11/04

Le Billet de la semaine

Bonjour à vous toutes et à vous tous,

Dernier rappel en vue du dévoilement du grand ou de la grande gagnante de cette 16e remise du prix du Club des Irrésistibles.

À tous les membres du jury : vous avez jusqu’à mercredi prochain pour me faire connaître, à même ce courriel, votre choix parmi les cinq oeuvres en lice, car les résultats seront dévoilés le lendemain dans l’Infolettre. Aucun commentaire n’est requis, indiquez-moi simplement le titre qui a retenu votre attention.


Rature

Quel bel objet que Rature (Stock, 2023) de Philippe Claudel ! Ce livre est magnifiquement illustré par Lucille Clerc, celle-là même qui a déjà signé les pages couvertures des derniers romans de l’écrivain français.

Rature est le surnom qui avait été attribué au narrateur, jamais nommé, par Madame Lesme, sa professeure, alors qu’il n’avait pas encore dix ans, mais c’est également le nom de son fileyeur, son bateau de pêche.

Le narrateur est un être de peu de mots. Il ne sait pas dire les choses. C’est sa femme qui s’occupe de la comptabilité et des papiers. Il avait, comme son père avant lui, amené son fils la première fois en mer à l’âge de neuf ans, malgré l’inquiétude de la mère. Avait-elle raison d’être préoccupée ? Elle n’avait qu’un fils et elle ne voulait surtout pas le perdre !

Le narrateur travaille avec celui que l’on nomme le Joss. La parole n’est pas son fort à lui non plus. Il ne vit que pour et par la mer. À la différence de son capitaine qui est marié et qui a un fils, lui est célibataire et sans enfants. « Quand il avait racheté le bateau près de 20 ans plus tôt, le Joss était compris dans le prix. À prendre ou à laisser. Il avait pris. Il le connaissait. Sans âge. Sans famille. Dans sa vie, la pêche, et rien d’autre. » Le Joss mâchouille continuellement une réglisse et déteste prendre des vacances, même si, face à la loi, c’est obligatoire.

On suit le narrateur du départ du quai à 3 heures du matin jusqu’à son retour. Il y a ensuite la criée et la vente des prises de la journée. « C’était toujours Cyclope qui lui achetait sa marée. Un conscrit. » Cela ne faisait pas le bonheur des pêcheurs, mais c’était ainsi.

J’ai fait un bien beau voyage à bord de Rature, malgré l’imprévisibilité de la mer et, par le fait même, de ses dangers. Ces hommes qui, au péril de leur vie, repartent chaque matin à l’aube dans l’espoir que la pêche sera bonne ont toute mon admiration. On sent bien tout l’amour que porte Philippe Claudel à ces gens de la mer ; il leur rend un bel hommage dans ce texte poétique.


Les Irrésistibles de Marie-Anne ont aussi leur page Facebook. Venez voir !

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En vous rendant sur la chaîne YouTube à l’émission Les Irrésistibles de Marie-Anne, vous pourrez entendre, à chaque semaine, mes commentaires et critiques de théâtre ou d’arts visuels.

Je vous souhaite de très belles découvertes et à la semaine prochaine,

Marie-Anne


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Baisse ton sourire

Levaux, Christophe

Baisse ton sourire

Chaque page tournée de ce roman est une appréhension. Le signe avant-coureur d'une violence qu'on pressent. D'un mal qui se reproduit, qui irradie plus fort que la dernière fois, se propage et finit par tout emporter sur son passage.

Le passé moche : l'enfance morose, une vie de prolo, le sentiment de ne pas se sentir à sa place, le souvenir du vieux, usé, couvant sa colère à table et des cris sourds, crevant le plancher et le lino de la chambre, le soir.

Le présent : un boulot à la con, l'ennui, le sentiment tenace de ne pas se sentir à sa place et la grisaille d'une petite ville de province à l'abandon.

Et l'amour : une femme illuminant le monde. Pour ne laisser qu’un champ de dévastation et un profond sentiment d'amertume.

Baisse ton sourire, c'est une histoire de la violence conjugale. De ce qui transforme insidieusement la beauté et l'amour en un monstre de laideur inexcusable. Un roman d'un réalisme cru qui nous prend aux tripes et qu'on voudrait très sincèrement ne pas avoir à lire... Néanmoins la réalité est ce qu'elle est et il faut pouvoir la regarder en face, la dévisager et lui faire honte.

