarde.

i)      Premier argument

108. Le Conseil ainsi que certains États membres (57) défendent la section A des directives de négociation en invoquant l’article 16 du TUE, qui rappelle que le Conseil exerce une fonction de «définition des politiques».

109. Cet argument ne saurait convaincre.

110. En effet, selon l’article 16, paragraphe 1, TUE, ce rôle de «définition des politiques» doit être exercé «conformément aux conditions prévues par les traités».

111. Par ailleurs, l’article 16 TUE ne peut manifestement être interprété en ce sens que seul le Conseil aurait un rôle politique dans ce contexte et que le rôle des autres institutions ne le serait pas. Il ne saurait pas non plus être utilisé par le Conseil comme un «passe-partout», ayant vocation à combler les «lacunes» que perçoit le Conseil chaque fois qu’il estime qu’une autre disposition du traité ne lui confère pas un rôle suffisamment prépondérant.

112. Le Conseil n’est autorisé à exercer son rôle politique en matière d’accords internationaux qu’aux stades et selon les modalités expressément prévus à l’article 218 TFUE, cet article étant une «norme autonome et générale» (pour reprendre les termes de la Cour). Ce rôle n’est pas mince puisqu’il s’exerce (mais ne peut s’exercer que) (58) dans la décision d’autoriser ou non l’ouverture des négociations, la possibilité d’adresser des directives au négociateur (comprises précisément comme des lignes directrices portant sur les choix stratégiques et les objectifs politiques de la négociation) et bien entendu dans le pouvoir de conclure ou non l’accord.

113. À l’audience, la République tchèque a soutenu qu’il était inacceptable que le Conseil doive refuser ce que la Commission aurait négocié, car ce serait préjudiciable à l’image internationale de l’Union. Je rappelle à ce sujet qu’il est de règle dans les accords internationaux que le texte négocié doive être soumis à la ratification d’une autorité (généralement un parlement) qui n’a nullement participé à la négociation et n’a même pas le pouvoir de donner des directives de négociation.

114. Le Conseil lui-même semble accepter le fait que son pouvoir ne s’étende pas au pouvoir d’obliger la Commission à lui faire la proposition qu’il souhaite, dans la mesure où, selon le point 25 de son mémoire en duplique, il «ne conteste pas que la Commission reste pleinement responsable des négociations dans ce cadre. En principe, toute décision prise par la Commission durant les négociations ne sera sanctionnée que par la décision prise par le Conseil d’approuver ou non le résultat des négociations, si la Commission décide, à l’issue du processus, de soumettre une proposition».

115. Dans ce contexte, MM. Cloos, Reinesch, Vignes et Weyland (59) relèvent que, dans le contexte des négociations conduisant à l’adoption du traité de Maastricht, «[u]ne suggestion plus substantielle émanant de la Commission concernait le moment de l’intervention du comité 113 [(60)]. La Commission proposait, en effet, de remplacer les termes ‘en consultation’ [(61)] par ‘après consultation’ [...]. Cette modification aurait accru la marge de manœuvre de la Commission qui aurait pu se contenter de consulter le comité 113 une seule fois au début d’une négociation. Les États membres n’ont pas voulu aller dans ce sens, estimant que le suivi régulier des négociations par le comité 113 était indispensable, si l’on voulait éviter de mauvaises surprises au moment de la conclusion des négociations [...]. Une autre modification, ou plutôt une précision, suggérée à l’article 113 par la Présidence luxembourgeoise n’a pas non plus trouvé grâce aux yeux des délégations. Elle consistait à dire explicitement que ‘dans les matières couvertes par le présent article et sans préjudice de l’article 228 [CEE], la position de la Communauté est exprimée par la Commission dans les relations avec les pays tiers, au sein des organisations internationales et dans le cadre des conférences internationales’. Cet alinéa, qui pourtant va de soi dans un domaine de pure compétence communautaire, disparut dans le dernier texte [...] soumis au Conseil européen de Maastricht. L’argument utilisé pour cette suppression était justement qu’il n’était pas nécessaire d’écrire explicitement ce qui allait de soi. La vraie raison est évidemment à chercher dans le climat de suspicion à l’égard de la Commission en matière commerciale: certains États membres craignaient, en effet, que la Commission, épaulée par la Cour de justice, ne tire profit de la moindre occasion pour faire avancer ses thèses, ambitieuses, dans ce domaine».

116. La présente affaire, en général, et les observations soumises par le Conseil ainsi que par sept États membres, en particulier, montrent que plus de vingt ans plus tard, le climat de suspicion à l’égard de la Commission persiste (62).

117. En effet, dans la présente affaire, le Conseil soutient que la raison d’être des directives de négociation (et, cela dit, d’un comité spécial) est d’éviter un fait accompli qui serait «politiquement inacceptable», dès lors que «ce résultat pourrait compromettre l’approbation même de l’accord en soi» (63).

118. C’est d’ailleurs une thématique générale de l’argumentation de la plupart des États membres ayant présenté des mémoires en intervention au soutien du Conseil (64). De même, ces États membres soulignent que la collaboration étroite exigée par lesdites directives garantirait un bon déroulement du processus de négociation, ceci eu égard à la matière qui fait l’objet de la négociation.

119. Comme l’indique le Conseil lui-même, cet argument est d’ordre politique. Même si la possibilité d’adopter des directives de négociation vise à diminuer le risque de conflit entre la Commission et le Conseil au cours du processus, il n’en reste pas moins que ce pouvoir ne peut être interprété comme annihilant la mission de la Commission de mener la négociation et son droit d’initiative lorsque celle-ci est terminée.

120. Si le Conseil décide de ne pas approuver l’accord, il exercera le pouvoir qui lui est assigné par les traités, qui n’inclut pas celui d’imposer à la Commission de faire nécessairement une proposition qui obtiendra la majorité nécessaire au Conseil.

121. Autrement dit, le pouvoir de définition des politiques ne s’étend pas non plus à la formulation de la proposition à l’issue des négociations, laquelle incombe à la Commission.

ii)    Deuxième argument

122. Dans la ligne de l’argument du Conseil ci-dessus, selon certains États membres (65), la section A et la participation du Conseil aux négociations sont nécessaires afin de garantir l’efficacité de son rôle de décideur final, au stade de la signature et de la conclusion. Cet argument est également présenté comme un gage de crédibilité de l’Union en tant que partenaire de négociation sérieux.

123. Bien que cette thèse soit défendable (et contestable) sur le plan politique, elle ignore précisément l’équilibre institutionnel voulu, notamment, par l’article 218 TFUE qui institue un processus (66) dans lequel les trois institutions, la Commission, le Conseil et le Parlement, ont un rôle bien déterminé.

124. Comme le souligne à juste titre le Parlement, «[l]’économie de l’article 218 TFUE doit être considérée dans son ensemble, afin d’assurer sa cohérence globale» (67) et la thèse qui justifie le rôle du Conseil dans la négociation elle-même par son pouvoir final de conclure ou non l’accord modifie fondamentalement l’économie de cet article 218 TFUE.

125. Cet argument fut également dans le passé celui du (service juridique du) Conseil qui estimait que l’autorisation préalable du Conseil était nécessaire avant que la Commission ne s’engage dans des obligations pré-juridiques («pre-legal commitments») pendant les négociations sous peine de priver le Conseil de toute influence dans le véritable processus de prise de décision. M. Devuyst (68) relève à juste titre que cette notion de «pre-legal commitments», telle que caractérisée par le (service juridique du) Conseil, n’était pas prévue dans le traité et que son introduction «ajouterait une nouvelle étape procédurale [...] non prévue par les traités». «Cela modifierait l’équilibre institutionnel en faveur du Conseil», dans la mesure où «tous les stades de négociations entre leur lancement et la signature de l’accord sont logiquement de la responsabilité de la Commission». «Si le Conseil devait approuver tout ‘pre-legal commitment’ significatif [...], les procédures spécifiques des articles 207, paragraphe 3, et 218 TFUE deviendraient largement redondantes» et cela transformerait «l’Union européenne en un impossible partenaire de négociation».

126. Il est, par ailleurs, important de souligner que l’objectif de la Commission ne peut être simplement de produire un accord international qui obtienne l’approbation du Conseil, mais de négocier un accord qui serve au mieux les intérêts de l’Union (69) avant d’être proposé par la Commission à l’approbation du Parlement quand elle est requise et ensuite au Conseil.

127. Relevons, à cet égard, que le Conseil lui-même admet que la Commission est libre de décider de ne pas proposer la conclusion de l’accord (70), ce qui paradoxalement risquerait de se produire plus souvent s’il appartenait au Conseil (ou au comité spécial, la plupart des États membres ne faisant aucune différence entre les deux) d’arrêter la position de négociation, au mépris des avis contraires que la Commission pourrait avoir.

iii) Troisième argument

128. Selon la République tchèque, il conviendrait de prévenir une situation dans laquelle le résultat des négociations serait inacceptable pour le Conseil et dans laquelle le refus d’approuver le projet de l’accord final aurait une incidence négative sur les relations avec l’autre partie. Le gouvernement tchèque tente de dresser ici une «analogie utile» avec l’objectif de la procédure d’avis prévue à l’article 218, paragraphe 11, TFUE qui est également d’éliminer le risque d’incompatibilité avec le droit de l’Union de l’accord international négocié et de prévenir les problèmes qui en résultent dans le domaine des relations internationales. À son avis, la Cour s’est prononcée très clairement sur cette question et a jugé qu’«une décision judiciaire constatant éventuellement qu’un tel accord est, au vu soit de son contenu, soit de la procédure adoptée pour sa conclusion, incompatible avec les dispositions du traité ne manquerait pas de créer, non seulement sur le plan communautaire, mais également sur celui des relations internationales, des difficultés sérieuses et risquerait de porter préjudice à toutes les parties intéressées, y compris les pays tiers» (71).

