La double nuit du lac
C’est un roman de poète. Travail d’orfèvre d’une douceur inouïe, ode à la solitude qui rend au temps son épaisseur, La double nuit du lac se laisse difficilement résumer. Peut-être faut-il seulement y plonger d’un seul mouvement à l’instar du narrateur traversant un lac, d’une rive à l’autre ; se laisser guider par ses sensations, attendre d’être tout entier habité par les traces des fantômes qui continuent de vivre en nous.
On connaît à Julien Burri, auteur d’une douzaine de livres, une plume vive, sensible, d’une précision remarquable. Dans son dernier récit, Parades (Paulette éditrice, 2022), il mettait son lyrisme au service d’un retour vers ses premiers désirs amoureux ; ici, la sensualité se love dans la nostalgie d’une relation sensible au monde.
D’une scène d’intérieur à une traversée de la forêt, le narrateur est à la fois discret et omniprésent, quand son amoureux, jamais désigné autrement que par le pronom il, ne cesse de se dérober. Au fil des pages, il s’éloigne, se fait transparent et insaisissable :
Il est devenu un point, là-bas, peu à peu mangé par la lumière.
Un souffle de vent, un battement d’ailes ; désormais le monde a changé, rien ne sera pareil.