Membre : France Cette suggestion est proposée par un lecteur du Pays de Romans – France, membre du club de lecture Troquez vos Irrésistibles et partenaire du Club Les Irrésistibles des Bibliothèques de Montréal. Levaux, Christophe. Baisse ton sourire, Éditions Do, 2023, 152 pages.

Dune : deuxième partie

Villeneuve, Denis

Dune, deuxième partie

Difficile de résumer ce film d'une durée de presque trois heures.

Sa famille ayant été anéantie par les Harkonnens, Paul Atréide rejoint les Fremen (un peuple du désert) pour prendre sa revanche. Il tombe amoureux de Chani, une Fremen qui ne croit pas en lui au début. Mais peu à peu, ils s'apprécient à leur juste valeur et réussissent à vaincre l'ennemi.

Ce n'est pas l'histoire qui rend ce film grandiose, car elle a été racontée il y a 60 ans par Frank Herbert dans un roman qui a connu son heure de gloire. C’est plutôt la réalisation du film lui-même par un réalisateur au sommet de son art. On en a plein la vue. Et on est encore ébloui même si on a vu Dune 1 une ou même deux fois.

Et devinez ce qui nous vient à l'esprit lorsqu'on voit la dernière séquence du film ? Bien sûr : quand verra-t-on le troisième volet ?

Titre en anglais : Dune : Part Two Membre : Michel, Saint-Jean-sur-Richelieu Villeneuve, Denis. Dune : deuxième partie, Film américain, 2024.

Ce film a déjà été suggéré par le Club des Irrésistibles, lire ici.

L'Amour en équation. 1, Dans la bulle d'Émilie

Camomille & Clara Lang

L'amour en équation

Lorsqu'on aborde l'adolescence, et même quelquefois un peu avant, on s'interroge sur comment faire pour rencontrer l'amour.

Émilie va devoir le découvrir même si ce n'est pas sa priorité. Sa grand-mère, malade, lui intime l'ordre de trouver l'amour, pour ne pas être seule le jour où elle disparaîtra.

Mais lorsque, comme Émilie, on est autiste Asperger, le concept de l'amour se révèle bien trop abscons pour trouver l'amour de sa vie. Malgré tout, elle se lance avec plus ou moins de réussite cependant...

Une BD rafraîchissante. Suivre Émilie dans sa recherche de l'amour mais aussi d'amitié est apaisant, car même si elle travaille, elle ne fréquente personne et n'a pour seule compagnie que son chat et sa grand-mère. Oui, c'est bizarre de dire ça, je sais, mais c'est ce que j'ai ressenti, car à travers son parcours, ses réflexions, je me suis rendu compte que finalement, on est tous soumis aux mêmes contraintes. Valides, handicapés, hommes, femmes, introvertis ou extravertis, trouver l'amour n'est pas forcément simple, évident et une fin en soi.

J'ai hâte de savoir comment va évoluer le récit !

Membre : France Cette suggestion est proposée par un lecteur du Pays de Romans – France, membre du club de lecture Troquez vos Irrésistibles et partenaire du Club Les Irrésistibles des Bibliothèques de Montréal. Camomille & Clara Lang. L'Amour en équation. 1, Dans la bulle d'Émilie, Éditions Delcourt, 2023, 80 pages.

L'Emprise insidieuse : face à son destin

Viau, Gisèle

L'Emprise insidieuse

Je viens de terminer la lecture d'un roman québécois d’inspiration historique : L'Emprise insidieuse : face à son destin. L’histoire se passe à la campagne, sur la Rive-Sud et à Montréal.

L’autrice raconte l’histoire de familles québécoises à partir des années 50 jusqu’en 1980. Nous y retrouvons l’emprise de la religion sur les croyances familiales, en particulier, sur les femmes qui accouchaient hors mariage et l’adoption des enfants de ces jeunes mères célibataires. Nous y retrouvons aussi l’emprise qu’avait le mari dans le couple. Mais tout n’est pas noir.

Ce roman m’a ramené à mes souvenirs d’enfance et de jeune adulte dont la solidarité dans la fratrie, les fêtes de famille avec leurs chansons et leurs danses, le cours classique, les écoles laïques publiques et l’UQAM.