129. Je suis d’avis que cette référence à l’article 218, paragraphe 11, TFUE et à l’avis 2/94 n’est pas pertinente dans le contexte de l’affaire en cause (72).

130. Ainsi que l’a relevé la Commission à juste titre, l’absence de conclusion d’un accord international ne saurait en aucun cas être comparée à l’annulation de la décision portant conclusion de l’accord une fois qu’il est entré en vigueur. Le refus du Conseil d’approuver l’accord peut tout au plus avoir des conséquences politiques, qui apparaîtront même si la Commission ne propose pas la conclusion de l’accord ou si le Parlement ne donne pas son approbation quand elle est requise. Du point de vue des relations internationales, l’origine de l’absence d’approbation de l’accord n’a aucune pertinence et ne justifie pas de donner la primauté à une institution sur les autres.

iv)    Quatrième argument

131. Contrairement à ce que soutient le Royaume de Suède (73), la Commission n’a jamais fait valoir que le Conseil ne pouvait avoir «aucune influence sur le contenu de l’accord en cours de négociation».

132. D’ailleurs, la Commission a reconnu elle-même (74) que – vu le fait que le Conseil a le dernier mot sur la conclusion ou non de l’accord, facteur qui est incontestablement appelé à peser sur le contenu des négociations – il est peu probable (75) que la Commission consacre ses ressources à la négociation d’un accord international qui a peu de chances d’acquérir force de loi parce qu’il se heurterait à l’opposition du Conseil (ou du Parlement). Cette préoccupation de la Commission peut s’analyser comme une application du principe de coopération loyale.

133. Il faut, par ailleurs, admettre que le Conseil est en droit d’exiger des comptes rendus complets et réguliers sur la conduite des négociations, l’organe de transmission étant précisément le comité spécial qui communiquera son avis (et celui du Conseil) au négociateur tout au long de la procédure de consultation. La Commission fait d’ailleurs remarquer que, contrairement à ce qui ressort du mémoire en défense du Conseil (point 32), elle ne prétend pas que le Conseil n’a pas à faire connaître son point de vue durant les négociations, ayant souligné dans sa requête qu’elle devait tenir compte des positions que le Conseil (ou le Parlement) exprimait.

134. De même, la Commission ne conteste pas l’obligation qui lui est faite de consulter le comité spécial et d’avoir avec lui des contacts réguliers. Cette obligation découle en toute logique de l’article 218 TFUE et elle est même plus élaborée dans le cas des accords commerciaux (76).

135. Dès lors, je ne propose pas à la Cour d’annuler l’article 2, deuxième phrase, de la décision litigieuse.

136. Se pose encore la question de savoir si le Conseil peut modifier les directives de négociation pendant le processus de négociation.

137. La Commission soutient que l’existence d’une recommandation n’est pas une simple formalité requise pour déclencher le processus qui se trouverait ensuite entièrement entre les mains du Conseil. Si le Conseil soutient que son pouvoir pendant les négociations repose sur le pouvoir d’en autoriser l’ouverture et sur celui d’approuver l’accord, deux pouvoirs qui, à leur tour, doivent s’appuyer sur des propositions (ou des recommandations) de la Commission, il lui faudrait aussi accepter que toute révision ou toute modification soit aussi précédée d’une proposition ou d’une recommandation. À défaut de quoi, le Conseil aurait plus de pouvoirs durant la négociation (c’est-à-dire à un stade où les traités ne lui confèrent aucun pouvoir) qu’il n’en a au stade de l’autorisation de négocier ou de la conclusion de l’accord international (c’est-à-dire aux deux stades où le rôle du Conseil est prévu dans les traités).

138. Cette argumentation de la Commission ne saurait prospérer (il convient de noter, d’ailleurs, que la Commission ne demande pas l’annulation de la première phrase de l’article 2 de la décision litigieuse, selon laquelle «[l]e Conseil peut revoir le contenu des directives de négociation à tout moment»).

139. À mon avis, puisque c’est le Conseil qui sera en fin de compte appelé à approuver l’accord négocié, il serait illogique qu’il ne puisse faire entendre son point de vue qu’à l’ouverture des négociations et non lorsqu’elles sont en cours (77). En effet, il est clair que, au départ des négociations, ni le Conseil ni la Commission ne connaît le détail des positions des pays tiers. De plus, les négociations sont souvent complexes et prolongées, les gouvernements changent de même que les réalités, ce qui plaide également pour la possibilité de modifier les directives de négociation pendant les négociations, dont le but d’éviter autant que possible les divergences entre les institutions ne serait pas servi si le Conseil n’était informé qu’une fois les négociations terminées. Cela dit, il est inexact de prétendre, comme le font le Conseil et certains États membres, que la Commission n’accepte pas d’informer le Conseil pendant les négociations. Il faut d’ailleurs remarquer que l’article 218, paragraphe 10, TFUE prévoit expressément que le Parlement doit être informé «à toutes les étapes de la procédure» (c’est-à-dire également par la Commission), il me paraît dès lors couler de source que la Commission doit aussi informer le Conseil régulièrement.

140. Je suis dès lors d’accord avec le Conseil et les États membres que, sans que la Commission doive lui soumettre des recommandations révisées, le Conseil pourrait dans le cours des négociations, sur la base des informations que lui aura données la Commission, revoir les directives de négociation et, selon le cas, les modifier ou les compléter.

141. Que le Conseil puisse également guider la Commission pendant les négociations me semble ressortir du texte du paragraphe 4 de l’article 218 TFUE, rédigé dans des termes assez généraux. En effet, ce paragraphe 4, selon lequel «le Conseil peut adresser des directives au négociateur et désigner un comité spécial, les négociations devant être conduites en consultation avec ce comité», se distingue des paragraphes 5 et 6 qui subordonnent les décisions à une «proposition du négociateur». D’ailleurs, il convient de relever que la disposition ne dit pas à quel moment le Conseil doit (voire peut) adresser les directives au négociateur.

142. La Commission est du reste un peu floue sur la question puisqu’elle ne s’oppose pas, par principe, à ce que les directives puissent être modifiées (78).

143. Le fait que le Conseil puisse modifier des directives de négociation sans proposition préalable de la part de la Commission semble être confirmé par la pratique (dans la mesure où, selon le Conseil, la Commission sollicite souvent leur mise à jour sans pour autant soumettre des propositions) et a également été souligné dans la doctrine. Ainsi que MacLeod e.a. le relèvent à juste titre (79), «the Council may issue further directives unilaterally, without a Commission proposal, during the negotiations» et «[i]t is for the Council to decide whether further directives are necessary: it does not need a Commission proposal before acting». Or, il semble qu’il n’arrive que rarement dans la pratique que le Conseil émette des directives supplémentaires (80).

144. De même, selon le commentaire Mégret (81), «[l]e Conseil a la faculté d’intervenir lors de l’ouverture des négociations, mais aussi au cours de celles-ci, pour modifier, remplacer ou compléter des directives déjà adressées à la Commission. Ces directives sont souvent le résultat de tractations prolongées au sein du Conseil et demeurent rarement secrètes. Leur ‘publicité’ officieuse rend évidemment la tâche de la Commission plus difficile face à son partenaire en réduisant sa marge de manœuvre, au point de la rendre illusoire [...]» (c’est moi qui souligne).

145. Cela ne peut cependant conduire le Conseil, après avoir autorisé l’ouverture des négociations et avoir communiqué, voire modifié ses orientations, à revendiquer, dans le cadre de ces négociations, un rôle de «chef de file» qui réduirait la marge de manœuvre indispensable dont doit disposer le négociateur pour obtenir des résultats satisfaisants. De même, le comité spécial désigné par le Conseil ne saurait pas non plus jouer pareil rôle dès lors que sa fonction est strictement consultative.

146. En effet, c’est la Commission qui négocie en tant que représentante des intérêts de l’Union au nom de et pour le compte de l’Union (et non pour le compte du Conseil).

v)      Cinquième argument

147. Le Conseil soutient encore que l’interprétation qu’il défend, à savoir que l’article 218, paragraphe 4, TFUE permet d’inclure, dans les directives de négociation, des dispositions de procédure, plutôt que de les limiter à de vagues déclarations d’intention, préserve intégralement la capacité de l’Union à parler d’une seule voix sur la scène internationale.

148. Je ne suis pas convaincu par cette argumentation, car en tout état de cause, l’unité est garantie par le fait que seul le négociateur est habilité à négocier au nom de l’Union dans le cadre défini par les directives communiquées par le Conseil et, le cas échéant, après consultation du comité spécial.

149. Par ailleurs, cette «seule voix» est déjà prévue par les traités étant donné que, selon l’article 17, paragraphe 1, TUE, «[la Commission] assure la représentation extérieure de l’Union».

150. L’importance de «l’unité d’action de [l’Union] vis‑à‑vis de l’extérieur» a été soulignée par la Cour dans son avis 1/94 (EU:C:1994:384, point 106 et suiv.) et ce afin de donner à l’Union un pouvoir de négociation plus fort.

vi)    Sixième argument

151. Le Conseil et les États membres invoquent aussi la pratique (prétendument) constante dans le domaine du transport d’introduire des règles de procédure dans les directives de négociation.

152. La Commission rétorque que les deux documents mentionnés par le Conseil (82) concernent des accords à négocier sous la forme d’accords mixtes. Dans les documents figuraient une première annexe avec les «directives de négociation» et une seconde annexe (distincte) intitulée «Procédures ad hoc pour les négociations concernant un accord entre la Communauté européenne et ses États membres et l’Algérie [ou la Géorgie] dans le domaine du transport» (83). L’objet principal de cette seconde annexe, qui ne faisait pas partie des directives de négociation, était simplement de définir une procédure de coordination avec les États membres.

153. Il s’ensuit que ces éléments ne sont pas pertinents dans le contexte d’un accord à conclure uniquement par l’Union, comme c’est le cas en l’espèce.

