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La nature du socialisme

L’existence d’une crise écologique, au niveau mondial, est désormais un problème majeur. La réponse que nous essayons d’y apporter, en tant que socialistes, repose souvent sur une politique de «développement durable». Avons-nous raison?

A mon avis, le développement durable n’est qu’une facette de la politique que les socialistes devraient défendre. Il est une réponse au mieux à moitié vraie au pire une impasse qui va à l’encontre de nos intérêts. Le développement durable est aujourd’hui instrumentalisé par tous les pouvoirs dominants : les grandes entreprises etc. Il est symptomatique de voir que l’Université « ouvrière » de Genève, dans un cycle de conférence sur le développement durable, fait intervenir le « World Business Council for Sustainable Development », la très patronale organisation fondée par le magnat du ciment Stefan Schmidheiny…

Le développement durable propage l’idée fausse qu’il existerait des solutions techniques au problème écologique, qu’il serait possible de créer un « découplage » entre la croissance économique et l’impact environnemental, etc. Surtout, le développement durable nie qu’il existe des intérêts fondamentaux divergents entre les dominants et les dominés. Le développement durable, au-delà des actions justes et nécessaires qu’il promeut, recouvre le plus souvent une perspective profondément conservatrice.

Le capitalisme contre la nature

En réalité, la crise écologique globale est d’abord une crise de l’organisation économique de nos sociétés, autrement dit une crise du capitalisme. Le capitalisme est un système économique basé sur l’accumulation sans limites du capital. Là où le socialisme vise à créer une société qui répondrait aux besoins véritables des êtres humains, c’est-à-dire une société basée sur la production de valeurs d’usage (des biens et des services qui répondent à des besoins humains), le capitalisme cherche uniquement à créer et accumuler de la valeur économique, c’est à- dire de la valeur d’échange. Par exemple, quand un capitaliste investit dans l’agriculture, ce qui l’intéresse n’est pas la production concrète de carottes mais le profit qu’il pourra en retirer. Si son profit est plus grand lorsqu’il crée une pénurie que lorsque la nourriture arrive aux gens qui ont faim, il se décidera pour la première solution.

Quel est le problème que pose le capitalisme d’un point de vue écologique ? Comme son but est l’accumulation de la valeur, le capitalisme transforme toutes les améliorations de la production en une production supplémentaire. Si un procédé permet d’économiser 50% du temps de travail nécessaire à produire un bien (une voiture), le capitaliste ne fera pas en sorte de diviser par deux le temps de travail (donc produire autant en deux fois moins de temps) mais utilisera ce gain pour produire deux fois plus de voitures pendant la même durée. Il en va de même pour l’utilisation des matériaux et de l’énergie. Si un procédé nouveau permet d’économiser de l’énergie pour produire un bien, cette économie ne conduit pas à une utilisation globale moindre d’énergie, mais est simplement réutilisée pour produire plus. C’est ce que les économistes appellent l’effet rebond (ou le paradoxe de Jevons).

Le développement durable ne suffit pas

Le capitalisme est un système d’exploitation des richesses, c’est à- dire du travail des êtres humains et de la nature. Le socialisme, comme l’écologie, sont la tentative de s’opposer à cette exploitation. Dans la lutte des classes entres les exploiteurs de la planète et des habitants, et celles et ceux qui résistent, l’écologie, comme le socialisme se placent du côté des seconds.

En réalité, le socialisme et l’écologie ne sont que les deux faces de la même médaille, de la même lutte contre le pouvoir du Capital. Il en découle une conséquence très importante : les propositions historiques du socialisme et du mouvement ouvrier ne s’opposent pas à l’écologie, elles lui sont au contraire absolument indispensables. La lutte socialiste, comme la lutte écologiste reposent sur la nécessité de réduire fortement le temps de travail, de rétablir le contrôle démocratique sur l’économie par la socialisation du sol et de la production dans les secteurs clés, par la reconquête de l’autonomie individuelle, par l’approfondissement de la démocratie politique et des libertés publiques. Bref, le socialisme a besoin de bien plus que le développement durable.

 

Paru dans "points forts" n°17, juin 2008 

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