Membre : Jean de Montréal Viau, Gisèle. L'Emprise insidieuse : face à son destin, Éditions du Tullinois, 2024, 498 pages.

La Charmante librairie des jours heureux

Colgan, Jenny

La Charmante librairie des jours heureux

Un feel-good roman. Nina, une bibliothécaire britannique dans la trentaine, rêve d’acheter un van rempli de livres qui ferait la joie des gens partout où elle passerait.

Une occasion se présente dans les petites annonces ; Nina se rend en Écosse au cœur des Highlands et découvrira une communauté chaleureuse et attachante, ainsi que de nouveaux et beaux défis qui l’attendent.

Membre : Josette G. de Montréal Colgan, Jenny. La Charmante librairie des jours heureux, Éditions Prisma, 2016, 2022, 409 pages.

La Doublure

Da Costa, Mélissa

La Doublure

Une histoire à trois personnages : Clara, une peintre qui s'intéresse à l'époque du romantisme noir (Goya, Friedrich, Füssli, Delacroix, Munch, Klee, Ernst, Dalí) ; Pierre, son mari, qui se charge des relations publiques pour mousser les tableaux de sa femme ; Evie qui veille à ce que chaque exposition de Clara soit une réussite.

Une histoire banale, vous dites ? Que non. Tordue ? Ça, oui ! Une relation toxique : Clara aime bien partager son mari avec Evie ; Pierre sniffe de la cocaïne de son lever à son coucher ; Evie fantasme sur les toiles représentant Lilith, un démon féminin qui aurait été créé par Dieu en même temps qu'Ève.

Au début, tout est calme. Pierre engage Evie pour assister Clara et lui dans l'organisation des expositions. Mais petit à petit la situation s'envenime. Pour se terminer par une tragédie, évidemment.

C'est une histoire bien menée, bien écrite, ingénieuse. On retient son souffle jusqu'au dernier paragraphe.

Membre : Michel, Saint-Jean-sur-Richelieu Da Costa, Mélissa. La Doublure, Éditions Albin Michel, 2022, 420 pages.

Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.

Pensées secrètes

Lodge, David

Pensées secrètes

C'est l'histoire de la rencontre amoureuse de deux professeurs, Helen Reed, veuve, professeure de littérature et Ralph Messenger, marié, spécialiste des sciences cognitives. Il y a peu de dialogues.

Ce sont les journaux intimes de chacun que nous lisons avec intérêt. Nous apprenons plusieurs aspects du fonctionnement du cerveau, de l'intelligence artificielle, et l'auteur nous donne en référence une liste de livres sur le sujet.

Ce roman est écrit avec humour et notre curiosité nous pousse à le lire jusqu'à la fin.

Titre original : Thinks Membre : Montréal Lodge, David. Pensées secrètes, Éditions Payot & Rivages, 2001, 2004, 402 pages.

Cette oeuvre a déjà été suggérée par le Club des Irrésistibles, lire ici.

Un autre regard sur Michel-Ange : découvrir les mystères de l'œuvre du maître de l'art sacré

Wallace, William E.

Un autre regard sur Michel-Ange

Thomas Schlesser, avec Les Yeux de Mona (2024), nous a offert un incroyable cours d’histoire de l’art. Pour moi, le danger avec ce genre de livre, c’est qu’il ouvre à la curieuse que je suis mille et une pistes à suivre. J’ai donc eu envie de côtoyer plus profondément l’œuvre de certains artistes, dont Michel-Ange, en lisant sa biographie écrite par Vasari, son contemporain, et en revisitant plusieurs de ses créations.

Occasion tout indiquée pour ouvrir le très beau livre Un autre regard sur Michel-Ange qui propose 50 de ses œuvres, en révélant leur « dimension symbolique » et en les mettant dans le contexte de l’époque. Le livre présente aussi leurs techniques de réalisation et la vie de l’artiste.

Le livre, de 34 cm x 27 cm, présente de splendides illustrations en couleurs pleine page sur un papier glacé de qualité. Il faut souligner l’excellent travail d’édition.