154. Selon certains États membres aussi, les directives de négociation comporteraient souvent des dispositions de procédure (84).

155. Pour autant que cela est exact (ce qui est fortement contesté par la Commission), selon la jurisprudence, «une simple pratique ne peut prévaloir sur les normes du traité» (85). Par exemple, la Cour a jugé, au point 23 de l’arrêt Wybot (149/85, EU:C:1986:310), qu’«[i]l faut [...] vérifier si la pratique suivie par le Parlement européen ne prive pas de tout effet les dispositions des [traités CECA, CEE et CEEA en cause dans ladite affaire], qui attribuent non seulement à la majorité de ses membres, mais également à d’autres institutions, à savoir le Conseil et la Commission, la faculté de demander la convocation d’une session extraordinaire. Dans le cadre de l’équilibre des pouvoirs entre les institutions prévu par les traités, la pratique du Parlement européen [en cause] ne saurait, en effet, enlever aux autres institutions une prérogative qui leur est attribuée par les traités eux-mêmes» (c’est moi qui souligne).

vii) Septième argument

156. Selon le Conseil, l’inclusion dans les directives de négociation de certaines modalités de procédure et d’exigences spéciales serait le corollaire de son droit de décider s’il y a lieu ou non d’accorder une autorisation.

157. Or, ainsi que je l’ai déjà relevé ci-dessus, une fois que le Conseil a autorisé la Commission à entamer les négociations, il ne saurait être investi d’un rôle décisionnel direct durant ces dernières. En effet, il convient de souligner que, même si l’autorisation par le Conseil et ses directives de négociation sont communément appelées «le mandat de négociation» (en langue anglaise «the negotiating mandate»), la Commission n’est aucunement «mandatée» par le Conseil – elle est «autorisée» (86).

158. Le choix du Conseil de faire référence à un «mandat» (point 42 de la défense), au lieu d’employer le libellé même des traités, n’est pas innocent (87). Un mandat constitue non seulement un acte volontaire, mais implique que l’entité mandatée agit pour le compte de quelqu’un d’autre, dans les limites et selon les instructions contraignantes imposées par l’entité mandante.

159. En effet, ainsi que Waelbroeck e.a. (88) l’ont relevé à juste titre, l’utilisation des termes «mandat de négociation» «donne juridiquement une fausse impression: [l]e Conseil ne pourrait en effet mandater, à son gré, qui que ce soit pour négocier au nom de la Communauté. La Commission détient le monopole à cet égard. En fait, il s’agit plutôt de déclencher le processus permettant à la Commission et à elle seule de mener des négociations».

160. L’utilisation du terme «mandat» n’a de sens que lorsque la Commission négocie au nom des États membres (89).

161. Quoi qu’il en soit, les traités ne font pas référence à un quelconque «mandat» dans le contexte de l’article 218 TFUE, terme pourtant utilisé dans d’autres articles, comme à l’article 18, paragraphe 2, TUE, en relation avec le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

162. À mon avis, si les auteurs des traités avaient voulu que la Commission agisse conformément à un «mandat», ils auraient employé ce terme.

163. Le fait que le Conseil puisse décider de donner ou non son autorisation n’implique donc pas qu’il soit en droit d’ajouter tout ce qu’il souhaite en annexe à cette autorisation. Ce contenu doit aussi respecter les dispositions des traités. D’ailleurs, si l’argument avancé par le Conseil était qu’il refuserait purement et simplement de donner son autorisation en cas de non-acceptation de clauses de procédure, il pourrait s’agir d’un détournement de pouvoirs.

viii) Huitième argument

164. Selon le Conseil, «[l]es positions définies au sein du comité spécial sont censées être une expression concrète des directives de négociation du Conseil et, en tant que telles, visent à aider le négociateur en précisant les points de vue avalisés par l’autorité politique qui devra en fin de compte décider d’approuver ou non le texte négocié» (mémoire en défense, point 42). Dans cette optique, que reste-t-il à négocier, si ce n’est la présentation à l’autre partie d’un ensemble à prendre ou à laisser?

165. Outre ce que j’ai précisé ci-dessus (90), au sujet de la notion de «mandat», je pense que, même si la consultation du comité spécial peut l’aider à savoir si certaines dispositions du futur accord sont susceptibles d’avoir ou non «l’aval politique» du Conseil, il appartiendra à la Commission (seule) de décider comment intégrer cet élément dans la négociation. Toute autre interprétation réduirait à néant son droit d’initiative, puisque cela supposerait l’obligation de proposer un texte pour la simple raison qu’il reflète des positions avalisées par le Conseil. Une telle obligation n’existe à l’évidence pas dans le droit de l’Union (91).

166. Je remarque encore que l’emploi de l’article défini dans «l’autorité politique» pourrait laisser entendre que cette autorité politique est l’apanage du seul Conseil. Or, la Commission (et le Parlement) sont des institutions qui ont également un rôle politique important dans le contexte des négociations internationales.

167. Enfin, l’article 218, paragraphe 4, TFUE ne confère qu’un rôle consultatif au comité spécial puisqu’il prévoit que les négociations doivent être conduites «en consultation avec» le comité. Cela implique certes que le comité spécial puisse exprimer son point de vue sur les différents aspects de la négociation, mais la décision litigieuse va beaucoup plus loin. Elle prévoit (92) en fait l’adoption par le comité spécial (ou par le Conseil sous le point 1 de la section A des directives de négociation) de «positions de négociation détaillées de l’Union» (c’est moi qui souligne), qui sont donc censées être contraignantes pour la Commission, sous peine pour elle de s’écarter des positions caractérisées comme étant celles de l’Union et non simplement celles du comité spécial (ou du Conseil).

168. Nous pouvons dresser ici un parallèle entre cette affaire et l’arrêt Commission/Conseil, dit «l’arrêt CITES» (93) (C‑370/07, EU:C:2009:590, points 43 et 44), dans lequel la Cour a jugé – certes dans le contexte de la disposition qui constitue désormais l’article 218, paragraphe 9, TFUE – que la définition de la position «de l’Union» produit des effets juridiques obligatoires sur les institutions. En outre, il peut être ajouté que le point 3 de la section A des directives de négociation distingue les «positions» et les «orientations».

169. Pour le Conseil, il est inexact de dire que la Commission «n’est pas libre de s’en écarter» et il dénonce le «faux parallèle» avec les positions qu’il adopte au titre de l’article 218, paragraphe 9, TFUE, qui ont une autre nature et dont la Cour a jugé qu’elles produisaient «des effets juridiques obligatoires» et avaient «un caractère contraignant» pour les institutions (94). Enfin, selon le Conseil, c’est bien à la Commission qu’il appartient de décider de la manière de négocier (95), mais toujours en suivant les orientations qu’elle reçoit au sein du comité spécial, que ce soit sous la forme d’instructions orales ou de positions exposées dans des documents.

170. À cet égard, même si l’adoption de directives de négociation est en effet une procédure différente de celle visée à l’article 218, paragraphe 9, TFUE, le libellé des directives de négociation en cause mentionne la «position de l’Union» de façon très comparable à celle de l’article 218, paragraphe 9, TFUE. Or, le Conseil donne au comité spécial (ou se réserve) le pouvoir de définir la position de l’Union, avec l’obligation correspondante pour le négociateur de l’Union de ne pas s’en écarter.

171. Pour le Conseil, comme l’indiquent les dispositions procédurales de la décision litigieuse, «s’il s’avère impossible d’obtenir ce qui est prévu dans la position, [la Commission] doit en faire rapport au comité spécial et demander de nouvelles orientations» (mémoire en défense, point 44). Cela dit, le Conseil confirme l’effet contraignant pour la Commission des positions adoptées par le comité spécial (ou de celles qu’il définit lui-même), la seule marge de manœuvre de la Commission étant «la manière» de négocier.

172. La République française (point 11 de son mémoire en intervention) ne dit pas autre chose lorsqu’elle explique que la Commission jouit d’une certaine latitude pour ce qui est de la stratégie de négociation mais qu’elle doit revenir devant le Conseil ou le comité spécial si elle envisage de s’écarter de leur position.

173. Je relève que, pour ajouter encore à la confusion, le Conseil utilise le terme «recommandation» pour qualifier les effets de la position du comité spécial (les points 46 et 53 du mémoire en défense mentionnent le «résultat recommandé»). Le Conseil parle encore de l’obligation de «tenir compte des positions» et de «traductions dans la pratique» (mémoire en duplique, points 23 et 25). Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord considère lui que le comité spécial est simplement habilité à exprimer son point de vue (points 23 et 24). Tout cela est difficile à concilier avec le libellé clair de la section A des directives de négociation, où il est fait référence à la définition de «positions de l’Union» et non simplement à des «recommandations à la Commission» ou même à des «positions du Conseil (et/ou du comité spécial)». La défense du Conseil est également directement contredite par le libellé de la décision litigieuse, qui utilise les termes «sont définies» et «définir» dans les phrases «[s]’il y a lieu, des positions de négociation détaillées de l’Union sont définies au sein du comité spécial […] ou au sein du Conseil» et «[c]haque session de négociation est précédée d’une réunion du comité spécial afin de déterminer les questions essentielles et de définir, selon le cas, les positions ou orientations pour la négociation» (c’est moi qui souligne) (96). Or, dans les négociations, la Commission ne représente pas le Conseil mais l’Union.

174. Le caractère contraignant des positions adoptées par le comité spécial ne peut se concilier avec le texte de l’article 218, paragraphe 4, TFUE qui utilise le terme «consultation». Si les auteurs du traité avaient voulu que la Commission soit tenue par les orientations ou par les positions du comité spécial, ils auraient utilisé des mots plus forts pour qualifier le rôle du comité spécial (ou du Conseil).

175. En effet, je suis d’accord avec la Commission que, si l’objectif est «d’aider le négociateur», laissons le négociateur décider de l’usage qui doit être fait des positions en question. Le fait de préciser quels points de vue ont l’aval de l’autorité politique ne peut être assimilé à une obligation de suivre la position du comité spécial.

