Savoir gré

Répondre
Avatar de l’utilisateur
Manni-Gédéon
Messages : 1217
Inscription : lun. 12 avr. 2010, 14:35
Localisation : Genève (CH)

Savoir gré

Message par Manni-Gédéon »

Une personne de mon entourage m'a demandé comment j'utiliserais l'expression «savoir gré». La question me paraît suffisamment intéressante pour vous en faire part.
Dans une lettre où on expose une situation à un supérieur hiérarchique en espérant qu'il se montrera compréhensif, on lui a dit de conclure par : «Je vous sais gré de votre compréhension.» Elle a suivi les ordres sans la moindre conviction.
Cette phrase me semble bizarre : à mon avis, elle conviendrait si le destinataire s'était déjà montré compréhensif.

Voici ce que dit le dictionnaire de l'Académie :
2. Gratitude, reconnaissance. Ne s'emploie que dans la locution verbale Savoir gré. Je lui sais gré, bon gré de sa conduite. Elle vous sait un gré infini d'avoir consenti à cette démarche. On lui a su peu de gré de son dévouement. Il ne devrait pas se mêler de cette querelle, tout le monde lui en saura mauvais gré, en sera mécontent. Se savoir gré de, se féliciter de. Je me sais gré d'être resté à l'écart de cette intrigue. Spécialt. Dans des formules de politesse, souvent avec une intention impérative. Je vous saurai gré ou je vous saurais gré de, je vous demande de. Je vous saurais gré de conclure rapidement.
En conclusion, j'utiliserais l'expression «savoir gré» au conditionnel si elle était suivie d'un verbe et dans le cas cité plus haut, j'écrirais plutôt une formule comme : «Je vous remercie (d'avance) de votre compréhension» ou «En vous remerciant (d'avance) de votre compréhension, je vous prie d'agréer...» suivant le style de la lettre.
Qu'en pensez-vous ?
L'erreur ne devient pas vérité parce qu'elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient pas erreur parce que nul ne la voit.
Gandhi, La Jeune Inde
Avatar de l’utilisateur
Jacques
Messages : 14475
Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum

Message par Jacques »

Je ne peux que vous approuver. Quand on sollicite, savoir gré s'emploie au conditionnel : Je vous saurais gré de bien vouloir...
Avec remercier on peut écrire : Je vous remercie à l'avance de l'attention que vous voudrez bien accorder à ma demande.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Avatar de l’utilisateur
Perkele
Messages : 9736
Inscription : sam. 11 juin 2005, 18:26
Localisation : Deuxième à droite après le feu

Message par Perkele »

Mais on peut savoir gré d'avoir lu la lettre jusqu'au bout (prété attention à la requête) :wink:
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
codrila

Message par codrila »

Employé au conditionnel, ce " je vous saurais gré de bien vouloir..." a, pour moi, une valeur injonctive déguisée , une forme très policée pour signaler qu'on attend que l'autre s'exécute , ce n'est plus une sollicitation .
Je me garderai de l'utiliser dans une lettre adressée à un supérieur hiérarchique , sauf à vouloir le remercier après coup de quelque chose et là, bien sûr, avec un indicatif présent .
Avatar de l’utilisateur
Jacques
Messages : 14475
Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum

Message par Jacques »

Permettez-moi, Codrila, d'apporter une nuance.
Je vous saurais gré, au conditionnel, mode de l'éventualité, est respectueux parce qu'il fait appel au bon vouloir de l'interlocuteur ; c'est l'équivalent de Je vous serais reconnaissant (si vous vouliez bien...) ;
En revanche, le futur Je vous saurai gré, employé notamment par des administrations comme les services fiscaux, a une valeur impérative avec une menace sous-jacente de sanctions au cas où l'on ne s'exécuterait pas. C'est une fausse politesse, le mode indicatif étant celui de la certitude, de l'action accomplie ou à accomplir.
Croyez-moi, outre une formation à la correspondance commerciale ou administrative, je bénéficie d'une longue expérience en la matière.
Écrire « je vous saurai gré » à un supérieur est de la dernière impolitesse.
Les administrations qui possèdent des moyens de coercition l'emploient à dessein : vous n'avez pas le choix, il est entendu que vous devez vous exécuter.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Avatar de l’utilisateur
Dame Vérone
Messages : 566
Inscription : mer. 24 mars 2010, 17:03
Localisation : au bord de la Seille

Message par Dame Vérone »

Oui, bon gré mal gré, il faut s'exécuter.
L'expression « A l'insu de son plein gré» a fait fureur il y a quelques années...
Avatar de l’utilisateur
Jacques
Messages : 14475
Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum

Message par Jacques »

Dame Vérone a écrit :Oui, bon gré mal gré, il faut s'exécuter.
L'expression « A l'insu de son plein gré» a fait fureur il y a quelques années...
Au gré des évènements.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Avatar de l’utilisateur
TSOS
Messages : 519
Inscription : ven. 04 févr. 2011, 13:22
Localisation : Duché de Bretagne / Nordrhein Westfalen /S'la,sk

Message par TSOS »

Jacques a écrit :Permettez-moi, Codrila, d'apporter une nuance.
Oui, mais - si je ne me trompe pas (et j'ai là un doute) - saurais et saurai se prononcent pareillement, et de manière subliminale, l'un ou l'autre des sens peut irriter le destinataire, même si évidemment une étude consciente de ce qui fut écrit lui révèlerait que cette irritation n'a pas lieu d'être.