« Des “pages-fenêtre” offrent un regard nouveau et viennent mettre en lumière certains détails des tableaux, sculptures et dessins de l’artiste, qui comptent parmi les plus célèbres de l’histoire de l’art. Au fil des cinquante œuvres présentées, nous redécouvrons le travail de Michel-Ange, l’expression de sa foi et la portée immense de son œuvre. » (Notes de l’éditeur)

Il existe d’autres titres de cette collection « Un autre regard sur », offerts à prix très abordable compte tenu de la richesse des illustrations et la justesse des commentaires.

C’est une vraie fête pour les yeux qui peut durer longtemps quand on prend la peine de lire « à petites gouttes » et s’offrir des joies quotidiennement.

Membre : Monique L. de Sherbrooke Wallace, William E. Un autre regard sur Michel-Ange : découvrir les mystères de l'œuvre du maître de l'art sacré, Éditions Rissoli, 2012, 260 pages.

Une chanson douce

Clark, Mary Higgins

Une chanson douce

Quel magnifique roman policier, plein d’intrigues ; on soupçonne tout le monde d’avoir commis des crimes et la fin est imprévue.

À la suite d’un incendie dans la manufacture de meubles antiques du père de Kate, on croit cette dernière coupable d’y avoir mis le feu. Il y a Clyde Hotchkiss, itinérant qui couche dans un vieux camion du stationnement de la manufacture depuis quatre ans.

Dans les décombres, on retrouve un cadavre qui est là depuis 28 ans. Je n’en raconte pas plus. Incroyable et hyper intéressant !

Titre original : Daddy's Gone a Hunting Membre : Lachine Clark, Mary Higgins. Une chanson douce, Éditions Albin Michel, 2013, 438 pages.

Une survivante d'Auschwitz raconte. Ginette Kolinka, Adieu Birkenau

Matet, Victor et Jean-David Morvan

Adieu Birkenau, une survivante d'Auschwitz

« En avril 1944, à 19 ans, Ginette Kolinka est déportée au camp d'extermination d’Auschwitz II-Birkenau.

En octobre 2020, à 95 ans, elle permet à Victor Matet et à Jean-David Morvan de l'accompagner lors d'un de ses voyages de groupe en Pologne. »

Cette BD est donc le récit bouleversant de ce qu'a vécu Ginette Kolinka, d’avril 1944 à mai 1945. Pendant 50 ans, comme beaucoup d'autres survivants, elle n'a rien voulu raconter. Le déclic se fera lorsqu'elle accepte d'être filmée pour la Shoah Foundation créée par Steven Spielberg.

Depuis, elle raconte ce qu'elle a subi notamment à des classes de collèges, de lycées, qu'elle accompagne lors de voyage scolaire en Pologne. Pour transmettre aux nouvelles générations une terrible histoire de l'Humanité qu'il ne faut pas oublier. En octobre 2020, elle décidera de ne jamais y retourner.

Cet album fait le lien entre son premier et dernier passage à Birkenau. Ce qui est très émouvant, en dehors des faits racontés, c'est que, sur une même page, se côtoient les ombres du passé et les visiteurs du présent. Ce choix fait par les illustrateurs donne au récit de l'émotion et permet, en tout cas je l'espère, de faire prendre conscience à certains, que ces lieux sont à respecter, car des personnes y sont mortes, quel que soit l'endroit où l’on regarde. Ce parti pris se comprend dès la couverture où la Ginette déportée, croise la Ginette survivante.

Ce que j'ai apprécié, c'est que les auteurs racontent et dessinent les faits avec respect, pudeur et précision, sans pour autant faire dans le pathos. De toute façon, ils n'ont pas besoin d'en rajouter pour faire comprendre l'horreur des camps, l'horreur vécue par hommes, femmes et enfants envoyés dans ces camps de la mort.

Je vous invite donc à lire ce témoignage fort, émouvant, émaillé de l'humour et de la joie de vivre de Ginette Kolinka.

Mis en images par Efa, Cesc et Roger. Membre : France Cette suggestion est proposée par un lecteur du Pays de Romans – France, membre du club de lecture Troquez vos Irrésistibles et partenaire du Club Les Irrésistibles des Bibliothèques de Montréal. Matet, Victor et Jean-David Morvan. Une survivante d'Auschwitz raconte. Ginette Kolinka, Adieu Birkenau, Éditions Albin Michel, 2023, 95 pages.
pas touche!!!