176. Cela n’implique pas que la Commission n’ait pas une obligation légale de tenir compte des positions définies dans les directives de négociation par le Conseil ou le comité spécial (97) mais il convient de différencier cette obligation de celle de ne pas s’en écarter qui, comme le souligne le Parlement, la place dans la position d’un exécutant des décisions du comité spécial (ou du Conseil).

177. Il est intéressant de noter que la Cour s’est déjà penchée – certes dans un autre contexte – sur la différence de portée et de nature entre ces deux types d’obligations.

178. Dans l’arrêt Mediaset (C‑69/13, EU:C:2014:71), la Cour a examiné cette différence. L’affaire portait sur les décisions de la Commission déclarant un régime d’aides illégal et incompatible avec le marché intérieur et, en particulier, sur le rôle du juge national et la prise en considération par le juge national de prises de position de la Commission dans le cadre de l’exécution de sa décision.

179. La Cour a jugé, au point 31 de cet arrêt, que, «si les prises de position de la Commission ne sauraient lier le juge national, il importe de relever que, dans la mesure où les éléments contenus dans lesdites prises de position, ainsi que dans les avis de la Commission éventuellement sollicités par le juge national dans les conditions telles qu’énoncées au point précédent, visent à faciliter l’accomplissement de la tâche des autorités nationales dans le cadre de l’exécution immédiate et effective de la décision de récupération, et eu égard au principe de coopération loyale, le juge national doit en tenir compte en tant qu’élément d’appréciation dans le cadre du litige dont il est saisi et motiver sa décision au regard de l’ensemble des pièces du dossier qui lui a été soumis».

180. Dès lors, «si, aux fins d’assurer l’exécution d’une décision de la Commission déclarant un régime d’aides illégal et incompatible avec le marché intérieur et enjoignant la récupération des aides en cause, mais n’identifiant pas les bénéficiaires individuels de ces aides et ne déterminant pas les montants précis devant être restitués, le juge national se trouve lié par cette décision, il ne l’est pas, en revanche, par les prises de position exprimées par ladite institution dans le cadre de l’exécution de ladite décision. Toutefois, le juge national doit, eu égard au principe de coopération loyale énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE [(98)], prendre en considération ces prises de position en tant qu’élément d’appréciation dans le cadre du litige dont il est saisi».

181. Partant, nous pouvons tirer la conclusion que, pour ce qui est de la présente affaire, «avoir l’obligation de tenir compte des orientations données par le Conseil» (ce que la Commission a reconnu dans la présente affaire (99)) n’est pas la même chose que «être légalement tenue de les suivre» (ce que semble être la thèse du Conseil et des États membres intervenus).

182. J’ajoute que la Commission doit rester en mesure de décider qu’il n’est pas dans l’intérêt général de l’Union de suivre entièrement l’avis du comité spécial, qui pourrait être dicté par des intérêts purement nationaux.

183. Ainsi que je l’ai déjà souligné au point 126 des présentes conclusions, la mission de la Commission n’est pas, et ne peut être, que de produire un accord international qui obtienne l’approbation du Conseil (que les autres institutions soient ou non d’accord), mais de négocier un accord qui serve au mieux les intérêts de l’Union et qui soit acceptable pour les trois institutions. Il est clair que cela peut nécessiter des compromis entre les différentes institutions.

ix)    Neuvième argument

184. Selon le Conseil, le contenu des modalités de procédure ne fait rien de plus qu’exprimer la manière dont les institutions devraient concrétiser le principe de coopération loyale dans le contexte de négociations internationales.

185. Les interventions de certains États membres invoquent aussi le principe de coopération loyale comme fondement plus ou moins indirect des dispositions procédurales litigieuses (100).

186. Le principe de coopération loyale (loyauté (101) communautaire) est certes au cœur du système juridique de l’Union (102) et reflète un élément primordial de l’équilibre institutionnel voulu par le traité. Il est considéré comme «un principe fondamental de la structure constitutionnelle communautaire» (103).

187. Cela dit, ainsi que le rappelle la jurisprudence de la Cour, «conformément à l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, CE (devenu l’article 13, paragraphe 2, TUE), les institutions de la Communauté ne peuvent agir que dans les limites des attributions qui leur sont conférées par le traité CE» (104).

188. L’article 13, paragraphe 2, TUE le confirme (105) sans ambiguïté en prescrivant que «[c]haque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités, conformément aux procédures, conditions et fins prévues par ceux-ci. Les institutions pratiquent entre elles une coopération loyale» (106).

189. Dans ce contexte, il faut garder à l’esprit que «[t]he distribution of the powers between the institutions reflects the place that the authors of the treaties wanted to grant to each one of them in the exercise of the missions that they entrusted to the Community. In this context, the task of the Court is to ensure that this system is maintained, in order to prevent the compromises made at the time of the drafting of the treaties being called into question again. The balance to which the Court refers is therefore that established by the Treaty. It is therefore not acceptable for one institution to extend its powers unilaterally to the detriment of another institution» (107).

190. De plus, ainsi que le relève à juste titre l’avocat général Jääskinen (108), «d’une part, […] le principe de coopération loyale permet de remédier aux incertitudes résultant de zones grises des traités, telles que celles résultant des modalités d’exercice du pouvoir de retrait [en cause dans ladite affaire]. D’autre part, bien qu’il soit applicable à la coopération informelle entre les institutions de l’Union, il n’a pas de contenu exactement saisissable (109)».

191. Or, par rapport à l’argument du Conseil exposé au point 184 des présentes conclusions, il est incontestable que cette «manière dont les institutions devraient concrétiser» ce principe doit être convenue entre les deux (ou trois) institutions concernées plutôt qu’imposée unilatéralement par l’une d’elles à l’autre (ou aux autres).

192. Dans ce contexte, il est intéressant de noter que, dans le passé, le Conseil, en prenant appui sur le principe de l’équilibre institutionnel, a lui-même protesté (de nouveau contre des «faits accomplis») quand le Parlement a imposé unilatéralement dans ses règles de procédure sa vision des relations avec les autres institutions (110).

193. Ainsi qu’il ressort de ce qui précède, le fait d’imposer des règles de procédure à une autre institution sans son consentement va clairement à l’encontre du principe de coopération loyale et, en particulier, quand les règles imposées ont pour conséquence que le rôle politique conféré à la Commission par le traité se rapproche d’un rôle purement technique et subalterne de secrétariat (111) (fût-il général!) (112) incompatible avec sa qualité d’institution politiquement responsable devant le Parlement (article 17, paragraphe 8, TUE (113)) et dont le rôle spécifique dans les négociations d’accords internationaux cadre parfaitement avec la mission que lui confie l’article 17 TUE d’assurer la représentation extérieure de l’Union (à l’exception de la politique étrangère et de sécurité commune). La négociation des accords internationaux est une des formes de la représentation extérieure de l’Union (114).

194. Au sujet de l’article 17, paragraphe 1, TUE, qui fait de la Commission la gardienne des traités, la question fut posée à l’audience par le gouvernement allemand de savoir qui gardera les gardiens (115) si la Commission pouvait négocier «sans contrôle». À cet égard, il suffit de rappeler que ce rôle revient au Parlement par la responsabilité politique de la Commission et à la Cour par le contrôle juridictionnel de la légalité des actes posés par les institutions, dont la Commission.

x)      Dixième argument

195. Le Conseil entend encore justifier la décision litigieuse en prétendant, en substance, que la Commission n’a pas respecté ses obligations de consultation du comité spécial dans le contexte de négociations comparables avec la Confédération suisse. Certains États membres (116) invoquent également l’expérience des négociations avec la Confédération suisse. Le Conseil ajoute que, aujourd’hui encore, la Commission renvoie au site Internet de l’Office fédéral suisse de l’environnement pour avoir une vue d’ensemble de ces négociations. Selon la Commission, ce site est l’unique source d’informations publiquement accessible.

196. Quoi qu’il en soit, pour les besoins de la présente affaire, il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour que la Commission n’aurait pas respecté ses obligations de consultation du comité spécial au titre des traités.

197. Il ressort, en effet, du tableau 1 «Dates des Réunions de haut niveau ([ci-après le] ‘RHN’) et mises à jour des informations présentées au groupe ‘Environnement’ sur l’avancement des négociations en matière de mise en relation» soumis à la Cour par la Commission, que quatre cycles de négociations formelles, consacrés à la mise en relation avec la Confédération suisse ont eu lieu au moment du dépôt de la réplique (117). Deux autres cycles étaient prévus, mais ont été reportés ou annulés. Le groupe «Environnement» avait été informé par la Commission de chaque RHN. En général, la Commission a présenté des informations actualisées peu avant et/ou après chaque RHN et a communiqué des documents au groupe «Environnement», lorsque nécessaire. Parfois, il s’est révélé difficile pour la Commission d’obtenir un créneau horaire dans le programme de travail du groupe «Environnement».

198. La Commission explique que, par exemple, le 9 novembre 2012, elle a demandé au Conseil que le groupe «Environnement» lui consacre une partie de son temps, mais elle n’a reçu un créneau horaire qu’au mois de janvier 2013. À d’autres occasions, elle avait obtenu un créneau horaire, qui a ensuite été reporté par la présidence sans qu’elle en soit formellement informée. Par exemple, le groupe «Environnement» était censé consacrer du temps à la Commission au mois de mars 2013, mais la réunion a été reportée au 18 avril 2013. S’il est vrai qu’en 2012, la Commission n’a présenté au groupe «Environnement» qu’une actualisation des informations relatives à la mise en relation avec la Confédération suisse, cela était dû aux progrès très limités qui furent enregistrés au cours de l’année dans la mise en relation, du fait d’importants désaccords entre la Confédération suisse et l’Union, notamment en ce qui concerne la couverture de l’aviation internationale. Très peu d’échanges techniques ont eu lieu dans les réunions de travail ordinaires en 2012.