Je suis là dans une question du domaine de la psychologie, plus ou moins, et je sens ma remarque un peu vaseuse; pourtant, je sens aussi qu'il y a là quelque matière à émettre des réserves quant au fait d'utiliser "saurais gré" à tour de bras aux dépens d'une autre formule moins ambigüe à l'oral. L'oral, car, dans sa tête, on lit en quelque sorte (même si rien ne sort en général de la bouche).
Avatar de l’utilisateur
Jacques
Messages : 14475
Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum

Message par Jacques »

Non, la prononciation n'est pas la même : dans saurais on prononce avec è ouvert, comme dans grès, saurai se prononce avec é fermé comme dans couché.
Mais peu importe, ces formules dont nous débattons sont du domaine de la correspondance, c'est donc la forme écrite qui compte, et uniquement elle.
C'était d'ailleurs bien précisé dans la question, qui concernait la formule à utiliser dans une lettre.
On évite à l'oral d'employer la formule « Je vous saurais gré », sauf avec une intention un peu perverse de persiflage.
À l'écrit on varie : Je vous serais obligé, je vous serais reconnaissant...
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Avatar de l’utilisateur
TSOS
Messages : 519
Inscription : ven. 04 févr. 2011, 13:22
Localisation : Duché de Bretagne / Nordrhein Westfalen /S'la,sk

Message par TSOS »

Ah, on m'avait enseigné que les deux se disaient è...
Au temps pour moi.

Et j'avais bien compris qu'il s'agissait de l'écrit, mais ce que j'essayais de faire comprendre, c'est que lorsqu'il y a lecture d'un texte, ce dernier résonne parfois en même temps dans l'esprit des gens, comme s'ils l'entendaient, et c'est là qu'une sorte d'oral se serait retrouvée.
Mais puisque ai ne se prononce pas toujours è comme je le croyais, mais remarque n'a de toute façon plus lieu d'être. :)
codrila

Message par codrila »

Effectivement , la prononciation est différente dans le nord de la France et impossible à distinguer dans le Midi. Les Méridionaux ne font aucune différence phonétique entre le -ais du conditionnel ou de l'imparfait et le -ai du futur.

Mais, Jacques a raison, il s'agit de l'écrit et ce n'est pas ce qui fondait ma remarque. D'ailleurs, je n'avais évoqué que la formule avec conditionnel, celle avec futur de l'indicatif étant clairement injonctive quoique l'ordre soit atténué par l'aspect policé .

Si vous me dites que " je vous saurais gré de bien vouloir..." est courant en langage administratif lorsqu'on présente une requête à un supérieur et parfaitement admis, je vous crois puisque je n'ai pas d'expérience dans ce domaine.
Cependant, j'explique encore sur quoi repose ce qui me gêne .

Je perçois encore la différence entre "être reconnaissant" et " savoir gré ", tout en sachant que leurs sens sont très proches, d'autant que les dictionnaires les donnent pour synonymes.
Pourtant, il me semble qu'ils ne se superposent pas.
Éprouver de la reconnaissance , être reconnaissant , sous-entend qu'on a une dette, qu'on est redevable du service rendu ou du bienfait accordé . Tandis que l'emploi du mot " gré " sous-entend qu'on éprouve de la satisfaction car l'autre s'est comporté comme on l'attendait de sa part. ( voir le sens premier de gré ).
C'est la raison pour laquelle il me semblait risqué de l'employer envers un supérieur hiérarchique . Maintenant, si vous êtes tous certains que je suis la seule aujourd'hui à percevoir la nuance, je ne dis plus rien. :)
Avatar de l’utilisateur
Jacques
Messages : 14475
Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum

Message par Jacques »

Votre raisonnement peut se défendre, mais, dans la pratique, savoir gré ou être reconnaissant sont identiques. Toutefois, être reconnaissant peut se percevoir comme emphatique par rapport à l'autre. Vous savez, ces histoires de correspondance sont complexes, le type de rédaction dépend de la personne qui écrit et de sa position vis-à-vis de celle à qui elle s'adresse. On ne peut pas donner de formule type, il faut s'adapter à la situation. J'en ai écrit ou corrigé de ces lettres, et aujourd'hui j'agis par intuition fondée sur l'habitude, il me serait difficile de donner des critères précis. Il y a parfois nécessité de « mordre la poussière » comme disait mon prof d'anglais commercial, et bien qu'on répugne aux bassesses, il faut selon la nécessité remettre une couche de salamalecs : Je vous saurais infiniment gré, je vous serais extrêmement reconnaissant. On ravale sa fierté et on a recours à la basse flatterie quand c'est une affaire de grande nécessité.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
codrila

Message par codrila »

Vous m'avez en tout cas convaincue que dans ce genre de circonstances, le raisonnement ne doit pas perdre de vue la réalité. :)
Avatar de l’utilisateur
Jacques
Messages : 14475
Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum

Message par Jacques »

Vous raisonnez avec sagesse.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Lejh
Messages : 2
Inscription : ven. 23 nov. 2012, 20:22

Message par Lejh »

J'arrive sur ce sujet par hasard.

Sur une lettre, une façon détournée d'impliquer ces tournures, n'est est-elle pas :
Si vous me comprenez, j’en saurais gré.
Répondre