199. Cela étant, même si le Conseil avait parfaitement raison dans son appréciation du comportement de la Commission dans les négociations entre l’Union et la Confédération suisse (quod non), il ne lui appartiendrait pas de se faire justice lui-même dans une négociation ultérieure au prix d’un non-respect des traités.

200. Le Conseil observe encore que la Commission a coopéré sans réserve à l’élaboration de la section de l’addendum-de l’annexe consacrée à la procédure lors des travaux du groupe «Environnement» et qu’elle ne s’est pas opposée à son texte lorsqu’il a été diffusé pour approbation informelle. Le Conseil ajoute qu’«[o]n comprend dès lors la surprise qu’a provoquée la déclaration faite par la Commission au moment de l’adoption de la décision [litigieuse]» (point 29 de la défense).

201. La Commission rejette cette thèse, explique que sa proposition n’incluait pas cette section et qu’elle a clairement exprimé son opposition à cette section plusieurs semaines avant l’adoption de la décision litigieuse.

202. En tout état de cause, le fait qu’elle ait mis un certain temps à réagir (du 22 avril au 2 mai 2013) après la diffusion du premier projet ne peut justifier l’illégalité commise et n’implique certainement pas que la Commission ait prêté son entière collaboration ou ait approuvé le texte de manière informelle.

xi)    Onzième argument

203. Bien que le traité FUE ne prévoie aucune consultation «avec le Conseil», le Royaume de Suède et le Royaume de Danemark éludent cette objection en soutenant que «le comité spécial fonctionne comme le prolongement du Conseil» et «constitue une plate-forme de coopération entre la Commission et le Conseil» (118). Ces États membres affirment, pour l’essentiel, qu’il importe peu que le traité se réfère au comité spécial ou au Conseil, puisqu’il s’agit, en pratique, d’une seule et même entité (119). La position des autres États membres semble également fondée sur une non-distinction entre le comité spécial et le Conseil.

204. Or, ainsi que la Commission l’a souligné, il suffit de noter que cette position ne trouve appui ni dans les traités ni dans la jurisprudence. D’ailleurs, s’il fallait s’inspirer d’autres domaines du droit de l’Union, les comités de «comitologie», qui jouent un rôle important dans le droit de l’Union, constituent un moyen pour les États membres, et non pour le Conseil, de contrôler les compétences de la Commission (article 291, paragraphe 3, TFUE).

205. Il est incontestable que si l’article 218 TFUE fait référence au «comité spécial», cela signifie autre chose que le «Conseil». De plus, si le traité avait voulu investir le Conseil d’un rôle dans la négociation du type préconisé par certains États membres, il l’aurait précisé.

206. Le fait que le Conseil aura le dernier mot dans la conclusion de l’accord ne l’autorise pas à jouer un rôle déterminant dans la phase distincte de la négociation et ne justifie donc pas qu’il empiète sur le rôle de la Commission en tant que négociateur. Dans le même ordre d’idées, le fait, par exemple, que le Conseil et le Parlement soient colégislateurs ne justifie pas leur intervention dans le processus d’élaboration de la proposition de la Commission (120).

207. Avec l’objectif «de sauvegarder [l’]équilibre institutionnel en assurant la pleine application des dispositions des traités relatives à la répartition des compétences» (121), je propose à la Cour, sur base de tout ce qui précède, d’accueillir le recours de la Commission en tant qu’il porte sur la section A de l’addendum-de l’annexe de la décision litigieuse.

208. Si la Cour décide d’aller dans ce sens, reste à déterminer la portée et les effets de l’annulation.

C –    Portée et effets de l’annulation

209. Selon la jurisprudence, l’annulation partielle d’une décision n’est possible que si les éléments dont l’annulation est demandée sont détachables du reste de la décision (122).

210. Je suis d’avis que tel est manifestement le cas en l’espèce puisque la section A de l’addendum-de l’annexe de la décision litigieuse peut être détachée du reste de la décision litigieuse. Ainsi que la Commission l’a souligné, en fait, ces dispositions de procédure détaillées ne figurent normalement pas dans ce type de décisions.

211. Le Conseil, soulignant que la section A de l’addendum-de l’annexe fait référence à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision litigieuse, soutient que cette section n’est pas dissociable du reste de la décision litigieuse.

212. La référence à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision litigieuse n’ajoute rien (123). Même si la section A est annulée, la désignation du comité spécial n’en sera pas touchée. De plus, dans la mesure où le texte, tel que la section A, n’apparaît pas dans des centaines de décisions autorisant des négociations d’accords internationaux, son caractère dissociable est évident. Il ressort du dossier que la décision concernant les négociations avec la Confédération suisse ne contenait d’ailleurs pas de dispositions de ce genre. Partant, le résultat ne serait pas «complètement incohérent» (mémoire en défense, point 57).

213. De plus, la question de savoir si une annulation partielle modifierait la substance de l’acte attaqué constitue non pas un critère subjectif lié à la volonté politique de l’autorité qui a adopté l’acte litigieux mais un critère objectif (124). De surcroît, quand les conditions d’une annulation partielle sont remplies, la décision ne peut être annulée entièrement (125).

214. À mon avis, il s’ensuit que, en l’espèce, la Cour est parfaitement en mesure de n’annuler que la section A de l’addendum-de l’annexe de la décision litigieuse.

215. À titre subsidiaire, pour le cas où la Cour déciderait d’annuler la décision litigieuse dans son intégralité, le maintien des effets de la décision litigieuse basé sur l’article 264, deuxième alinéa, TFUE serait nécessaire et justifié puisqu’il éviterait de suspendre les négociations avec le Commonwealth d’Australie.

V –    Conclusion

216. Eu égard à ce qui précède, je propose à la Cour:

–        d’annuler la section A de l’addendum-de l’annexe de la décision du Conseil du 13 mai 2013 autorisant l’ouverture de négociations sur la mise en relation du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union européenne avec un système d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre mis en place en Australie.

À titre subsidiaire, je propose à la Cour:

–        d’annuler la décision du Conseil du 13 mai 2013 autorisant l’ouverture de négociations sur la mise en relation du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union européenne avec un système d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre mis en place en Australie, et en maintenir les effets, dans l’hypothèse où elle serait annulée dans son intégralité.

En tout état de cause, je propose à la Cour:

–        de condamner le Conseil de l’Union européenne à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne et

–        de condamner la République tchèque, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République française, la République de Pologne, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que le Parlement européen à supporter leurs propres dépens.


1 – Langue originale: le français.


2 – Ce principe de l’équilibre institutionnel, impliquant une certaine autonomie des institutions, est à mettre en relation avec leur obligation de coopération loyale, synonyme de devoirs d’action et d’abstention qui «impose non seulement aux institutions de respecter leurs attributions respectives, mais autorise la mise en place des procédures permettant d’assurer le bon déroulement du processus décisionnel dès lors que celles-ci ne portent pas atteinte à l’équilibre institutionnel et respectent le traité» (voir Jacqué, J.‑P., Droit institutionnel de l’UE, Dalloz, 2004, p. 184).


3 – Voir dans ce contexte, par exemple, en dehors des affaires mentionnées dans les présentes conclusions, l’affaire Conseil/Commission (C‑73/14) [à propos de la décision de la Commission de soumettre au Tribunal international du droit de la mer des observations écrites au nom de l’Union, sans approbation préalable du Conseil] ou l’affaire Conseil/Commission (C‑660/13) (à propos de la signature, au nom de l’Union, de l’addendum au mémorandum d’entente concernant une contribution financière de la Confédération suisse). Ces deux affaires sont actuellement pendantes devant la Cour. Voir, également, Anderson, D., dans son avant-propos de l’ouvrage qui fait autorité en la matière: Eeckhout, P., EU External Relations Law, 2e éd., Oxford, 2011, qui illustre parfaitement ce champ de bataille: «[t]his book functions [...] as a definitive military history of that forty years’ war, ranging from the dramatic early breakthroughs of ERTA and Opinion 1/76 and the set-piece battles of Opinion 1/94 and Open Skies to more recent skirmishes over such vitally important matters – to those involved – as whether it is open to a Member State to propose a pollutant for regulation in an international forum where the Commission is also represented».


4 – Qui couvrirait 45,5 % du produit intérieur brut mondial.


5 – Voir site Internet de la Commission dédié à ces négociations à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/trade/policy/in-focus/ttip/index_fr.htm. Il peut être noté que le 9 octobre 2014, le Conseil a décidé de déclassifier les directives de négociation sur le TTIP (du 17 juin 2013). Voir site Internet du Conseil à l’adresse suivante: http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-11103-2013-DCL-1/en/pdf.


6 –      JO L 275, p. 32.


7 –      JO L 140, p. 63.


8 – Ainsi, la forme que revêt un acte ou une décision est en principe indifférente en ce qui concerne la recevabilité d’un recours en annulation dirigé contre cet acte ou cette décision (voir ordonnance Makhteshim-Agan Holding e.a./Commission (C‑69/09 P, EU:C:2010:37, points 37 et 38).


9 – Commentaire Mégret, J., Le droit de la CE et de l’Union européenne – Relations extérieures, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2005, p. 84.


10 – Dans ce contexte, voir, également, Eeckhout, P., External relations of the European Union, Oxford, 2005, p. 173: «[i]t is thus not clear at this stage whether Commission observance of the Council’s negotiating directives is subject to judicial review. In principle, any Commission act producing legal effects can be challenged on grounds of violation of the Treaty in an action for annulment. In so far as the Commission adopts such an act in the framework of an international negotiation, it would seem possible to argue a violation of the provisions of Article 300(1) EC. The case is unlikely to arise, however, as the Commission’s actions are subject to political review by the Council. If the latter is unhappy with the outcome of a negotiation, it may simply refuse to conclude the agreement. Where it does conclude [it], it obviously agrees with the Commission’s approach, and a challenge to particular Commission conduct in the course of negotiations would then in any event be unable to affect the outcome, namely conclusion of the agreement, as this is a separate Council act».


11 – Il est intéressant de noter à cet égard que, au point 22, dans son mémoire en défense dans cette affaire, le Conseil a clairement confirmé que, de son point de vue, les directives de négociation avaient des effets juridiques contraignants pour la Commission: «[d]e surcroît, les directives de négociation, comme c’est le cas en l’espèce, font partie d’une décision adoptée par le Conseil, dont la Commission est destinataire. À ce titre, elles sont contraignantes pour la Commission». Or, cette position est très différente de celle adoptée précédemment par le Conseil. Dans son avis 3/94 (EU:C:1995:436), la Cour a résumé les arguments de celui-ci sur la compatibilité avec les directives de négociation de l’accord auquel arrive la Commission: «Dans la pratique, la Commission est souvent amenée à aller au-delà du champ d’application de ces directives quand elle négocie un accord international; dans de telles circonstances, plutôt que de modifier ces directives au cours de la procédure, le Conseil accepte simplement le résultat final en signant l’accord».


12 – Voir pour la présente affaire la seconde phrase de l’article 2 de la décision litigieuse et la section A de l’addendum-de l’annexe contre lesquelles le recours de la Commission est dirigé.


13 – En tant que l’accord envisagé ne porte pas exclusivement ou principalement sur la politique étrangère et de sécurité commune, il n’est pas nécessaire de parler du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité


14 – Voir article 218, paragraphe 4, TFUE.


15 – Voir, par exemple, Cornu, G., Vocabulaire juridique, PUF, 2007, p. 312.


16 – Même si, dans la pratique, la presse rend souvent compte du contenu des directives de négociation.


17 – Ou décision imposée unilatéralement, contre laquelle on ne peut rien et qui ne laisse à ceux auxquels elle est adressée aucune marge d’appréciation. Voir Le Petit Robert, Dictionnaire de la langue française, VUEF, 2003, p. 750.


18 – Je rappelle que c’est à la Commission que le traité FUE confère le rôle de négociateur (voir note 13 des présentes conclusions).


19 – Voir arrêt Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7). Il est intéressant de noter que les traités n’énoncent pas explicitement le principe de l’équilibre institutionnel, sauf dans le protocole nº 7 annexé au traité d’Amsterdam sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, lequel rappelle que «l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité respecte les dispositions générales et les objectifs du traité, notamment en ce qui concerne [...] l’équilibre institutionnel».


20 – Voir Blumann, C., et Dubouis, L., Droit institutionnel de l’Union européenne, 5e éd., LexisNexis, 2013, p. 401 («[le domaine de politique commerciale commune] a toujours suscité des controverses tant du côté de la Commission qui s’estime trop bridée et dans l’impossibilité de prendre la moindre initiative réelle que du côté du Conseil ou des États membres, qui estiment au contraire qu’elle s’exonère trop aisément du cadre qui lui est fixé. Les grandes négociations commerciales internationales dans le cadre du GATT-OMC constituent le terrain privilégié de ce genre d’affrontement. Le nœud du problème porte surtout sur les directives de négociation, sur leur degré de précision»).


21 – Ainsi que l’a noté M. H. Paemen, qui était le «Commission’s Chief Negotiator» pendant les «Uruguay Round negotiations», dans la pratique il n’est pas facile d’obtenir des directives de négociation qui représentent l’intérêt communautaire, parce que «[the] uppermost concern [of the Member States] is to look after their national interests, in the narrow sense of the term [and] [i]nevitably, [the Commission] proposals [for negotiating directives] intended to reflect the collective position – ie the Community interest – are amended to take account of disparate national views until, in many cases, all that is left is the ‘lowest common denominator’» (voir Devuyst, Y., «EU law and practice in the negotiation and conclusion of international trade agreements», Journal of International Business and Law, 2014, vol. 12, nº 2, article 13, p. 290).


22 – Voir arrêt Italie/Commission (T‑226/04, EU:T:2006:85, points 76 et 78) et note 10 des présentes conclusions.


23 – Voir, par exemple, point 11 des observations du gouvernement tchèque.


24 – Voir note 5 des présentes conclusions.


25 – Cette conclusion sera motivée ci-après par une analyse de lege lata, la thèse de la République fédérale d’Allemagne (mémoire en intervention, point 27), selon laquelle elle serait «préjudiciable aux intérêts de l’Union» étant d’ordre politique.


26 – Voir, à ce sujet, Guerassimoff, C., La coopération interinstitutionnelle dans l’Union européenne, RAE, Paris, 1997, p. 472; Huiban, O., «Les accords interinstitutionnels dans l’Union européenne», Problèmes actuels du droit communautaire, LGDJ, 1998, p. 93; Gautron, J.-C., «Les accords interinstitutionnels dans l’ordre juridique communautaire», Les règles et principes non écrits en droit public, LGDJ, 2000, p. 195; Godet, R., Accords interinstitutionnels et équilibre institutionnel dans la Communauté européenne, Université Panthéon-Sorbonne, Paris, 2001.


27 – Voir Tournepiche, M.‑A., Les accords interinstitutionnels dans l’Union européenne, t. 18, Bruylant, 2011, et Blumann, C., Les accords interinstitutionnels, JCI. Europe, vol. 1, fasc. 193 (voir, également, le même auteur, «Équilibre institutionnel et séparation des pouvoirs en droit communautaire», Clés pour le siècle, Dalloz, 2000, p. 1639).


28 – Voir Blumann, C., et Dubouis, L., op.cit., p. 199 (voir, également, la section sur le principe de l’équilibre institutionnel, p. 194 et suiv.).


29 – Voir accord-cadre sur les relations entre le Parlement et la Commission, annexe III, paragraphe 2 (JO L 304, p. 47), lequel est d’ailleurs intégré au règlement interne du Parlement, en tant qu’annexe XIII. Pour une critique de cet accord-cadre, voir Weiler, J., «Dispatch from the Euro Titanic: And the Orchestra Played On», European Journal of International Law, disponible sur Internet à l’adresse suivante: http://www.ejiltalk.org/dispatch-from-the-euro-titanic-and-the-orchestra-played-on-ejil-editorial/.


30 – Ibidem (annexe III, paragraphe 4).


31 – Certains pensent que pareil accord devrait toujours réunir les trois institutions. Voir Weiler, J., op. cit. («What is rather astonishing in this respect is the fact that this [Framework] Agreement [between the Parliament and the Commission] was negotiated in its entirety without Council involvement – arguably contrary to the very Treaty stipulations on interinstitutional agreements [ie Article 295 TFEU]»).


32 – Voir arrêt France/Commission, dit «Accord Commission/États-Unis sur la concurrence» (C‑327/91, EU:C:1994:305, point 28).


33 – Idem.


34 – Et ce malgré l’opposition de la Commission (voir point 11 des présentes conclusions).


35 – Et le simple fait, invoqué par le Conseil et certains États membres, dont le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (mémoire en intervention, point 13) et le Royaume de Suède (mémoire en intervention, points 24 et 25), que l’article 218, paragraphes 2 à 4, TFUE ne les interdise pas expressément ne suffit pas à les justifier.


36 – Voir dans ce contexte, par exemple, Krajewski, M., «External Trade Law and the Constitution Treaty: Towards a Federal and More Democratic Common Commercial Policy?», Common Market Law Review, Kluwer Law, 2005, ainsi que Müller-Graff, P.‑C., «The Common Commercial Policy Enhanced by the Reform Treaty of Lisbon?», Dashwood, A. et Maresceau, M., Law and Practice of EU External Relations, Cambridge University Press, 2008, p. 188.


37 – Arrêt Commission/Conseil (C‑27/04, EU:C:2004:436, point 81).


38 – Aux termes de la section A, le Conseil peut définir des «positions de négociation détaillées» (point 1); il doit être informé du «calendrier prévu et [d]es thèmes de négociation» (point 2); la Commission «fait rapport au Conseil» sur l’issue de chaque session de négociation (point 4 et article 2, deuxième phrase de la décision litigieuse) et «informe» le Conseil de «tout problème important» (point 4).


39 – Cité également, dans la section A pour définir «des positions de négociation détaillées» (point 1), «déterminer les questions essentielles» et «définir selon le cas les positions ou orientations pour la négociation» (point 3).


40 – Voir Eeckhout, P., External relations of the European Union, Oxford, 2005, p. 171.


41 – Voir MacLeod, I., Hendry, I. D. et Hyett, S., The external relations of the European Communities, Oxford University Press, 1998, p. 88, à propos de l’article 228 CEE, devenu l’article 218 TFUE. Sur ce point, leurs textes concordent sauf que l’article 228 CEE précisait que les «négociations sont conduites par la Commission en consultation avec des comités spéciaux désignés par le Conseil pour l’assister dans cette tâche» alors que l’article 218 TFUE prévoit que le «Conseil peut […] designer un comité spécial, les négociations devant être conduites en consultation avec ce comité».


42 – Devenus «Le Conseil peut adresser des directives au négociateur» dans l’article 218 TFUE.


43 – Voir MacLeod, I. Hendry, I. D. et Hyett, S., op. cit.. Ainsi que les auteurs le relèvent à juste titre, par exemple, «Article 228 [EEC] does not preclude the possibility of involvement of experts from Member States in such negotiations if the Commission is agreeable, but the ‘conduct’ of the negotiations is the responsibility of the Commission» (p. 87) et les directives de négociation «could not authori[s]e – or require – the Commission to begin a completely new set of negotiations with other parties. Such a change of tack would require a new Commission recommendation. On the other hand, it would seem to be possible for the Council to call a halt to negotiations by a directive under Article 228 [EEC]» (p. 89).


44 – Eeckhout, P., op. cit., p. 171. Pour des plus amples détails en ce qui concerne les deux exemples mentionnés ici (il s’agit de l’accord Blair House, d’une part, et des négociations sur les bananes, d’autre part), voir p. 172 et suiv.


45 – Voir arrêt Wybot (149/85, EU:C:1986:310, point 23).


46 – Voir arrêts Commission/Conseil , dit «AETR» (22/70, EU:C:1971:32, point 73) et Massey-Ferguson (8/73, EU:C:1973:90, point 4).


47 – Cette fois-ci, c’était le Tribunal: voir arrêt Roquette Frères/Commission (T‑322/01, EU:T:2006:267, point 327).


48 – Arrêt Parlement/Conseil (13/83, EU:C:1985:220, point 17).


49 – Avis 1/78 (EU:C:1979:224, point 30).


50 – Voir arrêt Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7, p. 44).


51 – Arrêt Parlement/Conseil, (C‑133/06, EU:C:2008:57, point 57 et jurisprudence citée). Voir, dans ce contexte, Etienne, J., «Le principe de l’équilibre institutionnel, manifestation et condition de l’État de droit», L’état de droit en droit international, Pedone, 2009, p. 249.


52 – Comme l’indique Delcourt, C., dans «Le principe de coopération loyale entre les institutions dans le traité établissant une Constitution pour l’Europe», Le droit de l’Union européenne en principes: liber amicorum en l’honneur de Jean Raux, Apogée, 2006, p. 464.


53 – Jacqué, J.‑P., Droit institutionnel de l’Union européenne, 4e éd., Dalloz, Paris, 2006, p. 217.


54 – Voir supra point 84 des présentes conclusions.


55 – Voir arrêt France/Commission, dit «Accord Commission/États-Unis sur la concurrence» (C‑327/91, EU:C:1994:305, point 28).


56 – C‑70/88, EU:C:1990:217, point 21.


57 – Mémoires en intervention du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (point 8); du Royaume de Danemark (points 9 à 12); de la République fédérale d’Allemagne (points 29 et 32); de la République française (point 6) et de la République de Pologne (point 7).


58 – Voir arrêt France/Commission, dit «Accord Commission/États-Unis sur la concurrence» (C‑327/91, EU:C:1994:305, point 28) et point 84 des présentes conclusions.


59 – Cloos, J., Reinesch, G., Vignes, D. et Weyland, J., Le traité de Maastricht – Genèse, analyse, commentaires, 2e éd., Bruylant, 1994, p. 343. Voir, également, Krenzler, H. G., et Pitschas, C., «Progress or Stagnation?: The Common Commercial Policy After Nice», European Foreign Affairs Review, 2001, vol. 6, p. 291.


60 – Appelé ainsi en référence à l’article 113 CEE dont l’équivalent aujourd’hui se trouve à l’article 207 TFUE. Voir, aussi, MacLeod e.a., op.cit., p. 88: «Article 113 [...] established a committee [...] to assist the Commission in the negotiation of agreements [...] This committee developed a general monitoring role across the whole field of the common commercial policy, but there was no similar arrangement in the original Treaty for the systematic scrutiny of the conduct of negotiations in other areas. In practice, this caused no great problem: the Commission’s progress in negotiation of agreements for the Community was kept under review in the Council’s regular working groups and in COREPER [...] Article 228 [EEC] codifies the existing arrangements, and develops them. The Council is now specifically given a right to establish special committees and the Commission is required to negotiate ‘in consultation with’ these committees».


61 – À savoir, dans la phrase «Ces négociations sont conduites par la Commission en consultation avec un comité spécial désigné par le Conseil» (article 113, paragraphe 3, CEE, devenu article 133, paragraphe 3, CE et lui-même devenu article 207, paragraphe 3, TFUE).


62 – La tension entre ces deux institutions apparaît encore dans l’affaire pendante Conseil/Commission (C‑73/14, voir note 3 des présentes conclusions), où le Conseil poursuit l’annulation de la «décision» de la Commission d’adresser au Tribunal international du droit de la mer un exposé écrit au nom de l’Union – sans avoir obtenu l’autorisation préalable du Conseil. Le commentaire Mégret, op. cit., relève à la page 87 que «Le spectre des accords de Blair House (en matière agricole) et de l’accord de Marrakech (sur les bananes) a entraîné une certaine méfiance à l’égard de la Commission quelques années plus tard, lors de la CIG de 1996. Il convient cependant de relever qu’en pratique la collaboration entre les délégations des États membres et de la Commission dans la conduite des négociations n’avait pas causé de difficultés. Elle semblait au contraire contribuer au succès des négociations, permettant à la Commission et aux États membres d’interpréter de manière pragmatique et flexible les directives de négociation du Conseil [...]» (c’est moi qui souligne).


63 – Voir point 13 du mémoire en défense. Voir, également, le souci d’éviter de «mauvaises surprises», relevé au point 115 des présentes conclusions.


64 – République tchèque (point 6), Royaume de Danemark (point 17); République française (point 21) et République de Pologne (point 5).


65 – Royaume de Danemark, points 14 et 17 et Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, point 15, sous c).


66 – Qui est caractéristique de la méthode communautaire et non de la méthode intergouvernementale.


67 – Parlement (point 34).


68 – Devuyst, Y., «EU law and practice in the negotiation and conclusion of international trade agreements», Journal of International Business and Law, vol. 12, nº 2, 2014, article 13, p. 295 et suiv. (traduction par mes soins des passages que je cite).


69 – Voir, par exemple, Cremona, M., «Defending the Community Interest: the Duties of Cooperation and Compliance», EU Foreign Relations Law: Constitutional Fundamentals, de Witte, 2008.


70 – Point 5 de la duplique.


71 – Avis 2/94, EU:C:1996:140, point 4 (c’est le gouvernement tchèque qui souligne).


72 – Voir également, en ce sens, arrêt Conseil/in ‘t Veld (C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 58), selon lequel la Cour a rejeté la pertinence d’un tel argument dans un contexte comparable.


73 –      Royaume de Suède, point 16.


74 – Voir point 28 des observations de la Commission sur les mémoires en intervention.


75 – Voir point 95 des présentes conclusions.


76 – L’article 207, paragraphe 3, TFUE dispose que «La Commission fait régulièrement rapport au comité spécial, ainsi qu’au Parlement européen, sur l’état d’avancement des négociations».


77 – Ceci semble être également la position majoritaire de la doctrine. Voir, par exemple, Lenaerts, K., et Van Nuffel, P., Constitutional law of the European Union, Thomson/Sweet & Maxwell, 2005, p. 883 (comme le Conseil doit approuver l’accord découlant des négociations, il est raisonnable qu’il puisse faire part de son avis au début et au cours des négociations).


78 – Voir point 36 des observations de la Commission sur les mémoires en intervention.


79 – Voir, notamment, MacLeod, J., Hendry, I. D. et Hyett, S., The External Relations of the European Communities: a manual of law and pratice, Oxford University Press, 1996, p. 89.


80 – Idem.


81 – Op. cit., p. 85. Voir également, Devuyst, Y., op. cit., p. 294: «[t]he Council may adopt negotiating directives at the time of launching the negotiations or at a later point in time; they may be updated and supplemented at any time during the negotiations», qui fait référence ici au document de la Commission du 26 avril 2005 intitulé Commission Services, Legal Issues Relating to the Negotiations within the Framework of the WTO’s Doha Development Agenda 4 SEC (2005) 566 final.


82 – À savoir, documents SEC(2008) 2721 et SEC(2009) 83.


83 – L’accord avec la Géorgie a été signé (JO L 321, p. 1).


84 – «Régulièrement» affirme le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord au point 15, sous d), de son mémoire.


85 – Arrêt France/Commission, dit «Accord Commission/États-Unis sur la concurrence» (C‑327/91, EU:C:1994:305, point 36). Voir, également, avis 1/94 (EU:C:1994:384, point 52).


86 – Cette interprétation est confirmée, notamment, par MacLeod e.a., op. cit., p. 87 («Strictly, the Commission is not ‘mandated’ by the Council, but ‘authori[s]ed’»).


87 – Selon le Conseil, «la Commission doit conduire les négociations dans les limites du mandat que le Conseil lui a donné» (mémoire en défense, point 42).


88 – Voir Waelbroeck, M., Louis, J. V., Vignes, D. et Dewost, J.‑L.: «Le droit de la Communauté économique européenne», Relations extérieures, vol. 12, Éditions de l’Université, Bruxelles, 1981, p. 30.


89 – Ce qui n’est pas le cas ici, contrairement à ce que prétend le Royaume de Suède (point 4), se fondant sur le fait que la politique de l’environnement relève d’une compétence partagée. Les négociations ont été autorisées et menées en partant du principe que l’accord serait conclu par l’Union uniquement. Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, TFUE, l’Union dispose d’une compétence exclusive pour la conclusion d’un accord international lorsque cette conclusion est prévue dans un acte législatif de l’Union (en l’espèce, à l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2003/87).


90 – Voir point 157 des présentes conclusions.


91 – Articles 225 TFUE et 241 TFUE.


92 – Tant au point 1 de la section A des directives de négociation (pour le début des négociations) qu’à leur point 3 (avant chaque session de négociation).


93 – Le sigle CITES vise la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction.


94 – Voir arrêt Commission/Conseil, dit «l’arrêt CITES» (C‑370/07, EU:C:2009:590, points 43 et 44).


95 – Selon le Conseil, «il appartient à la Commission de juger comment négocier» (souligné dans l’original au point 43 du mémoire en défense).


96 – Il convient de noter que l’original des directives de négociation est en langue anglaise.


97 – Comme l’indique la République tchèque, cela permet en effet d’éviter des problèmes au stade de l’approbation de l’accord par le Conseil (point 16).


98 – Selon lequel, «[e]n vertu du principe de coopération loyale, l’Union et les États membres se respectent et s’assistent mutuellement dans l’accomplissement des missions découlant des traités».


99 – Voir requête, points 20 et 27 ainsi que réplique, points 7 et 35.


100 – Voir, par exemple, République fédérale d’Allemagne (mémoire en intervention, point 17). La République française admet que le Conseil ne peut pas imposer de nouvelles conditions de procédure, mais soutient que la section A n’est que la traduction pratique du devoir de coopération loyale (mémoire en intervention, points 27, 28, 32 et 33).


101 – «Cette notion un peu mystérieuse dont on ne sait si elle est morale, politique ou juridique» (voir Verhoeven, J., Propos introductif, La loyauté. Mélanges offerts à Etienne Cerexhe, Larcier, 1997, p. 1).


102 – «[S]ous ses différentes formes – coopération loyale réciproque entre la Communauté et ses États membres, solidarité horizontale entre États membres, coopération loyale entre institutions communautaires – le principe de loyauté communautaire est bien au cœur du système juridique communautaire» (voir Simon, D., Le système juridique communautaire, 3e éd., 2001, p. 151). La Cour a dégagé un «principe de coopération loyale» (arrêt Wells, C‑201/02, EU:C:2004:12, point 64), un «devoir de coopération loyale» (arrêt Commission/Italie, C‑33/90, EU:C:1991:476, point 20), des «devoirs réciproques de coopération loyale» (arrêt Luxembourg/Parlement, 230/81, EU:C:1983:32, point 37), une «obligation de coopération loyale» (arrêt Athanasopoulos e.a., C‑251/89, EU:C:1991:242, point 57), «des exigences de coopération loyale» (arrêt Commission/Allemagne, C‑105/02, EU:C:2006:637, point 87), un «devoir [...] de loyauté» (arrêt Commission/Irlande, C‑459/03, EU:C:2006:345, point 169), un «principe de loyauté» (arrêt EU-Wood-Trading, C‑277/02, EU:C:2004:810, point 48) ou un «esprit de coopération loyale» (arrêt Commission/Irlande, C‑494/01, EU:C:2005:250, point 45) (voir Magnon, X., «La loyauté dans le droit institutionnel de l’Union européenne», Revue des affaires européennes, 2011/2, p. 245). De plus, voir par exemple arrêt Parlement/Conseil, dit «Préférences tarifaires généralisés», C‑65/93, EU:C:1995:91, points 21 à 28, où la Cour a cependant mis l’intérêt de la protection de l’équilibre institutionnel en balance avec l’exigence de coopération loyale entre les institutions [voir, également, conclusions contraires de l’avocat général Tesauro dans cette affaire (C‑65/93, EU:C:1994:405)].


103 – Voir Simon, D., Le système juridique communautaire, Paris, PUF, 2001, 3e éd., p. 149. Voir également, dans ce contexte, Burgorgue-Larsen, L., «La coopération interinstitutionnelle – Approche comparative et tentative de systématisation», Auvret-Finck, J., L’Union européenne, carrefour de coopérations, LGDJ, 2002, p. 13 et suiv.; Neframi, E., «The duty of loyalty: rethinking its scope through its application in the field of EU external relations», Common Market Law Review, nº 47, 2010, p. 323; Le Barbier-Le Bris, M., «Les principes d’autonomie institutionnelle et procédurale et de coopération loyale», Le droit de l’Union européenne en principes, op.cit., p. 419; Potvin-Solis, L., «Le principe de coopération loyale», Annuaire du droit européen, vol. VI/2008 (2011), p. 165; Thies, A., «Le devoir de coopération loyale dans l’exercice des compétences externes de l’Union européenne des États membres», Objectifs et compétences dans l’Union européenne, Bruylant, 2013, p. 315.


104 – Voir arrêts Parlement/Commission (C‑403/05, EU:C:2007:624, point 49) et Parlement et Danemark/Commission (C‑14/06 et C‑295/06, EU:C:2008:176, point 50).


105 – Auparavant article 7, paragraphe 1, deuxième alinéa, CE.


106 – En effet, le principe de coopération loyale lequel, en vertu d’une jurisprudence codifiée à l’article 13, paragraphe 2, dernière phrase, TUE, s’impose également aux institutions de l’Union (voir, en ce sens, arrêts Grèce/Conseil, 204/86, EU:C:1988:450, point 16, et Parlement/Conseil, dit «Préférences tarifaires généralisés», C‑65/93, EU:C:1995:91, points 23 et 27).


107 – Voir Jacqué, J.‑P., «The Principle of Institutional Balance», Common Market Law Review nº 41, 2004, p. 384. Ce dernier range l’équilibre institutionnel parmi les principes structurels, à côté de l’autonomie institutionnelle et de la coopération loyale entre les institutions et qualifie l’équilibre institutionnel de principe constitutionnel. Voir, également, Van Raepenbusch, S., Droit institutionnel de l’Union européenne, 4éd., Larcier, 2005, p. 451 (il s’agit d’un principe à la base du système institutionnel de la Communauté); Tridimas, T., The General Principles of EU Law, 2e éd., Oxford University Press, 2006, p. 4 (ce principe est parmi les «systemic principles which underlie the constitutional structure of the Community and define the Community legal edifice»); Guillermin, G., Le principe de l’équilibre institutionnel dans la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, JDI, 1992, p. 319 (qui qualifie ce principe de principe structurel); Papadopoulou, R.‑E., «Principes généraux du droit et droit communautaire», Bruylant, 1996, p. 118 (il s’agit d’un principe général, de nature constitutionnelle, fondamental ou structurel); De Witte, B., «Institutional Principles: A Special Category of General Principles of EC Law»; Bernitz, U. et Nergelius, J., General Principles of EC Law, Kluwer, 2000, p. 143 (l’équilibre institutionnel est rangé parmi les principes généraux de droit institutionnel, dans la catégorie des principes horizontaux).


108 – Voir ses conclusions dans l’affaire Conseil/Commission (C‑409/13, EU:C:2014:2470, point 98).


109 – Pour une analyse approfondie, l’avocat général Jääskinen se réfère à Blumann, C., «Caractéristiques générales de la coopération interinstitutionnelle», Auvret-Finck, J., L’Union européenne, carrefour de coopérations, LGDJ, 2000, p. 29 à 61.


110 –      Voir Jacqué, J.‑P., op. cit., p. 386, qui ajoute que «the principle has [also] provided useful support for the Commission when it tried to oppose claims of the Parliament to obtain the withdrawal of its proposals».


111 – Ainsi que l’avocat général Tizzano l’a souligné à juste titre (voir sa prise de position dans l’affaire Commission/Conseil, C‑27/04, EU:C:2004:313, point 140), il serait contraire à l’équilibre entre les institutions d’interpréter les traités comme limitant le rôle d’une institution à approuver systématiquement les recommandations de l’autre et la réduire à un rôle «notarial». Cette réflexion qui visait le Conseil dans ladite affaire vaut évidemment mutatis mutandis pour les autres institutions (ici, la Commission).


112 – Vu le fait que le Conseil ne laisse à la Commission que le «comment négocier» pour lui enlever le «ce qu’il faut négocier». À l’audience, le Conseil a affirmé qu’il aurait «the right to steer the negotiations» ce qui est, à mon avis, évidemment contraire au traité FUE.


113 – D’ailleurs, selon l’article 10, paragraphe 1, TUE, «[l]e fonctionnement de l’Union est fondé sur la démocratie représentative».


114 –      Dans ce contexte, ainsi que Eeckhout, P., op. cit., p. 196, le relève à juste titre, «there is clearly a need for the Commission, which ensures the application of the Treaties and of EU legislation (again with the exception of the CFSP), to be the negotiator for agreements covering matters of internal policy-making under the TFEU. The negotiated agreement will need to fit into the broader framework of EU law, and the Commission has the institutional capacity and memory to ensure this».


115 – En citant l’auteur latin Juvénal: «sed quis custodiet ipsos custodes?»


116 – Par exemple la République fédérale d’Allemagne, points 6 à 10.


117 – À savoir au mois de novembre 2013.


118 – Royaume de Suède, point 38; Royaume de Danemark, point 31.


119 – Royaume de Suède, point 42.


120 – D’ailleurs, ainsi que le relève le commentaire Mégret, J., op.cit., p. 436, «[l]a Commission incarnant l’intérêt général [de l’Union] doit [...] voir son rôle de représentation internationale valorisé au-delà des seules compétences exclusives ou même prépondérantes de [l’Union]. Dans une Europe au nombre d’États croissant, elle apparaît pour différentes raisons comme l’interlocuteur qui s’impose dans les enceintes internationales pour exprimer la voix de [l’Union] et de ses États membres: elle dispose d’une incontestable expertise, elle incarne la stabilité par rapport au tourbillon des présidences changeant tous les six mois et dont le personnel est plus ou moins averti de certains dossiers internationaux. Songeons à une négociation internationale s’étalant sur trois ans où l’on verrait, hors domaines de compétences exclusives, ‘tourner’ six interlocuteurs au titre de la présidence, connus pour certains, ignorés et sans aura pour d’autres [...]».


121 – Voir arrêt Parlement/Conseil, dit «Convention de Lomé» (C‑316/91, EU:C:1994:76, points 11 et 12).


122 – Voir, à titre d’exemple, arrêt Commission/Conseil, C‑29/99, EU:C:2002:734, point 45 et jurisprudence citée.


123 – Un problème peut se poser si une disposition à laquelle il est fait référence vient à disparaître, mais normalement pas lorsqu’il s’agit de la disparition de la disposition qui fait la référence.


124 – Il s’agit d’une jurisprudence constante: voir, par exemple, arrêts Allemagne/Commission (C‑239/01, EU:C:2003:514, point 37) et France/Parlement et Conseil, (C‑244/03, EU:C:2005:299, point 12).


125 – Arrêt Commission/Département du Loiret (C‑295/07 P, EU:C:2008:707, point 104); arrêt Commission/Verhuizigen Coppens (C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 54).